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<I>Une lettre pour Laye</I> : Qui a tué Achille Sankara ?

Publié le vendredi 24 décembre 2004 à 08h00min

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Cher Wambi,

L’événement qui aura marqué la semaine écoulée est incontestablement la commémoration, le lundi 13 décembre, du sixième anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons en rade de Sapouy. Ce drame qui, tu te rappelles, a fait monter ces dernières années la tension sociale.

Malgré tout, cher cousin, jusqu’à l’heure où tu me lis, il semble y avoir une sorte de divorce entre les gouvernants et les gouvernés.

Car depuis ce jour maudit du dimanche 13 décembre 1998, les assassins du directeur de publication et fondateur de l’hebdomadaire burkinabè L’Indépendant, restent officiellement introuvables. Mais cette année, en dépit du lourd silence qui entoure l’instruction du juge Wenceslas Ilboudo, ceux qui ont la lourde tâche de perpétuer son œuvre et son idéal, je veux parler du personnel de L’Indépendant, ont révélé à l’opinion nationale et internationale les tenants et aboutissants de cette sale affaire que la IVe République traîne tel un boulet à son pied.

Ainsi, dans ma dernière lettre, je t’avais rapporté l’épisode Casimir Kaboré qui, dit-on, a un parallèle avec l’affaire Norbert Zongo. En rappel, cher cousin, Casimir Kaboré était un lieutenant de l’armée de l’air, un des proches du président Blaise Compaoré, mort dans des circonstances encore mystérieuses. Après ma livraison du week-end dernier, j’ai reçu de la famille du regretté Casimir Kaboré le droit de réponse que je t’invite à lire. Mais je te l’avoue, cher cousin, je suis resté sur ma soif puisque la famille Kaboré ne dit pas, elle non plus, de quoi est réellement mort Casimir Kaboré, préférant s’en remettre à Dieu.

Lis donc : "Suite à l’écrit paru dans votre journal L’Observateur n°6292 du vendredi 17 au dimanche 19 décembre 2004, en page 4, dans une"Lettre pour Laye", dont un des éléments faisait cas de "L’épisode Casimir Kaboré", la famille Kaboré estime que c’est Dieu qui donne la vie, et c’est Dieu qui la reprend. Aussi, il a plu au Seigneur de rappeler son serviteur Kaboré Casimir auprès de lui ; que la paix du Seigneur soit avec lui et que la volonté du Seigneur soit faite.

Pour ceux qui connaissent les relations fraternelles qui lient les deux familles Compaoré et Kaboré, voisines de quartier à Ziniaré et ce depuis 1964, ce genre d’informations nous surprend et par ailleurs nous affligent à nouveau".

La famille Kaboré


Cela dit, cher cousin, au moment même où le premier ministre Paramanga Ernest Yonli prenait la direction de la Tapoa pour l’ouverture officielle de la saison de chasse 2004-2005, une forte odeur de malversations financières s’est emparée des Hauts-Bassins. Le coup, qui porterait sur des centaines de millions de nos francs (500 millions ?), serait l’œuvre de cadres de la Direction régionale de l’environnement.

Qui l’aurait cru, d’autant plus que pour le citoyen lambda, le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie ne gère que le bois, les feux de brousse et les pintades sauvages ? On oublie en effet que c’est un département où les projets à budgets colossaux sont légion. Ce ne sera pas la première fois en tout cas quand on sait qu’à une certaine époque, des poids lourds tant du pouvoir que de l’opposition ont eu à tremper leurs babines dans la soupe nationale, en toute impunité.

Cette fois-ci, certains des prédateurs de notre environnement, puisqu’il faut les qualifier ainsi, seraient déjà au frais. Osons seulement croire que tous les fautifs seront sanctionnés à la hauteur de leur forfait, et que ce dossier ne sera point rongé par les termites qui peuplent la voie qui mène à l’Inspection générale d’Etat. En tout état de cause, cher cousin, j’y reviendrai.


Te souviens-tu que le samedi 4 décembre dernier, à Houndé dans le Tuy, six élus nationaux portaient sur les fonts baptismaux l’Union pour la République (UPR), avec pour chef de file, le transfuge de l’Alliance pour le progrès et la liberté (APL), Toussaint Coulibaly ? On se demandait bien pourquoi la naissance d’un autre parti se réclamant de la majorité présidentielle, au lieu d’aller se fondre une bonne fois pour toutes dans le CDP !

A première vue, la naissance de l’UPR semblait être un non-évènement donc. Mais à entendre les uns et les autres analyser la venue de ce parti sur le terrain politique, rien pourtant ne semble fortuit. Et à ce qu’il paraît, quelques fins limiers du microcosme politique national, proches du pouvoir, ne seraient pas étrangers à la naissance de l’UPR. Et il n’est pas à exclure que le prochain poste de 5e vice-président de l’Assemblée nationale, qu’occupe présentement l’emblématique Soumane Touré, échoive à Toussaint Coulibaly de l’UPR, qui a six députés.

