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INONDATIONS DANS L’OUDALAN : A Oursi, le maire rejoint son bureau à la nage

Publié le mercredi 11 août 2010 à 00h36min

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Les pluies des 20 et 21 juillet 2010 n’ont pas causé seulement des dégâts dans les régions du Centre-Nord et de l’Est. Le département de Déou ; dans la province de l’Oudalan, au Sahel, a enregistré des dégâts dont la valeur est estimée à plus de 60 millions de F CFA selon les autorités communales. Ce département a reçu 125 mm d’eau de pluie en 48 heures, le 22 juillet 2010 entraînant ainsi des inondations dans 9 de ses 14 villages.

Se rendre à Déou est un parcours du combattant. Qu’ à cela ne tienne, nous nous y sommes rendus les 3 et 4 août 2010 pour constater les dégâts causés par les pluies torrentielles du 20 au 22 juillet 2010. Des maisons écroulées, des animaux emportés ou morts, des champs inondés ou ensablés, c’est le triste constat que nous avons fait à Déou. Reçus par le Préfet dudit département, Seydou Sawadogo, nous avons été sidérés par la situation qui nous a été faite.

L’ampleur des inondations

Selon le Préfet de Déou, 9 villages sur les 14 que compte le département ont été inondés. Le cas le plus frappant, est celui du quartier Débé dans le village de Gountouré Gné-Gné, où toutes les maisons sans exception se sont effondrées. Les animaux ont été également emportés par les eaux de même que toute la volaille, a-t-il confié. Le mil qui se trouvait dans la boue après la chute des greniers a fini par germer. Les marchandises de trois boutiques étaient également dans la boue à leur arrivée, a-t-il ajouté. Les sinistrés, dont le nombre n’a pas encore été déterminé, dorment à la belle étoile car l’école qui pouvait les héberger a été aussi endommagée par les eaux. Les vivres du PAM, 398 kg de céréales, 58 kg de sucre, les archives, les manuels guides et les livres des élèves de cette école ont aussi fait les frais des eaux. Ce qui manque le plus aux sinistrés, c’est l’assistance. Le Comité provincial de secours d’urgence et de réhabilitation (COPROSUR) de l’Oudalan a certes mis à leur disposition 83 sacs de 100kg de petit mil et 80 tentes. Mais cette aide est insuffisante pour les milliers de sinistrés. Gountouré Gné-Gné, à lui seul, compte 1247 sinistrés.

Le nombre de familles sinistrées pour l’ensemble des 9 villages est de 501. Celui des sinistrés n’est pas encore connu mais on dénombre déjà près de 2000 personnes. Même si le Préfet bénéficie du soutien des autorités communales de Déou, il n’arrive pas, sinon difficilement, à faire face aux nombreuses sollicitations des sinistrés. Il a besoin d’être assisté par des moyens plus importants qui ne peuvent être mobilisés aisément que par le haut-commissaire de l’Oudalan et le gouverneur du Sahel qui, jusque-là, se font attendre, aux dires du préfet et des sinistrés. Les règles administratives empêchent le Préfet de prononcer le mot ’’abandonner’’. Mais c’est visiblement ce qu’il vit. Malgré sa maîtrise de la rhétorique, il a lancé le mot ’’abandonner’’ au cours de nos échanges. ’’On se sent abandonnés car, il nous manque de l’assistance’’, a-t-il lâché.

Des besoins importants

Les sinistrés ont besoin, a-t-il dit, de couvertures, de moustiquaires imprégnées et de vivres dont le prix a flambé dans le département, 23 000 à 23 500 F CFA le sac de 100 kg de mil. Qui ne demande rien n’a rien sauf si c’est Dieu qui donne. C’est conscient de cela que le préfet a demandé de l’aide pour les sinistrés qui sont, a-t-il confié, exposés au froid et aux piqûres des moustiques sur les collines où ils se sont retranchés après les inondations. Mais combien de temps vont-ils résister à ces intempéries ? s’est-il demandé. Pour le préfet, si les sinistrés ne sont pas assistés dans un bref délai, les plus vulnérables, notamment les vieilles personnes et les enfants, risquent de mourir. Il a déploré le manque de routes car la plupart des villages sont enclavés. Gountouré Gné-Gné qui est le plus touché par les inondations est aussi le plus enclavé. Outre les mobylettes, aucun véhicule ni charrette ne peut se rendre dans ledit village, a-t-il indiqué. C’est dire que même s’il y a une aide pour les sinistrés, son acheminement sera difficile. Il faudrait dans le cas échéant, songer à l’utilisation d’un appareil volant pour pouvoir les secourir.

