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Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

Publié le jeudi 16 juin 2011 à 01h58min

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Prépaiement des frais de sessions communales sur fonds personnels du maire de Bana, en attente de l’établissement de la fiche de paie des conseillers municipaux. Apposition de la signature, à côté de celle du maire, au bas d’un document par un agent de la commune qui n’en était pas l’autorité indiquée. Deux faits, d’apparence mineure, qui ont suffi à écorner la crédibilité du bourgmestre de la commune et à ralentir l’élan de développement local amorcé à Bana, située à quelque 80 km de Boromo, dans la province des Balé.

Les rumeurs de crise de gouvernance communale locale, de malversations financières et comptables, de fausses signatures et de falsifications de documents administratifs…dont le maire de Bana, Mahama Kélétigui Coulibaly, se serait rendu coupable, étaient tellement insistantes, au point qu’une inspection de contrôle s’est rendue le 10 aout 2010 dans la commune. Notre séjour à Bana après le passage de l’inspection, révèle que ces rumeurs se sont avérées inexactes, à en croire les témoignages recueillis sur le terrain. Le département de Bana, qui regroupe dix villages, est situé à quelque 80 km au Nord-ouest de Boromo dans la province des Balé.

La commune compte vingt conseillers municipaux issus du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et du Parti africain de l’indépendance (PAI). Le maire a été élu sous la bannière du CDP, parti au pouvoir. Les sessions communales, assorties de paiement d’indemnités, sont supposées s’y tenir quatre fois dans l’année. A la fin de la réunion, chaque conseiller émarge sur un état de paiement avant de percevoir la somme de 3 000 FCFA de prise en charge. Ce qui revient à 12 000F CFA par conseiller, dans l’année.

Mais la lourdeur de la procédure de décaissement n’enchante guère les élus locaux dont la plupart sont des paysans analphabètes. Si bien qu’après chaque session, les conseillers municipaux exercent la pression sur la comptabilité pour entrer en possession de leur dû. Aussi, pour maintenir leur engouement et surtout leur permettre de regagner rapidement leur village, le maire se faisait le devoir de préfinancer les indemnités des conseillers sur ses fonds propres.

Ces arrangements sont fréquemment proposés par le bourgmestre qui fondait son espoir que les services financiers et comptables le rembourseront après contrôle et établissement des documents de paie. Mais le temps passant, les conseillers ont oublié qu’ils ont reçu de l’argent de Mahama Coulibaly, sans que l’acte ne soit matérialisé sur papier. Ainsi, pour régulariser cette situation, des fiches d’émargement ont été présentées aux élus, afin qu’ils apposent leur signature en reconnaissance des sommes antérieurement perçues.

L’analphabétisme des conseillers

L’opération s’est passée sans couac. Mais, profitant des tensions mineures qui secouent par moments la commune, certains conseillers ont propagé dans la commune les rumeurs selon lesquelles le maire fait émerger les élus pour ensuite disposer personnellement de cet argent. Pour les détracteurs du « jeune maire », il y a eu, non seulement abus de confiance, mais aussi et surtout, usage de signatures des conseillers à des « fins malsaines inavouées ». A Bana, on se plaît à parler d’ « usage de faux et de retrait intelligent d’argent » des comptes de la mairie.

Par ailleurs, la 2e adjointe au maire, Hamsétou Yé, très remontée, se plaint que « des gens auraient imité sa signature » pour entrer frauduleusement en possession de carburant à plusieurs reprises et auraient fait croire que c’est plutot elle qui est entrée en possession du "précieux jus". « Monsieur Bana », nom du maire dans les milieux politiques, serait-il victime de son esprit de consensus ?

Le maire est un agent de la fonction publique domicilié à Ouagadougou. Sa profession le met dans une situation de mobilité permanente. En 2008, après avoir présidé une réunion de session budgétaire dont le secrétariat était assuré par Salifou Dao, 1er adjoint au maire, l’édile Coulibaly se rend à Bobo-Dioulasso. Le document de budget toiletté, il est envoyé par une compagnie de « transport en commun » au maire à Bobo-Dioulasso pour signature. Selon le bourgmestre lui-même, le même document devait être transmis, le lendemain ,au contrôle du Trésor à Dédougou. Ainsi, le temps pressait, ce, d’autant qu’une seconde signature, celle du 1er adjoint au maire domicilié dans le village de Ouéna, devait être apposée sur le même dossier.

