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Délivrance des pièces d’état civil : La course effrénée vers le précieux “sésame”

Publié le jeudi 28 janvier 2010 à 00h48min

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La deuxième et dernière opération de délivrance des actes d’état civil mobilise acteurs et bénéficiaires dans les quatre départements de la province du Lorum dans la région du Nord. Des équipes mixtes mobiles sillonnent sans cesse, villages, quartiers et hameaux de culture pour offrir aux citoyens les moyens d’affirmation de leur citoyenneté et de leurs droits civiques. La mobilisation témoigne de l’importance de l’enjeu. Le constat sur le terrain, trois jours (14, 20 et 23 janvier derniers) donne un aperçu satisfaisant de l’adhésion des populations.

La province du Lorum s’inscrit honorablement dans le processus national d’établissement et de modernisation du fichier de l’état civil malgré les difficultés d’ordre logistique et humain observées çà et là. 21 456 jugements déclaratifs ont été rendus et 11 309 copies intégrales délivrées au 31 décembre 2009 lors de la première phase de l’opération.

Les retardataires n’entendent pas laisser passer l’autre perche que le gouvernement leur a tendue pour se rattraper. A Nomo-Foulbé, localité située à une quinzaine de kilomètres de Titao, sous une paillotte faisant office de salle de classe du village, une trentaine d’hommes, essentiellement des Peulhs ont du mal à contenir leur impatience.

En face d’eux, assis sur des tables-bancs, des membres de l’équipe mixte mobile commise à la tâche de délivrance des pièces d’état civil s’affairent à l’établissement des précieux documents. Parmi eux, le substitut du procureur du Tribunal de grande instance de Ouahigouya, Adama Ouédraogo veille à la légalité des transcriptions. L’audience foraine bat son plein. « Je suis satisfait du bon déroulement de l’opération ». soutient le magistrat.

« Nous comptons enrôler dans ce village environ 200 personnes », annonce Adama Koussoubé, préfet de Titao, président du tribunal départemental et chef de l’équipe mixte. Les postulants, ce jour-là, sont à majorité des femmes et des enfants. Salimata Dicko est née à Nomo-Foulbé en 1976. Elle a résidé tout ce temps dans le village sans disposer d’acte de naissance. Salimata n’est pas seule à être confrontée à cela Amidou Dicko, 19 ans a certes une carte d’identité burkinabè, mais son acte de naissance reste introuvable. L’un et l’autre ont pris conscience de la nécessité de posséder une pièce d’état civil. Le premier pas passe par l’acte de naissance.

Et l’audience foraine est une opportunité à ne pas rater. Le préfet de Titao, Adama Koussoubé se réjouit de cet engouement certain autour de l’opération : « Par jour, nous pouvons rendre entre 150 et 200 jugements. On se rend compte que la majorité des populations ne disposaient pas de pièce d’état civil ».

Son collègue de Ouindigui, Sahaboudine Diasso embouche la même trompette même s’il reconnaît que beaucoup reste encore à faire : « Nous devrons d’ici à la fin de l’opération, toucher plus de 5 000 personnes ». Il souligne la complexité de l’opération : vérifier toutes les identités pour éviter les doublons en vue de rendre le jugement et transcrire dans les registres d’état civil en vue de délivrer les copies intégrales.

Nom, prénom (s), date et lieu de naissance, filiations … sont entre autres, des informations essentielles sur lesquelles le tribunal se base pour statuer sur l’identité réelle du requérant. De telles reconstitutions requièrent le recours à l’intéressé mais aussi à son père et à sa mère, à défaut à des témoins majeurs. A Nomo-Foulbé, Lossa, Béguentigué, Toolo-Foulbé... l’opération connaît souvent des difficultés retardant la procédure.

La plupart des personnes requérantes sont parfois absentes de l’audience foraine. « C’est mon fils, mais il n’est pas là. Il a conduit les bœufs au pâturage », « il est allé au marché » sont autant de raison évoquées par les parents. Pour le président du tribunal, il faut la présence physique des requérants pour s’assurer de la véracité des informations recueillies dans la fiche de requête.

