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INONDATIONS, SECHERESSE, FAMINE... : La Gnagna souffre dans le silence

Publié le vendredi 30 octobre 2009 à 05h32min

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L’on a tant parlé des sinistrés de Ouagadougou que l’on en oublie presque ceux qui, depuis les déluges de début septembre 2009, vivent un infernal revers de fortune dans la "Gnagna profonde", loin des projecteurs des médias. Le trop-plein d’eau tombée du ciel le 1er septembre dans les localités de Tougouri et de Boulsa, dans le Namentenga voisin, est venu balayer des habitations de fortune dans les communes rurales de Manni, Thion et Coala.

Du coup, 7 231 hommes, femmes et enfants qui traversaient déjà une période de disette quelques semaines plus tôt, se sont retrouvés sans toit, après le passage des eaux. Aujourd’hui, avec l’arrêt précoce des pluies, la sécheresse a gagné les champs de la Gnagna qui ne promettent plus d’être généreux. "Ça nous a chauffé ici !", a clamé le haut-commissaire de la province, qui nous a fait l’économie de la situation samedi dernier, à "Bogandé city".

Comme le monstre d’un cauchemar, les eaux du déluge du 1er septembre 2009 ont surpris les populations de la province de la Gnagna, le lendemain 2 septembre, par le canal du barrage de Manni. Comme à Ouagadougou, les dégâts matériels sont énormes : maisons et greniers écroulés, vivres et autres biens emportés par les eaux de ruissellement, cheptel décimé, etc. Les statistiques inscrites dans les annales du haut-commissariat de la province font état de 7 231 personnes directement touchées, dont 1 835 femmes, 1 602 hommes et 3 014 enfants. La catastrophe naturelle a coûté la vie à 3 personnes dans la province. Les premiers et uniques secours sont venus le 4 septembre du CONASUR (Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation), suite aux rapports du haut-commissariat. Il s’agit essentiellement de moyens de subsistance composés de maïs, de vêtements, de couchettes, de savon, etc. qui ont été distribués dans les trois communes les plus touchées.

Puis, plus rien ! La solidarité locale aidant, une bonne proportion des sans-abri ont trouvé refuge chez des parents, voisins et amis. Les autorités provinciales ont organisé le relogement des sinistrés restants sous les tentes qui faisaient office de salles de classe dans le cadre des écoles BRIGHT dans la province. Une dizaine de tentes ont été réquisitionnées à cet effet. Certains parmi ces relogés se sont, entre-temps, "débrouillés" pour se faire un logis personnel, quoique conjecturel et précaire. Ce qui fait que le nombre de tentes occupées par les sinistrés de la Gnagna est passé de 11 à 7 à la date du 24 octobre 2009. Avec la reprise des cours, les élèves à qui étaient destinées lesdites tentes ont dû se contenter de hangars en secco, des "abris de fortune", selon les termes du "haut-com", pour apprendre à lire et à écrire, en attendant qu’une solution plus durable soit trouvée à la problématique du relogement des sinistrés.

"Black-out médiatique"

A la lecture de la situation, l’on peut avoir le légitime sentiment que, suite à l’historique catastrophe du 1er septembre 2009 qui a frappé le Burkina, le train de la solidarité nationale s’est ébranlé, laissant sur le carreau les victimes des provinces, dont les 7 231 infortunés de Thion, Manni et Coala, dans la Gnagna. Mais le haut-commissaire de la province pense autrement : "La Gnagna n’a pas été oubliée puisque dès les premiers instants le CONASUR est venu avec des vivres. Il faut comprendre qu’il s’agit là d’une situation nationale et l’Etat est obligé d’être sur plusieurs fronts à la fois". Kouliga Maxime Koala regrette cependant le "black-out" médiatique dont a été victime sa province depuis le début du sinistre. "Il n’y a eu aucune couverture médiatique sur la catastrophe dans la Gnagna, fait-il remarquer. En dehors de nos rapports officiels envoyés par voie hiérarchique à Ouagadougou, personne n’en a parlé. Aucun organe de presse, si ce n’est vous qui êtes là aujourd’hui, n’a fait cas de ce qu’ont enduré les populations de la Gnagna après les averses du 1er septembre. Je crois que c’est ce qui a le plus manqué, et qui donne l’impression que les victimes de la province ont été oubliées".