En effet, certains grands pontes du mégaparti ne cachent plus leur agacement face aux interventions "malheureuses et inopportunes" de Soumane Touré. Et alors pour prendre la place de la tendance PAI de Soumane Touré, l’UPR de Toussaint Coulibaly, plus accommodant, serait le bon cheval. Peut-être bien que la prochaine session parlementaire nous montrera si ces analyses ne sont autres qu’un bluff, ou au contraire assez sérieuses.


S’il est un "gombo" qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive ces temps-ci, c’est bien celui offert par l’Etat aux organes de presse privés. La répartition de cette subvention en cette année 2004 n’a pas fait que des heureux, car bien des organes n’ont pas eu droit à cette manne républicaine, et ne cachent pas leur couroux. C’est le cas, en effet, du mensuel burkinabè d’informations générales "L’étendard" , qui estime avoir été lésé, bien qu’il remplisse, selon lui, les critères d’éligibilité.

Voilà, cher cousin, j’avais bien dit en son temps que cette subvention de l’Etat à la presse privée causerait un jour ou l’autre des problèmes, tant qu’elle consistera en une aide financière directe. Je reste et demeure convaincu que nous gagnerions tous à ce qu’elle soit transformée en aide structurelle. J’entends par là, cher cousin, qu’il faut transformer cette subvention en fonds de soutien, d’appui, ou de bonification à la presse privée. Pourquoi, par exemple, ne pas créer une centrale d’achat où le papier journal serait disponible à tout moment et bon marché ?

Quand on sait qu’ils sont nombreux aussi qui ne sont pas en odeur de sainteté auprès des banques, pourquoi ce fonds d’appui ou de soutien ne permettrait-il pas aux organes de presse de contracter des prêts avec des taux favorables ? Autant de questions qui, si elles sont bien mûries, cher cousin, nous éviteraient de nous donner en spectacle dans les colonnes des journaux.


Cher Wambi, tu dois l’avoir certainement déjà appris, le tronçon Kaya-Dori de la nationale n° 3 sera en bitume dans quelque 30 mois, le lancement des travaux étant intervenu le 20 décembre dernier. Bientôt donc Dori cessera de paraître comme une zone de pénitence pour les nombreux fonctionnaires qui y sont affectés. C’est te dire aussi que ton désir ardent de rendre une visite de courtoisie à ton ami Yoro de Falangountou sera satisfait. Le ravitaillement de la région du Sahel en « sitoumou », ces vers de terre si prisés par les Bobos, se fera sans difficultés au grand bonheur de ceux des leurs qui y ont élu domicile.

Cette route fera également le bonheur des Peuls friands de féculents ou ayant besoin de tourteaux de coton pour leurs vaches pour qu’elles produisent abondamment de lait. En tout cas ce 20 décembre, grande était la joie des habitants du Sahel en général et de Dori en particulier qui sont sortis nombreux pour dire merci au chef du gouvernement, Paramanga, au président Roch Kaboré du Parlement et au mangeur d’arachides de Garango, je veux parler d’Hyppolite Lingani, celui-là même qui a en charge le département des Transports.

La cérémonie de lancement était riche en couleurs, mais laisse-moi te dire qu’il y a le sens d’un fait qui m’a échappé. Sur la place du haut-commissariat, ou du gouvernorat si tu veux, qui a abrité la cérémonie, j’ai remarqué un drapeau en berne sur un mât. Je me suis dis que, pour marquer la solennité de l’évènement, il allait y avoir la montée des couleurs. Cependant, dans l’annonce du programme, le maître de cérémonie n’en a pas fait cas. C’est te dire que jusqu’à ce que je quitte Dori peu après la fin de la cérémonie, le drapeau est resté en berne. Est-ce à cause de l’euphorie de l’avènement de l’évènement ou bien cela a un sens que j’ignore ?


L’année 2004 tire à sa fin. Plus qu’une semaine et nous l’enterrerons par la Saint-Sylvestre, qui nous ouvrira les portes de l’année 2005. En attendant, les communautés chrétiennes d’ici et d’ailleurs célèbrent le 25 décembre la fête de la Nativité, c’est-à-dire Noël, qui commémore la naissance de Jésus.

Qu’elles couleurs la fête prendra-t-elle cette année ? La saison agricole, en certains endroits, n’a pas été généreuse, et la peste porcine a endeuillé nombre de fermes. Que dire de la hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité ? Malgré tout, cher cousin, en ville tout comme à Laye, s’il y a la santé on va fêter. Noël et la Saint-Sylvestre, c’est une fois l’an, et personne ne voudra rater l’événement. Chacun y mettra du sien certainement, ne serait-ce que pour le plaisir des tout-petits.

Mais attention, cher cousin, pas d’abus ! Tu sais comme quiconque que prudence est mère de sûreté, alors... Consommons et roulons modérément, et les fêtes seront belles. Tu voudras bien transmettre au catéchiste et au pasteur de Laye mes vœux de joyeuse fête de Noël, en attendant que je puisse leur envoyer une carte.


