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Bobo : La "médipole" du Professeur André Ouezzin Coulibaly, toujours au stade de projet

Publié le vendredi 12 novembre 2004 à 07h32min

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Il y a trois ans, le Professeur André Ouezzin Coulibaly, cardiologue de renom (fils de Feu Daniel Ouezzin Coulibaly) présentait à la Chambre de commerce de Bobo-Dioulasso un projet qu’il avait élaboré en 1993 alors qu’il travaillait en Côte-d’Ivoire.

Les Bobolais et les Burkinabè prenaient alors connaissance avec le projet de "la médipole de Sya", un centre médical à vocation sous-régionale et qui devait regrouper maintenance, formation post-universitaire et recherche. Puis, plus rien ! Aujourd’hui, Sidwaya a pu avoir un entretien avec le Professeur André Ouezzin Coulibaly sur ce sujet.

Sidwaya (S) : Que devient le projet de la médipole de Sya ?

Pr. André Ouezzin Coulibaly (A.O.C.) : Comme on dit, Paris ne s’est pas construit en un jour. C’est la raison pour laquelle, même si vous ne voyez rien de concret sur le terrain, cela ne veut pas dire que rien n’a été fait. Au contraire nous avons patienté surtout que c’était une grosse entreprise qui demandait beaucoup d’efforts de plusieurs personnes. Nous avons d’abord vu les autorités de notre pays et ensuite, nous nous sommes adressé à l’étranger aux différents promoteurs éventuels. Cela a mis beaucoup de temps (nous le regrettons) parce que les conditions générales ont changé. Le projet en a pris un coup.

S : A quel niveau se situe-t-il actuellement ?

A.O.C. : Si nous disions qu’il est au point de départ, cela ferait rire. Même si nous avons présenté ce projet il y a trois ans, il faut dire qu’il date de 1993 et à cette époque, c’était un projet tout à fait valable et qui se situait dans un contexte bien particulier. Dix ans après, il faut revoir beaucoup de choses.

S. : Qu’avez-vous fait pour espérer voir aboutir ce projet ?

A.O.C. : La première chose que nous ayons faite, c’est l’information. Nous pouvons vous donner tous les dossiers que nous avons faits et distribués, les réunions publiques que nous avons eues, l’information qui a circulé. Aussi bien à Bobo-Dioulasso qu’à Ouagadougou, beaucoup de gens sont au courant de ce projet. Voulez-vous que je vous dise quelque chose ? Dans les autres pays, lorsqu’il y a un projet qui intéresse une ville, une région, ce sont les élus locaux qui se mettent en tête de ce genre de projet et ils ont derrière eux leurs électeurs et la population.

Nous avons informé autorités et populations, oralement et par écrit. Alors, qu’ont fait les autres ?

S. : Qu’est-ce que la médipole de Sya ?

A.O.C. : Premièrement, c’est un projet sous-régional. Compte tenu de l’ampleur du projet, nous ne l’avons pas simplement imaginé pour Bobo-Dioulasso parce que nous avons voulu créer une structure de haut niveau, avec toutes les technologies modernes. Au lieu d’évacuer les gens en Europe, ailleurs en Afrique ou aux Etats-Unis, nous avons pensé qu’il y avait assez de compétences africaines pour travailler sur place avec un plateau technique conséquent et à disposition.

Deuxièmement, il fallait que ce plateau technique soit à tout moment fonctionnel. Donc, il fallait un service de maintenance compétent. Nous avons imaginé alors de la maintenance.

Le troisième élément est la formation. En effet, on ne peut pas mettre du matériel moderne et neuf à la disposition de gens qui ne savent pas le manipuler.

Quatrièmement, nous nous sommes dit qu’étant donné qu’on parle beaucoup de médecine traditionnelle, il faut lui donner un cadre d’expression et de vraie recherche.

Nous avions également pensé à un centre international de conférence qui allait permettre aux médecins de la sous-région de venir se former ici. En fait, il s’agit de l’enseignement post-universitaire.

S. : Comment expliquez-vous le fait qu’on ne vous ait pas aidé ?

A.O.C. : Le premier étonné, c’est nous. Nous ne nous l’expliquons pas. Nous ne comprenons pas que partout où nous l’avons présenté, on l’ait trouvé intéressant et que nous n’ayons pas eu de répondant en dehors des étrangers qui ont "bougé". Dans notre pays, ça n’a pas été le cas, mais nul n’est prophète dans son pays. Restons à Bobo-Dioulasso et évaluons l’impact d’un tel projet sur la ville et la région. Imaginez ce que cela représente comme emplois directs, indirects et induits : l’hôtellerie, le tourisme, le transport, l’environnement, l’artisanat. Et même si nous devions employer cent personnes, combien d’autres font-elles vivre ? Pensez-vous que ça ne vaut pas le coup qu’il y ait une mobilisation autour de la médipole de Sya ? Mais, nous n’avons rien vu.

S. : Alors, allez-vous laisser tomber ?

A.O.C. : Beaucoup de gens voudraient qu’il en soit ainsi, mais nous ne laisserons pas tomber. Disons que les difficultés n’ont fait qu’augmenter. Vous savez, la confiance, c’est comme une allumette. Vous l’allumez et puis c’est fini. Les gens qui avaient eu confiance en nous au début et qui étaient prêts à tenter la réalisation de ce projet avec nous sont en train de se faire rares. Ce sont des hommes d’affaires et non des philanthropes qui pensaient pouvoir investir dans ce projet qui aurait pu leur rapporter. Dix ans après, beaucoup de choses ont changé.