Il est souvent obligé d’envoyer des parents à la recherche de leur progéniture ou à défaut, leur donner rendez-vous à la préfecture. « Ici, tout le monde se connaît. Il faut alléger la procédure », se plaint un habitant du village. Et à un interlocuteur de rappliquer : « C’est déjà alléger. Les pièces d’état civil doivent être établies avec précaution. Avant, l’on pouvait mettre des mois à faire des navettes entre le village et la préfecture avant d’avoir la fameuse pièce. Aujourd’hui, c’est le préfet qui vient à nous ».

Beaucoup de requêtes formulées, peu de copies intégrales délivrées

A Toolo dans le département de Ouindigui, sous un arbuste, une équipe autour d’une charrette servant de table fait face à une dizaine de personnes. Dans ce campement peulh, le préfet Sahaboudine Diasso et son équipe sont à pied d’œuvre depuis 8h 00 du matin. « Nous avons pu libérer un groupe de personnes.

Ils étaient plus nombreux le matin. Nous préférons rédiger nous-mêmes les requêtes. L’analphabétisme des populations ne leur permet pas de les rédiger. Nous étions obligés de le faire, parce que nous avons constaté de nombreuses erreurs de par la campagne précédente », soutient-il.

Et de poursuivre, « Nous souhaitons que l’opération soit prolongée au-delà du 10 février car nous entendons encore enrôler plus de 4000 personnes. Nous ciblons actuellement les poches de résistance, surtout les campements d’élevage ». Le substitut du procureur souhaite que les requêtes soient formulées à l’avance pour permettre à la mairie de procéder bien avant aux vérifications et minimiser les doublons.

Dans ce département, l’opération a été confrontée à un problème majeur : le manque de registre d’état civil au niveau de Ouindigui. Le tribunal a pu surmonter ce handicap grâce à l’implication du préfet pour débloquer la situation. Pour cette phase, l’opération présente la même photographie dans les départements autres que ceux de Titao et Ouindigui.

Elle a suscité un véritable engouement. Les équipes mixtes mobiles se trouvent en certaines circonstances débordées. « Nous avons beaucoup de requêtes sous la main à notre arrivée dans les villages. A You, nous avons fait appel à six (06) personnes supplémentaires pour faire face aux multiples requêtes. De 3 000 requêtes, on n’a pu délivrer que 150 copies intégrales ce jour.

A cette allure, les objectifs seront difficilement atteints d’ici au 10 février », s’inquiète Boukary Kagoné, membre de l’équipe mixte mobile de Titao. Dès l’arrivée de l’équipe dans l’après-midi du 20 janvier dernier au quartier Bélém de Yorsala, une bourgade d’un demi-millier d’habitants, la nouvelle se répand au village. Des femmes abandonnent le mil dans le mortier ou à la meule et les hommes, leurs animaux, à l’unique puits à grand diamètre.

Tous accourent sous le tamarinier du village, quartier général de l’équipe mixte mobile. Un attroupement spontané se forme traduisant la bonne réception du message. Chacun veut se procurer le sésame, l’acte de naissance pour se voir établir une carte d’identité, d’abord et pouvoir prendre part aux élections, ensuite. Mme Kadisso Sawadogo est conseillère municipale de la commune de Titao.

Elue au titre du village de Yorsala, à une cinquantaine de kilomètres de là, la trentaine bien sonnée, elle ne dispose paradoxalement pas d’actes de naissance : « Ayant perdu toutes mes pièces, cette opération est une opportunité pour me mettre à jour. Tout comme moi, beaucoup de femmes profiteront de cette occasion pour avoir des pièces d’état civil. La distance ne nous favorise pas car il faut se déplacer jusqu’à Titao. Et pour des femmes, c’est un parcours du combattant. Et certaines sont obligées de se rabattre sur Baraboulé dans le Soum ».