Des sinistrés angoissés

Le Préfet a remercié le député Amadou Diemdioda Dicko qui a remis une somme de 150 000 F CFA pour assurer le transport des vivres destinés aux sinistrés. Il a aussi dit merci à l’opérateur économique, Milidi Ould Badi qui a décidé de mettre ses camions à leur disposition pour l’acheminement des vivres qui sont stockés à Dori et à Gorom-Gorom vers Déou. Cet opérateur économique de Markoye, dit être touché par ce qui est arrivé aux populations.

En plus des camions qu’il mettra à la disposition de l’administration, il fera ce qui est en son pouvoir pour aider les sinistrés. ’’Je vais prier pour que ce qui est arrivé à Déou ne se répète plus’’, a-t-il laissé entendre. Il a demandé aux autres opérateurs économiques d’apporter leur soutien aux sinistrés. Selon le 1er adjoint au maire de Déou, Issa Ag Asahalia, les dégâts causés dans sa commune sont énormes et se chiffrent à plus de 60 millions de F CFA. Certains sinistrés survivent grâce au projet PREVAS qui leur a remis des vivres. Mais que deviendront-ils quand ces vivres vont tarir ? Les sinistrés, de l’avis de l’adjoint au maire, sont très angoissés car ils craignent qu’une pluie ne vienne les déloger sur les collines. Il a souhaité que l’Etat et les bonnes volontés volent au secours des sinistrés en les dotant d’un peu d’argent car ils ont tout perdu. Selon Amadou Sambo, les habitants de Déou ont lutté avec les eaux dans la nuit du 21 au 22 juillet 2010 de 2 h à 7 h du matin. ’’Certains évacuaient les effets des maisons et d’autres essayaient de trouver un passage aux eaux en perçant des trous dans les maisons", a-t-il déclaré.

Ce dernier a dit avoir secouru la famille de son beau-frère car celui-ci était en déplacement au moment où il pleuvait. Son beau-frère en question, Amadou Monni, a confié qu’il a perdu 3 vaches en plus de sa maison qui s’est écroulée. Les dégâts ont été énormes mais aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée, a-t-il affirmé. Son voeu est d’avoir une aide pour pouvoir reconstruire sa maison. Le maire de Gorom-Gorom, Moussa O. Diallo a dit avoir fait le déplacement de Déou pour s’imprégner de la situation afin de rendre compte au bureau de l’association des municipalités du Burkina qui, à son tour verra comment soutenir la commune de Déou. Un point sera également fait à la Croix rouge dont le responsable s’est rendu à Déou pour constater les dégâts, a-t-il dit. A l’en croire, sa commune n’a pas enregistré des dégâts mais elle a pris des dispositions pour qu’en cas d’inondation, elle puisse y faire face. ’’Nous sommes aguerris en matière d’inondations car nous les avons vécues en 2006’’, a-t-il confié. Si Gorom-Gorom n’a pas enregistré des dégâts, Oursi en a enregistrés.

La mairie de Oursi inaccessible

La mairie de cette commune n’est accessible que par pirogue ou à la nage car elle est submergée par l’eau. Son 1er responsable, Mohamed Ag Rali Moussa, a déclaré que cette situation ne leur permet pas de travailler correctement car, l’eau atteint le niveau de la hanche. Mais, il s’y rend pour extraire quelques documents, à la nage, afin de pouvoir établir hors du bureau certains actes administratifs pour les populations, a-t-il laissé entendre. Pour lui, il faut délocaliser la mairie car elle se trouve dans un bas-fonds.

Le maire de Oursi a également confié qu’en plus des maisons qui sont tombées et des périmètres inondés, certains ont perdu près de 200 animaux. Il a lancé un appel afin qu’on vienne en aide à sa commune car elle n’a pas encore bénéficié d’assistance. Le campement Aounaf d’Oursi a été également touché. Selon un de ses employés du nom de Abdoulaye Maïga, les eaux ont été si violentes que le campement n’a pas résisté. Les dégâts causés par les eaux à Tougouri et à Yalgo dans le Centre-Nord sont également importants. La furie des eaux n’a pas été des moindres dans ces localités. Plusieurs maisons s’y sont écroulées, faisant de nombreux sinistrés. Selon Henri Yaméogo, un des sinistrés de Tougouri, les dates des 21 et 22 juillet 2010 resteront gravées dans la mémoire collective des habitants de son village. ’’ Nos maisons se sont effondrées comme du sucre dans l’eau.