Maintenant, cher cousin, feuilletons ensemble le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

- Cohabitation explosive dans le vol Air France en provenance de Paris mercredi dernier : Salif Diallo, Djibril Y. Bassolé, Simon Compaoré d’un côté, et de l’autre Hermann Yaméogo. Qu’ont-ils bien pu se dire ?

- Ce qui m’est arrivé à Dori le lundi 20 décembre 2005 mérite quand même réflexion. Après nos courses dans cette viIle la veille (le dimanche 19 décembre), le lendemain matin, j’ai pris un véhicule STMB avec d’autres passagers pour le retour à Ouaga. Lorsque le car est arrivé à la sortie de la ville, nous avons vu d’autres cars de transport, notamment un de SOGEBAF, qui étaient stationnés. Tous les passagers, las d’attendre, étaient descendus et faisaient les cent pas.

A la suite de ces cars, le nôtre était également obligé de stationner, déversant ses passagers au bord de la voie. Raison invoquée par les gendarmes et policiers qui y étaient postés : le Premier ministre aurait quitté Ouaga pour Dori afin de procéder au lancement des travaux de bitumage de la voie Kaya-Dori. Sans blague ! Si les citoyens ne peuvent rencontrer un Premier ministre en circulation quelque part, sur une route qui s’étend sur 270 kilomètres et en pleine savane, nous nous demandons dans quelles circonstances on peut avoir « l’insigne honneur » de rencontrer ce monsieur-là !

Ainsi, les pauvres passagers ont été obligés d’attendre pendant près de deux heures et demie, avant de pouvoir emprunter cette voie qui, à mon sens, leur appartient aussi un tant soit peu. Avec l’arrivée du président de l’Assemblée nationale, les chauffeurs des camions et de cars, excédés d’attendre, voulurent prendre la voie, mais s’entendirent dire que le cortège de Paramanga était toujours en route.

De l’avis de plusieurs passagers, c’est ce jour qu’ils ont su qu’on ne peut impunément croiser un Premier ministre sur une route. D’aucuns diront que « si nous les avons votés pour ne plus les croiser sur notre chemin, c’est le comble et adieu les doléances ». Les autorités devraient prendre leçon sur certains chefs d’Etat comme Rawlings du Ghana et Alpha Omar Konaré du Mali, qui respectaient dans leurs pays les feux tricolores. A moins qu’il n’y ait problème quelque part...

- Achille Sankara travaillait à la Caisse populaire de Barsalogo, dans la province du Sanmatenga. Depuis le 22 décembre dernier, il n’exerce plus sa fonction : il a perdu la vie dans un cambriolage survenu sur son lieu de travail, jeudi dernier dans l’après-midi. Avant ce jour fatidique, il y avait eu dans cette même caisse populaire le détournement de la coquette somme de 75 000 000 de FCFA.

Achille Sankara, semble-t-il, avait pris service dans cette « banque » populaire en remplacement de l’auteur du forfait. On ne connaît pas encore les détails de cette histoire rocambolesque. On apprend par ailleurs que les coffres de la Caisse populaire de Barsalogo auraient été vidés.

Quand on sait que les caisses populaires, qui sont en fait des banques de proximité, arrangent bien des gens, on ne peut que déplorer une telle situation et appeler à sécuriser davantage ces lieux. Vivement que l’enquête diligentée aboutisse.

- Le jeudi 30 décembre à venir, la mairie de l’arrondissement de Nongr-Massom sera aux couleurs de la Société des transports en commun de Ouagadougou (SOTRACO). C’est la fête de la famille, et Dame Damiba y aménagera pour quelques heures avec toute la famille de "Mercure mobile de Ouagadougou" pour un mariage collectif. C’est en effet 39 couples issus des rangs de la SOTRACO qui régulariseront à l’occasion leur situation matrimoniale. Avant, la fête qui promet d’être riche en couleurs au siège même de la SOTRACO. En quelque sorte, un mariage collectif à l’ombre de l’arbre de Noël.

- La richesse suscite toujours de la convoitise et bien des personnes y laissent leur âme. Comme tu le sais, le site aurifère d’Ambsouya, où travail ton neveu Rawidya, est prometteur si bien que même des flics y cherchent le métal jaune. Le directeur régional de la Police nationale de cette partie du plateau mossi, surnommé "l’Oncle Sam" par ses administrés, y aurait placé son neveu stagiaire comme chef depuis janvier 2004 alors que les agents devraient en principe se relayer chaque semaine sur le site. Toute chose qui a causé des remous au sein du Corps.

Les Saintes-Ecritures l’ont si bien dit, l’homme met son âme là où se trouvent ses richesses. Le DR y a placé aussi son "âme". Cher Wambi, je te tiendrai informé de la suite de cette affaire de pépite d’or.

Tipoko l’Intrigante n’apprend rien d’elle-même, elle n’invente jamais rien. Tipoko l’Intrigante est un non-être. Elle n’est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l’intuition c’est la faculté qu’a une femme d’être sûre d’une chose sans en avoir la certitude..."

Ainsi va la vie.

Au revoir.

Ton cousin

Passek Taalé.

Observateur Paalga

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