Qu’à cela ne tienne ; le gouvernement a organisé le relogement des sans-abri de Ouagadougou et organise aussi leur déguerpissement des sites d’accueil avec à la clef une (petite) mesure d’accompagnement et un délai de rigueur. A contrario, les sinistrés de la Gnagna, à entendre le haut-commissaire, ne sont pas logés à la même enseigne et, par conséquent, ne devront pas s’attendre, du moins pour l’instant, à une faveur similaire. Car aucune aide (matérielle ou financière) à la reconstruction des maisons tombées n’a encore été annoncée à leur bénéfice. D’ailleurs, il n’y a pas lieu, de l’avis de Maxime Koala, de faire une comparaison de la situation de Ouagadougou avec celle de la Gnagna, puisqu’à Ouaga, les victimes des inondations étaient sur leurs parcelles et dans des zones assez complexes, tandis que les sinistrés de la Gnagna étaient, pour la plupart, installés dans leurs champs. Pour l’heure, sur le terrain, il est question de les encourager à reconstruire eux-mêmes leurs maisons, tout en leur recommandant vivement de se réinstaller loin des zones submersibles.

En dépit de cette détresse silencieuse qui a frappé la province au cœur de son système de sécurité sociale, l’appel à la solidarité nationale n’est pas tombé dans l’oreille de "ventres creux" dans la Gnagna. La province, selon son premier responsable, a pu réunir et acheminer vers le gouvernorat de Fada N’Gourma, une première tranche de 2 063 400 F CFA, puis une seconde de 76 500 F CFA en espèces au titre des contributions volontaires de ses fils et filles. A cela s’ajoutent des dons en nature (vivres, vêtements, couchettes, etc.), destinés à être centralisés à Ouagadougou. Mais la Gnagna attend toujours le retour de l’ascenseur pour essuyer ses propres larmes. "C’est une question de solidarité nationale, rappelle le haut-commissaire. Nous (ndlr : la province) faisons partie de cette nation. Nous sommes touchés. Il ne fait donc pas de doute que le moment venu, nous bénéficierons de cette solidarité. C’est ce que nous avons expliqué aux populations".

Il faut sauver la Gnagna !

L’inondation dans la Gnagna et ses conséquences sur la population ne constituent qu’une étape médiane par rapport à deux autres calamités naturelles, et pas des moindres. La catastrophe du 1er septembre – on devrait plutôt parler du 2 septembre pour la province – fait suite en effet à une dure situation de famine qui était particulièrement endurée, comme par hasard, par les mêmes populations aujourd’hui sinistrées, c’est-à-dire celles des communes rurales de Thion, de Manni et de Coala. Depuis les mois de juillet et août 2009, rapporte le haut-commissaire, les greniers étaient désespérément vides dans ces localités. L’ampleur de la conjoncture avait même requis l’intervention de la Société nationale de gestion du stock de sécurité (SONAGESS).

Une vente de vivres à prix social a été organisée. Plus de 3 000 sacs de céréales y sont passés. L’opération qui a pris fin le 17 août avait permis aux populations affamées de se constituer un minimum de provision à gérer jusqu’aux premières récoltes. Mais à peine deux semaines plus tard, vint le 1er septembre avec son cortège de sinistres. Les petits stocks fournis par la SONAGESS sont emportés par les eaux. Une bonne partie de la province est submergée dans un précipice plus profond. Les indicateurs de famine clignotent au rouge foncé. Et le bout du tunnel est loin d’être à la portée des yeux de quelques milliers d’habitants de cette partie du Burkina. Car, comme si toute la réserve de pluie était tombée le 1er septembre, la sécheresse s’est emparée des champs dont certains ont complètement séché avant même la floraison. Au regard de la situation, le haut- commissariat a de nouveau tiré la sonnette d’alarme par le biais de rapports envoyés en urgence à Ouagadougou. Cela tient lieu de SOS et la province attend, de pied ferme, d’être une fois de plus secourue et dans les meilleurs délais.

Par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 3 novembre 2009 à 22:42 En réponse à : INONDATIONS, SECHERESSE, FAMINE... : La Gnagna souffre dans le silence

    "Arrêt précoce des pluies" un 30 octobre ???????? Faut s’informer, mon garçon ! Et il faudrait savoir : partout, jusqu’aux confins sahéliens, tout le monde, experts y compris, parlent d’une mousson qui n’en finit plus de partir, et vous, vous nous parlez d’arrêt précoce : êtes-vous si vieux pour avoir connu un hivernage qui perdure en novembre, surtout dans la Gnagna ????

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