Les enfants et les femmes pleuraient partout dans le village. Nous avons lutté vainement contre les eaux", a-t-il déclaré tristement. A l’en croire, les sinistrés, relogés dans les écoles, ont bénéficié de l’assistance de l’Etat et de celle d’autres organismes. Si les sinistrés de Tougouri ont bénéficié de l’aide de l’Etat, cela n’est pas le cas pour ceux de Yalgo. Ces derniers sont toujours dans l’attente d’une aide qui tarde à venir. Selon Amadou Zouré, le marché et plusieurs maisons se sont effondrés suite à l’arrivée des eaux les 21 et 22 juillet 2010. ’’Nous avons assisté impuissants à la destruction de nos maisons par les eaux que nous avons tenté d’arrêter en vain". Les commerçants qui occupaient le marché, a-t-il dit, ont été obligés de s’installer au bord de la route Yalgo-Dori pour continuer à exercer leurs activités. Il a demandé à l’Etat et aux personnes de bonne volonté de venir en aide aux sinistrés afin qu’ils puissent reconstruire leurs maisons. A notre passage, certains luttaient toujours contre les eaux en essayant de la stoper à l’aide des sacs remplis de sable. Cette localité qui a été frappée de plein fouet par les inondations a subi une attaque accridienne en 2005. L’amont du radier de Goudoubo situé à environ 18 km de Dori, sur l’axe Dori-Gorom- Gorom a aussi subi des dégâts.

Gorom Gorom coupée de Dori

Les eaux ont endommagé ce radier, coupant ainsi Gorom- Gorom de Dori. Pour y accéder, il faut faire un long détour avec tous les risques d’embourbement et de crevaison à cause de l’inexistence d’une vraie route. Ce détour n’est également réalisable que par certains types de véhicules et par des chauffeurs professionnels à l’image de Amadou Seïbane Cissé qui a conduit le reporter de Gorom- Gorom à Déou en surplombant des dunes de sables de grande hauteur. Les quelques voitures et véhicules de transport en commun qui se sont aventurés ont appris la leçon à leurs dépens. Ils ont été embourbés dans le sable "mouvant" en pleine brousse. Aux dernières nouvelles l’amont du radier de Goudoubo aurait été réparé.

Les péripéties d’un voyage

Si l’aller a été difficile, le retour l’a été davantage. A bord d’un camion robuste de type militaire, le reporter du "Pays" a failli passer la nuit entre Gorom-Gorom et Dori. Une panne d’éclairage est survenue après 25 Km de Gorom-Gorom. Une panne que le chauffeur et ses apprentis ont passé plus d’une heure à détecter. A un moment donné, le chauffeur a dit ceci : "Si on n’arrive pas à réparer les phares, nous allons passer la nuit en brousse". Cette phrase pas du tout rassurante pour le reporter a amené celui-ci à émettre un appel de secours. Sentant que celui-ci n’était pas prêt à dormir en brousse, le chauffeur a redoublé d’efforts dans la recherche de la panne. Il l’a finalement détectée et l’a réparée. Sur le chemin, plusieurs véhicules, surtout de transport, embourbés dans la brousse, demandaient de l’aide mais le chauffeur avait reçu l’ordre de ne pas s’arrêter. Car on était à la veille du marché de Gorom- Gorom d’où la crainte des coupeurs de route. C’est aux environs de 23 heures que le reporter est arrivé à Dori. Mais ces péripéties étaient négligeables au regard de l’importance de sa mission.


Situation provisoire des inondations et des besoins au Sahel

- Nombre de villages : 28
- Nombre de ménages : 858
- Nombre de sinistrés :4 715
- Besoins en vivres (kg) : 117 875
- Besoins en nattes : 2 574 unités
- Besoins en tentes : 4 717/25=189 tentes

Source : Direction régionale de l’Agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques du Sahel


Le témoignage du député Diemdioda

Le député Amadou Diemdioda Dicko, de la Convention des forces démocratiques du Burkina (CFDB), s’est rendu au Centre-Nord et au Sahel pour constater les dégâts et apporter son soutien aux sinistrés de sa province. Il explique ici ses motivations. "J’ai fait le déplacement à Déou parce que j’ai été interpellé par les responsables des villages sinistrés notamment le maire de Déou mais aussi du fait que j’ai été touché par les images sur les inondations au Centre-Nord et à l’Est. J’ai fait le tour des sites accessibles et le constat est désolant. Que ce soit à Tougouri, à Yalgo en passant par Oursi à Déou, les dégâts causés par les inondations sont importants.