L’importance de l’opération d’établissement massif de pièces d’état civil est également relevée par le directeur de l’école primaire du village, Saïdou Ganamé : « Notre école compte un effectif de 162 élèves. Hormis une dizaine d’enfants du CM2, aucun élève ne dispose d’acte de naissance. Les parents ne s’en préoccupent même pas. Nous allons profiter de cette opération pour régulariser leur situation ». Et de conclure : « Les populations croient qu’ils n’ont besoin de pièces d’état civil que quand ils ont besoin de voyager. C’est un signe d’ignorance. Cette opération va susciter un élan de prise de conscience ».

Les différentes équipes sillonnent les villages et hameaux les plus reculés pour « ratisser large » et donner une seconde chance à ceux qui ont traîné le pas. Une population-cible de 36 000 personnes étant l’objectif que se sont fixé les acteurs à cette phase de l’opération.

Abdoul Salam OUARMA : AIB/Titao


Un précieux document pour exister

• Une opération à point nommé à Yorsala

A Yorsala, les populations se réjouissent de cette opération. Le village est situé à 50 km de Titao. Pour se rendre dans la localité, notre équipe a du se rendre à l’évidence : demander maintes fois le bon chemin à emprunter. Entre sentiers et pistes d’animaux, notre équipe parvient enfin à fouler le sol de Yorsala, après plus d’une heure et demie de route. Pour les populations, cet enclavement est la principale contrainte à l’obtention des pièces d’état civil. « S’il faut endurer ce calvaire pour avoir une pièce, nous préférons nous en passer et rester chez nous », a déclaré un habitant de la localité.

• Aucun répit dans la sensibilisation

Rien n’est gagné d’avance. A toutes les étapes de ses sorties, le haut-commissaire du Lorum, Mme Fatimata Bonkoungou a plaidé pour la cause de la femme. A travers ses actes de remise symbolique de copies intégrales aux bénéficiaires, Mme Bonkoungou a invité les populations à une mobilisation effective autour de l’événement. « Après le 10 février, vous serez obligé de débourser de l’argent pour avoir des pièces d’état civil », a-t-elle soutenu à tout bout de champ.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 janvier 2010 à 09:13 En réponse à : Délivrance des pièces d’état civil : La course effrénée vers le précieux “sésame”

    Bravo à tous les acteurd,prefets, membres des éqauipes mobiles qui sont en train de faire un excellent travail. Mess encouragements et qu’Allah leur donnne la sagesse et la patience nécessaire pour terminer cette noble opération de d’odience foraine. Merci.

  • Le 29 janvier 2010 à 15:14, par Noel Kwanuka En réponse à : Délivrance des pièces d’état civil : La course effrénée vers le précieux “sésame”

    Merci à l’auteur de l’article en objet. Je voudrais joindre ma plume aux autres pour féliciter tous les agents de l’Administration qui font leur travail avec conscience et courage dans des conditions souvent difficiles. Je demande à la Direction Générale de l’ONI de sensibiliser ceux des agents qui développent des attitudes contraires à leur devoir de service public (manque de courtoisie, arrogance, favoritisme et traitement discriminatoire). Exemple : Des gens dorment à la belle étoile devant les commissariats et autres lieux de réception des dossiers de CNIB dans l’espoir d’être reçus parmi les premiers et voient d’autres demandeurs qu’on introduit sans cesse avant eux. Ou bien, en ces moments où c’est la ruée partout, il s’en trouve des agents affectés au travail qui, se prenant pour de petits dieux, tiennent des discours de mépris du genre : ’’c’est parce que le coût a baissé à 500 FCFA que vous vous ruez ici ; vous étiez où avant ?" Comme si l’objet de la baisse n’était pas justement de toucher le plus grand nombre et les plus nécessiteux ! Je ne dis pas que tous les usagers sont sans reproche mais on dit que quand celui qui commande oublie la honte, celui qui obéit perd le respect . MM les Ministres de l’Administration du territoire et de la Sécurité, veillez également sur ces aspects aussi. Les citoyens ont droit à un service public de qualité.

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