LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Le Sahel, les pieds dans l’eau

Publié le samedi 18 juin 2005 à 17h10min

PARTAGER :                          

Le Sahel des paradoxes où se côtoient sécheresse et inondations, bassins humides et grands espaces faits d’arbres épineux. Pendant une dizaine de jours, une équipe de cinéma mobile du FESPACO et le ministère de la Promotion des droits humains (MPDH) ont parcouru cette région à la rencontre de ses populations : Peulh, Gourmantché, Bellah, Touareg, Mossi...

Le ministère de la Promotion des droits humains (MPDH) a entrepris depuis 2004, une série de sorties de sensibilisation dans les différentes régions du Burkina en collaboration avec le FESPACO. C’est ainsi qu’avec le cinéma mobile, des projections ont eu lieu dans le Sahel du 2 au 12 juin 2005.

Le 2 juin, le convoi de deux véhicules Tout-terrain quitte Ouagadougou aux environs de 13 heures pour la toute première soirée cinématographique à Bani dans le Seno. Dans le véhicule de la délégation du MPDH (affrété par les bons soins de la Communauté européenne, qui finance le Programme d’appui à la consolidation du processus démocratique, l’Etat de droit et la bonne gouvernance :PADEG) ont pris place Mme Dominique Nyaméogo et Mlle Victorine Birba. Elles sont conduites par M. André Tougouri du PADEG.

Quant au véhicule du FESPACO qui est chargé de près d’une tonne de matériel, quatre personnes y ont pris place. Il s’agit de Patrice Diallo, Sékou Coulibaly, Jean-Martin Sanou et moi-même. Le "machiniste" qui conduit est M. Boubacar Diallo, natif de la région du Sahel et qui connaît très bien le terrain.

En une heure de route, nous avalâmes la centaine de kilomères reliant Ouagadougou à Kaya. Une pause-déjeûner et nous attaquâmes le "redoutable" tronçon Kaya-Dori, long de 170 km.

La voie venait d’être râclée par l’entreprise chargée de son bitumage. Nous allions même y croiser quelques engins (des bulldozers sur des porte-chars) et des techniciens s’attelant à des tâches de levés topographiques. Plus tard à Dori, le directeur régional des Routes du Sahel M. Jacques K. Béremwidougou nous dira que ces techniciens sont en train de mettre la route en plan.

La famine est là

Arrivée à Bani à 16 heures environ, la délégation se rend à la préfecture. Le préfet M. Amidou Dayo (ce Bobo qui dit détenir des secrets pour mettre les Peulhs au pas) était au four et au moulin pour satisfaire de nombreux paysans venus retirer leurs sacs de mil, objets de vente à prix social entreprise par l’Etat.

"Ils ont passé la nuit ici à la préfecture pour attendre les vivres. La famine sévit bien actuellement et c’est de mal en pis au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans le Sahel", a-t-il lancé.

A Bani, 2600 personnes se sont partagé 262 tonnes de céréales à raison de 10 000F le sac, un prix majoré de 500 F (pour le transport de Dori à Bani) et 50 F pour les chargeurs. C’est sur cette note faite de disette que nous avons gagné la ville de Dori aux environs de minuit après la soirée cinématographique.

Après une nuit de repos à Dori, l’équipe met le cap sur Gorgadji à 56 km, route de Djibo. Avant de prendre la route, nous sommes reçus dans son bureau par le haut-commissaire du Séno, M. Halidou Ouédraogo. "La route est praticable", nous dit-il. Sur place, un paysan nous renseigne : Les greniers sont vides depuis décembre. La mauvaise pluviométrie en est la cause de même que l’invasion acridienne". Puis, il s’empresse d’ajouter : "Tout était déjà brûlé quand les criquets arrivaient". Il faut donc se débrouiller pour s’approvisionner. Pour ce faire, des camions vont chercher le grain dans des provinces comme le Ziro, la Sissili, les Banwa... C’est sur ces témoignages que nous quittâmes Gorgadji pour notre deuxième nuit à Dori, la capitale du Sahel. Une ville dans l’attente du bitumage de sa route qui la désenclaverait à bien des égards. Car, pour le maire, M. Nassouri Dicko, outre la liaison avec Ouagadougou, il y aura 10 km de voie à travers la ville. "Avant, Dori était un point de transit pour les voyageurs en provenance du Nigeria pour se rendre à Ouagadougou" , explique-t-il. L’autorié du Liptako-Gourma prévoit également d’autres travaux de bitumage dans la région. Ce qui n’est pas sans réjouir M. le maire qui attend l’arrivée de l’eau du barrage de Yacouta (10 km de Dori) en vue de l’alimentation en eau potable des "Doriens". Les indicateurs semblent être au vert puisqu’au moment où le maire nous entretenait, sa ville avait les pieds dans l’eau par cette pluie du 4 juin, forte de 94 mm de hauteur d’eau comme on n’en a pas vu il y a plus de 10 ans dans la région.

La tournée cinématographique qui nous a amenés dans la région ne pouvait qu’en être vivifiée. Mais l’impraticabilité des routes est là pour nous rappeler que le Sahel est une "région des paradoxes" comme nous l’a signifié le haut-commissaire, M. Halidou Ouédraogo : la sécheresse et les inondations.