Ouéna, le village du 1er adjoint est à 9 km de Bana, siège de la mairie. Moins rompue aux rouages administratifs, Bintou Sawadogo Koné, la comptable d’alors, après avoir consulté son maire par téléphone, signe le document budgétaire à la place du conseiller Salifou Dao. Le dossier signé par délégation, arrive le lendemain à Dédougou après cette « usurpation » de titre. Et coup de théâtre, c’est le 1er adjoint dont la signature a été substituée à celle de la comptable de la mairie, qui doit « défendre » le budget de la commune rurale de Bana. Salifou Dao soutient que c’est en pleine réunion qu’il a découvert la signature de Bintou Sawadogo Koné, alors qu’elle n’en était pas la personne autorisée. Voilà une des raisons majeures de la polémique entre les conseillers et leur maire.

« Je consens que je n’ai pas tenu informé mon adjoint avant de solliciter la signature par délégation de la comptable de la mairie. Mais dès que Salifou Dao m’a appelé pour dire sa surprise depuis Dédougou, je lui ai présenté mes excuses et suggéré de transcender cette incompréhension involontaire, pour que le projet de budget de la commune soit validé pour l’intérêt général du département », a affirmé le maire. Autre grief contre le maire : des voix discordantes parlent également de retraits abusifs de carburant destiné aux dépenses de fonctionnement quotidien de la mairie et de factures impayées après exécution des marchés publics dûment octroyés. Le maire est soupçonné aussi d’être de connivence avec les soumissionnaires. A ce niveau, nous apprennent les techniciens, le paiement des sommes dues à un soumissionnaire se fait par virement bancaire et non à un individu, dès que le montant est supérieur à 100.000F CFA.

Des informations infondées

Des informations selon lesquelles, Mahama Coulibaly, a ponctionné les recettes de la Société d’exploitation minière de l’Afrique de l’Ouest (SEMAFO), installée à Bana, sont des sujets d’actualité dans toute la commune. De nombreux propos empreints de méchanceté animent la vie des populations de la commune. La preuve ? Les détracteurs du maire dans leur campagne de délation ont amplifié la rumeur en ajoutant que Mahama Coulibaly « bouffait » les recettes de la SEMAFO avec la complicité des services techniques et financiers de la région. Il faut comprendre que les recettes de la SEMAFO revenant à la commune de Bana ne sont pas versées directement dans les comptes de la mairie. Elles parviennent immédiatement à l’Agence comptable du contrôle du Trésor (ACCT) à Dédougou (province du Mouhoun) qui libelle un avis de crédit à la trésorerie régionale de la Boucle du Mouhoun.

C’est la trésorerie qui transfère la quote-part de la commune à la perception installée à Bagassi. C’est cette perception qui fait ressortir cette quote-part en lignes de crédits disponibles pour la commune. Si le maire souhaite disposer d’un seul centime des recettes de la SEMAFO, il lui faut suivre cette longue procédure financière et comptable pour que les fonds de la SEMAFO parviennent aux comptes de la commune. Au regard donc de ces dispositions, il est quasi difficile pour l’édile de « détourner l’argent de la mine d’or de de Bana », nous ont confirmé les financiers de la localité. Du reste, le receveur (appelé aussi percepteur) municipal, Dimi Sanou, basé à Bagassi, et le contrôleur financier de la province des Balé et des communes rattachées, Oumarou Sanfo, ont confirmé que le maire ne serait pas techniquement capable d’une telle entreprise.