On nous a donné le "feu vert" en août dernier, mais le temps de le réaliser comme nous l’avons décrit prendra plusieurs années. Parce qu’il va se réaliser par tranches. Entre le début et la fin du projet on a vingt ans. Ces gens-là croyez-vous qu’ils vont attendre tout ce temps ? Voilà le problème.

S. : Verra-t-il le jour tout de même ?

A.O.C. : Soyez raisonnable ! Ces gens-là, nous les avons cherché pendant longtemps. Ils ne sont pas tombés du ciel comme cela. Le projet ayant duré ainsi, croyez-vous qu’ils vont se précipiter pour venir ? Ils vont réfléchir par deux fois avant de le faire.

S. : Alors vous êtes tout seul maintenant !

A.O.C. : Nous avons toujours été tout seul. Nous ne sommes avec personne. Devant les barrières, toutes ces personnes animées de bonne volonté se sont découragées et sont parties. Maintenant, il faut reconquérir le terrain et cela ne se fait pas par un coup de bâton magique.

S. : Donc vous êtes prêt à recommencer ?

A.O.C. : Nous allons relancer l’opération. Mais la grande question qui reste posée c’est : est-ce que ça va mordre dans la mesure où il y a eu un premier échec ? Nous ne disons pas que nous baissons les bras. Ça a été très difficile, très long, mais pas par notre faute. S’il y avait eu de bonnes volontés qui s’étaient manifestées, l’opération aurait pu être réalisée beaucoup plus tôt et dans de meilleures conditions. On aurait été en ce moment à un certain stade de sa réalisation.

Aujourd’hui, on est au point de départ zéro, au sous-bassement.

S. : Une des raisons de toutes ces vicissitudes serait le fait que vous ayez choisi Bobo-Dioulasso et non Ouagadougou pour son installation ?

A.O.C. : Que ce soit à Ouaga ou à Bobo c’est le même pays ! Le développement du pays, on le fait partout où l’on est. Cela a été notre raisonnement. Nous avons choisi Bobo parce que nous avons estimé que c’est un bon endroit. Il est central dans la sous-région, d’accès facile, avec un bon climat et moins de problèmes d’eau qu’ailleurs. Ce sont des éléments à prendre en ligne de compte.

Et puis, une clinique est une clinique. Qu’est-ce qui empêche d’autres personnes de faire d’autres cliniques à Ouaga. Bobo est notre choix, alors pourquoi vouloir nous faire changer de choix ?

S. Vous auriez également repris plusieurs fois votre dossier au niveau du ministère de la Santé ?

A.O.C. : On est en Afrique et ainsi, on nous redemande toujours des dossiers. C’est classique. Le sort a voulu qu’il y ait eu successivement plusieurs ministres de la Santé. Les agents ont pu également changer.

S. : Quel message pour les autorités et les populations ?

A.O.C. : On clame que la santé est une priorité. Alors, nous n’avons rien à lancer comme appel aux autorités. Ce sont elles qui planifient la santé. Nous n’avons pas non plus d’appel à lancer aux populations. Nous avons fait ce qu’il fallait pour qu’elles soient informées de ce projet. Chaque fois que nous sommes dans la rue, on nous demande ce que devient la médipole de Sya. Croyez-vous que tout seul, nous pouvons la réaliser ? Si vraiment chacun voulait apporter sa pierre, ce serait l’idéal, mais ce n’est pas toujours le cas. Si l’on veut nous écouter, nous aider, nous sommes prêts à aller exposer ce projet partout où il faut. En dix ans, nous pensons avoir fait ce qu’il fallait faire. Mais nous n’avons vu personne. Nous ne sommes pas découragé cependant. Autrement, nous aurions brûlé tous les dossiers. Nous nous disons qu’il faut reprendre les choses à zéro et puis voir d’ici quelques mois ce qui se va se passer.

Interview réalisée par Urbain KABORE
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 17 novembre 2004 à 23:51, par Angèle Bassolé En réponse à : > Bobo : La "médipole" du Professeur André Ouezzin Coulibaly, toujours au stade de projet

    Le Professeur ne devrait pas se decourager bien que je comprenne sa deception. Je ne sais pas a qui il s’est adresse a l’exterieur mais je voudrais porter a son attention que la fondation Belinda et Bill Gates aux USA octroie des fonds pour ce genre de projets relies a la sante en Afrique. Et comme son projet inclut plusieurs axes comme la recherche et la formation, ainsi que la medecine traditionnelle, je suis sure que cette fondation sera ouverte a l’entendre.
    Qu’il essaie donc avec cette fondation.je souhaite vivement que ce projet se concretise.

  • Le 14 décembre 2005 à 12:54, par Emmanuel Fangman En réponse à : > Bobo : La "médipole" du Professeur André Ouezzin Coulibaly, toujours au stade de projet

    j’encourage le Pr Ouezzin et je lui demande de ne paqs se décourager ; nous avons besoin de ce genre de personnes pour développer nos pays africains ; je suis ivoirien, mes parents l’ont connu et ils m’ont toujours dit du bien de cet homme professionel, dévoué à la cause de sa profession et africaniste ;Professeur que Dieu vous guide.
    PS : si le PR Ouezzin lit ce message ou si un de ces proches le fait, je souhaiterais qu’il donne mon contact à sa soeur Dénise Ouezzin Coulibaly que j’aimerais retrouver. Merci
    Emmanuel Fangman (225)07295957 envol7@hotmail.com

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