Naturellement, le premier soir après la pluie, la soirée cinéma s’en trouvera un peu perturbée par la fraîcheur et l’humidité qui feront se terrer Peulh, Songhaï, Bellah, Gourmantché, Mossi, Touareg, etc.. (populations parmi les plus nombreuses dans le Sahel) chez eux. Le lendemain 5 juin, Sampelga était accessible pour la quatrième soirée cinématographique. De même que Sebba, cinquième étape, capitale du Yagha.

La route est bonne. Il n’a pas plu dans cette localité, mais il y a de l’eau. Surtout dans la Yaali, un affluent du fleuve Niger. "Il y a deux jours, il n’y avait pas d’eau dans le Yaali. L’eau est venue du Séno" confie un jeune.

Le haut-commissaire du Yagha, M. Moumouni Traoré était, lui, à l’instar des hauts fonctionnaires de la région, sans son véhicule de fonction, parce que bloqué à quelques encablures de Gorom-Gorom, derrière les fameux cassis de Saouga. Le Yaali a coupé la ville de Sebba en deux. Avec la montée des eaux, les habitants venus au marché étaient obligés de traverser en pirogue avec leurs bagages, des sacs de vivres et affaires diverses.

Le Yagha fait partie des nouvelles provinces. Pour ainsi dire, il n’est pas desservi par la Nationale de l’électricité. Mais, il y a le "Foyri Yaali" (lumière du Yaali), une coopérative qui alimente la ville en électricité,sur financement danois, en discontinu.

Modification de programme

Après Sebba, les animateurs du cinéma mobile ont mis le cap sur Dori à nouveau afin de regagner Ouagadougou pour permettre à une seconde équipe du (MPDH) comme du FESPACO) de prendre la relève. Ce fut fait mais avec un jour de décalage. L’étape suivante était le département de Titabè qui allait recevoir MM. Ousséni Domba et Tasséré Bambara (MPDH) et MM. Ardiouma Soma et Daouda Traoré pour leur première soirée. Après Titabè, ce devait être le tour de Tankougounadié, toujours dans le Yagha, mais la route n’était "pas bonne," a averti le haut-commissaire Traoré par l’intermédiaire du préfet de Titabè M. Kora Louka Zoubga. Les autorités administratives nous ont chaque fois conseillé la prudence eu égard aux drames constatés à Gorom-Gorom suite à la grande pluie du 4 juin.

Les appels téléphoniques ont alors été multipliés non seulement pour se renseigner auprès des différentes autorités locales, mais aussi de Ouagadougou, notamment au ministère de la Promotion des droits humains. De fil en aiguille, la décision a été prise de se cantonner à la périphérie de Dori. Et Gangaol (département de Bani) et MBamga (département de Dori) furent choisis.

Les eaux se sont retirées

Au fil des jours, l’administration dira que les eaux ne sont plus menaçantes. On avait déjà mis une croix sur des villes comme Oursi et Markoye. Aussi, décidions-nous de continuer dans l’Oudalan.

Au 7e jour après la pluie, les cassis de Goudebo et de Saouga (les deux plus grands ouvrages du genre entre Dori et Gorom-Gorom) continuent de déverser leur plein. Celui de Saouga, long de près de 70 m est encore un peu difficile d’accès : l’eau est aux mollets mais après tant de jours de coulée, elle a déposé une grosse quantité de sable sur le cassis, en deux endroits d’ailleurs, d’une hauteur de quelque 20 cm, difficilement franchissable en voiture.

Qu’à cela ne tienne, chacun d’entre nous voulait poursuivre cette mission qui l’amènerait sur les dunes d’Oursi et au bord de sa mare.

Et enfin, nous voilà à Oursi après une nuit passée à Gorom Gorom qui accueille la mission le 12 juin,jour de marché. L’on avait hâte de faire un tour dans ce marché malgré la chaleur par ces premières heures de l’après-midi. Mais auparavant, une visite de contact chez le préfet M. Boureima Tiendrébéogo qui se demande s’il faut qu’il nous serve à boire ou non. Parce que "l’eau contient beaucoup de calvaire par ici" dit-il. On allait s’en rendre compte par nous-mêmes par la suite. L’eau minérale en bouteille ? Elle coûte 1500 F CFA le 1,5l quand il vient d’un réfrigérateur. La bière pour les amateurs coûte 1000 FCFA. "N’oublions pas que c’est un bled touristique", échangions-nous. Les dunes, c’est bien après, quand les températures ont baissé.

Au marché, où se mêlent odeurs de tabac, de teinture, de vivres et condiments divers, de dattes, Mallebè, Bellah, Peulh, Touareg... se bousculent pour que le soir venu, l’on puisse mettre quelque sac sur le dos de son âne, son dromadaire, sur sa moto ou dans sa charrette. Il n’est pas jusqu’aux chameaux qui échappent aux marchandages. "Le petit a un an. Je le vends à 50 000F. Sa mère est à 250 000 FCFA", explique un Touareg, la cinquantaine, le turban bien noué sur la tête.

Souleymane SAWADOGO (passisley@yahoo.fr)
Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 20 juin 2005 à 12:56, par dicko hamadoum En réponse à : > Le Sahel, les pieds dans l’eau

    c’est bien de faire ce genre des visites
    pour mieux connaitre le souci de saheliens
    j’espère que la region de Djelgooji(soum) aussi aura sa part

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km