Je déplore le manque de routes au niveau du département de Déou qui ne m’a pas permis de me rendre dans chacun des villages sinistrés en particulier à Gountouré Gné-Gné où les dégâts sont plus importants. Certains sinistrés de ce village ont tout perdu et le village reste jusque-là inaccessible. Des efforts doivent être faits pour rapprocher les vivres des sinistrés. Je ne sais pas par quel moyen mais il le faut car ils sont dans un réel besoin. C’est pourquoi d’ailleurs j’ai interpellé certains opérateurs économiques à l’image de Midili Ould Badi qui a promis de mettre ses camions à la disposition de l’administration pour qu’on puisse amener les vivres et les couvertures de la Croix rouge qui sont stockés à Dori et à Gorom Gorom. Je le remercie pour sa générosité. Je loue aussi l’aide apportée par le COPROSUR mais elle demeure insuffisante au regard du nombre élevé des sinistrés.

Il convient de redoubler d’efforts pour les soutenir. Les services de santé doivent également se préparer pour faire face à une éventuelle épidémie car les conditions dans lesquelles vivent les sinistrés peuvent entraîner des maladies. Concerant les 150 000 F CFA que j’ai remis au préfet pour secourir les sinistrés, c’est un geste symbolique. De retour à Ouaga, je verrai comment mobiliser d’autres ressources à leur profit. Avec les inondations que connaissent actuellement les populations, il y a lieu de les sensibiliser sur les changements climatiques qui sont une réalité. Quand une école ou un dispensaire est inondé, cela montre que son emplacement n’a pas été suffisamment étudié. Il faudrait donc mener une sensibilisation à ce niveau. Les maires ne doivent plus attribuer des terrains sans tenir compte de leurs caractéristiques. Ils doivent désormais savoir quelle terre affecter pour la construction des habitations car cela permettra de minimiser les dégâts en cas d’inondation".

Dabadi ZOUMBARA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 11 août 2010 à 02:18, par MA En réponse à : INONDATIONS DANS L’OUDALAN : A Oursi, le maire rejoint son bureau à la nage

    Aucun appareil photo n’a fonctionné pour nous montrer quelques images ou quoi ?

  • Le 11 août 2010 à 09:03 En réponse à : INONDATIONS DANS L’OUDALAN : A Oursi, le maire rejoint son bureau à la nage

    Tres bon article. Mais je pense que ce serait mieux si on avait des photos pour bien mesurer l’ampleur des degats.
    Pas seulement pour cet article mais pour tout autre si on peut avoir des photos.

  • Le 11 août 2010 à 10:33, par Yacine En réponse à : INONDATIONS DANS L’OUDALAN : A Oursi, le maire rejoint son bureau à la nage

    Le reporter gagnerait à davantage se former. Croyez vous rendre service à ce Prefet qui, malgré sa maitrise du language diplomatique, a fini par lacher le mot "abandonné" ? etiez vous obligé de le retranscrire ? c’est ainsi que vous agissez et lorsque les gens se refusent à tout commentaire, vous les accusez de retention d’info.

  • Le 11 août 2010 à 11:38, par yeral dicko En réponse à : INONDATIONS DANS L’OUDALAN : A Oursi, le maire rejoint son bureau à la nage

    Merci au journal le pays qui fait beaucoup d’efforts pour donner des informations de toutes les régions du burkina et surtout celle du sahel !Il est assez rare qu’il ai une seule parution sans qu’un sujet du sahel ne soit traiter,chose qui n’existait pas dans ce pays,de tel sorte qu’on pense que ce sahel là n’est pas du burkina,n’en déplaise à ceux qui pense que le burkina c’est les limites du royaume mossi.Aussi au regard de tout ses dégâts,force est de se demander que font tout ses militaires à dori,djibo,gorom-gorom et même à kaya pour aider ses populations sinistrés !Ou bien quelles sont les missions de l’armée en temps de paîx ?

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