C’est dans cet environnement de manipulation des esprits, que Siaka Konaté, l’actuel comptable de la mairie est soupçonné, lui aussi, d’avoir fait glisser des « factures non certifiées » par la mairie, lors de l’organisation en 2009, d’une cérémonie dont le coût estimatif serait de 300.000 FCFA. Son péché aura été de faire payer du piment, du sel, des légumes et du bois de chauffe… avec des reçus non homologués dans une contrée où, se défendent les adversaires du maire, on ne trouve ni tampon, ni quittancier, ni reçus au marché. Le comptable et son maire semblent confus face à ce fait d’apparence anodine. « De toutes les façons, si l’authenticité de certaines pièces justificatives de cette sobre cérémonie doit constituer une polémique interminable, je m’engagerais, sur mes fonds personnels, à rembourser l’argent dans les comptes de la mairie, s’il nous était demandé de le faire », rassure le maire.

Des réglements de compte ?

Le fonctionnement de l’administration et l’essentiel dans l’exécution des tâches courantes sont pourtant perceptibles à Bana. Nous avons vérifié la régularité de l’exécution du budget communal doublé de la gestion comptable, l’émission des mandats comptables, la tenue des registres des délibérations et des registres des PV (procès verbaux) de sessions. Quant à la rumeur selon laquelle le bourgmestre falsifierait les PV de sessions, il y a à préciser que les PV de la mairie sont reconnaissables par leur caractère dactylographié à la machine mécanique par le secrétaire général de la mairie, Issouf Boro. Nous avons également vérifié la tenue du livre journal, la présence et le classement des chronos archives. Notre attention s’est portée aussi sur la régularité d’une délibération du conseil municipal portant projet de lotissement du village de Bana.

A toutes ces vérifications, point de fautes de gestion financière et de dysfonctionnement administratif majeurs, selon les techniciens. N’empêche ! Une partie des conseillers affirme que le maire se plaît à s’absenter trop fréquemment aux sessions municipales qu’il fait convoquer en « dernière minute » depuis Ouagadougou. « Je concède, en effet, que je fais convoquer des sessions dans des délais avancés. Cette approche me semblait efficace sur le terrain avec l’usage des moyens modernes de télécommunication. Mais cette communication qui se voulait être pratique et fraternelle a été perçue comme un diktat de ma part… », a confessé l’édile de Bana.

En fait, il existe une vieille guerre de leadership entre les villages de Ouéna et Bana dont les deux sont équidistants seulement de 9 km. Ouéna est plus peuplé que Bana qui abrite le siège de la mairie. Les 1er et 2e adjoints au maire sont originaires de Ouéna qui dispute depuis des lustres, le leadership à Bana, village natal de Kélétigui Mahama Coulibaly. Il y a en toile de fond, ce combat des « fils » de Ouéna qui exigent l’érection de leur village au statut de département au même titre que le village de Bana. Même au sein de la communauté des communes de la province des Balé, « certains camarades politiques que Kélétigui tenait pour amis personnels dans un passé récent, auraient aussi contribué à orchestrer son « crash" politique ».

Ceux-ci ne lui pardonnent pas d’avoir été l’objet de toutes les sollicitations de la direction provinciale du CDP qui lui aurait donné son entière confiance, lors de l’élection présidentielle du 21 novembre 2010. Ainsi, en pleine campagne présidentielle, le maire aurait été soupçonné de mœurs légères sur les personnes d’une élève et d’une artiste-musicienne à Boromo. Selon une source policière contactée, tout n’était que « machination sur la personne du maire ». Durant toute la période de la campagne électorale, Mahama Coulibay dit avoir eu le moral en berne et avoue continuer à en souffrir. « Nous allons adresser une correspondance au bureau exécutif national de notre parti pour démontrer que, non seulement le maire de Bana ne respecte pas la discipline du parti, mais aussi qu’il trempe dans les affaires encombrantes », nous a confié un membre de l’Association des municipalités du Burkina Faso de la région de la Boucle du Mouhoun (AMBF/régionale). "Fervent croyant", Mahama Kélètigui Coulibaly a affirmé être serein dans l’espoir que la vérité rattrapera « un jour les incongruités des hommes ».

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)


Les investissements personnels de Mahama Coulibaly

La bâtisse dans laquelle les conseillers communaux et leur maire ont longtemps squatté leur a été rétrocédée par l’ancien préfet du département de Bana. C’était un bâtiment public délabré, décoiffé et abandonné. Il a été entièrement réhabilité sur fonds propres à hauteur de 4 800 000 FCFA par Kélétigui Mahama Coulibaly. Les élus ont rejoint l’actuel local de la mairie, il y a seulement quelques mois. Il n’est pas encore officiellement inauguré. Le maire dit attendre l’arrivée imminente du matériel d’équipement de bureau, avant de proposer une date à la hiérarchie pour la cérémonie d’inauguration.

Kélétigui Coulibaly soutient avoir fait construire sur fonds propres, à hauteur de 8 000 000 FCFA, une école primaire de 3 classes à Bissa, un village situé à quelque 5 km de Bana.

Selon les témoignages recueillis à Bana, Kélétigui Mahama Coulibaly fait convoyer les natifs du village à Bana à date fixe par des cars loués à ses frais en vue de jeter les bases d’une organisation formelle dans une synergie d’action, de solidarité pour le développement de la commune. Depuis 2006 le maire adresse, à cet effet, des invitations aux "fils" résidant dans les principales villes du Burkina. A leur arrivée, ils sont hébergés et nourris par "Kélétigui". Depuis le transfert de compétences par l’Etat, les directeurs et chefs de services de l’administration résidant à Bana se réunissent trimestriellement, sous la coordination du maire pour échanger sur les sujets d’actualité portant sur le développement socioéconomique du département. Par exemple, il se mijote, selon le maire lui-même, un projet d’organisation de concours, en vue d’encourager le meilleur enseignant. Un autre projet du même esprit, est en gestation pour "motiver" également le personnel de la santé de la commune.

I.N.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2011 à 05:09, par Mr cool En réponse à : Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

    Pourquoi les explications des plaignants n’ont pas été demandées ? Où votre maire trouve t-il tous ces ’’fonds propres’’ ? Enfin, M. le journaliste, pourquoi ne faites vous pas simplement votre boulot : donner une information impartiale ?

  • Le 16 juin 2011 à 10:35, par Tapsoba En réponse à : Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

    Idrissa Nogo,est-ce un avocat du maire Koulibaly ou journaliste ? Je n ose meme pas croire qu il soit le second.Car un journaliste n aurait jamais fait cette memoire en défense d un maire en lieu et place de rapporter les faits qui sont sacrés(dit-on),sans meme prendre le soin d écouter la partie accusatrice afin de faire un recoupement.Allez-y comprendre.Et puis,c est quel fonctionnaire de la fonction publique burkinabè qui peut se permettre cette oeuvre de charité et désintéressé(?) dans un pays où même les hauts gradés tirent le diable par la queue ? D où tire t-il ses ressources ? Avez-vous cherché à le savoir ? Ne pensez -vous d ailleurs pas que votre saint-Koulibaly ,dirigeant la commune depuis une autre localité est en violation de la loi qui veut que les maires soient sur place ? Pourquoi d ailleurs,Sidwaya,presse d Etat donc financée par l argent du contribuable, se sent-il obligé de s ériger en journal de propagande en faveur du parti au pouvoir ? Pendant qu on y est,un autre ex maire(RDB),celui de Koubri aux abois proteste contre sa revocation en conseil des ministres et clame son innocence.Faites le meme travail .

    • Le 16 juin 2011 à 18:34, par Mamtagsgo En réponse à : Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

      j’ai l’impression que c’est très difficile pour certains de comprendre la générosité quand elle se manifeste dans un désintéressement total.
      sachez que la gestion d’une commune au quotidien est une réalité tout autre et ce n’est pas toujours évident et facile avec les dispositions de la loi, donc il faut beaucoup de don de soi même, bref !
      je vous informe au passage que selon le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), c’est plutôt " le premier adjoint au maire a obligation de résidence dans la commune" (art. 266 du CGCT ) et non le maire.

  • Le 16 juin 2011 à 17:32 En réponse à : Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

    votre analyse n,est pas du tout impartiale Mr le journaliste.

  • Le 6 juillet 2011 à 19:11 En réponse à : Commune rurale de Bana : La générosité du maire se retourne contre lui !

    c’est quoi cette histoire bizarre ? bon courage à toi Coulibaly
    SOME

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