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Dégradation d’infrastructures routières à Koudougou : Palogo, Youlou, Sigoguin... coupés de la commune

Publié le jeudi 22 octobre 2009 à 04h30min

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On est tous d’avis que la route du développement passe par le développement de la route. Pourtant, c’est de ce mal, à savoir l’absence ou la mauvaise qualité des routes que souffrent bon nombre de nos villes et villages. Ce qui fait que parler souvent de développement s’apparente à une chimère. On ne dit pas que nos gouvernants ne font pas des efforts, mais comme dit le petit commerçant, "c’est bon mais ce n’est pas arrivé". Pour nous en convaincre, nous avons vécu la souffrance des habitants de la partie sud-ouest de Koudougou lorsqu’ils veulent se rendre dans la capitale du Boulkiemdé pourtant distante de moins d’une dizaine de kilomètres.

"Nous n’en voulons pas aux hommes politiques bien qu’ils aient plusieurs fois promis de construire nos routes ; il y a un écart entre ce qu’ils promettent et ce qu’ils peuvent faire. Mais nous interpellons nos frères et sœurs qui n’arrivent pas à s’unir pour qu’ensemble, nous développions nos villages", fulmine, Semdé Zakaria, le pantalon retroussé, les chaussures accrochées au guidon de sa bicyclette et les pieds toujours dégoulinant de boue.

Il venait de parcourir la distance quotidienne comme bon nombre des habitants de Palogo, car aller dans ce village situé à quelque cinq (5) km du centre ville, relève d’une prouesse avec le pont qui a été emporté par les eaux au cours de cette saison pluvieuse.

Malheureusement, Palogo n’est pas seul dans cette situation d’isolement. Tous les villages, pour ne pas dire les quartiers, se trouvant dans cette partie sud-ouest de Koudougou sont logés à la même enseigne. Tenez : La route passant dernière l’usine Faso-Tex et conduisant à Youlou, Péyiri et Sigoguin traverse un marigot au niveau de Sigoguin. Là, comme passage, un pittoresque pont "gaulois" en bois. Il faut avoir le sang froid d’un funambule pour franchir l’ouvrage sans prendre un bain forcé dans l’eau boueuse de la mare.

Le samedi 17 octobre, nous sommes allés "admirer" ces acrobates du jour que sont devenus tous ceux qui vont ou sortent de ces villages. Les plus nombreux sont les commerçants de céréales, de volailles et autres qui fréquentent les marchés de ces localités. Car, ironie du sort, une bonne partie des grains vendus à Koudougou en proviennent. Si on ne veut pas emprunter ce chemin de croix, on a peut-être le choix d’un autre axe.

C’est celui qui part du secteur 6 en contournant les écoles sud. Mais triste illusion car à l’entrée de Palogo, un pont pourtant bien construit a été détruit par les eaux cette année. Et plus loin, à Sigoguin, c’est le même obstacle du fait d’un radier inachevé qui contraint les usagers à mille et un supplices. Cet axe, via le secteur 6 et Palogo, mène à Taamtoré, Naguiélo, Sigoguin, Kamédji pour ne citer que les bourgades les moins reculées, car au-delà, on a Koukin-kuiliga et Pouni.

On se retrouve donc avec plusieurs localités littéralement coupées de la commune. Si les piétons, les cyclistes et les vélomotoristes jonglent pour passer, en voiture, inutile de s’y risquer. "Des parents sont décédés parce que l’ambulance n’a pas pu accéder au village pour les évacuer. De même, si un des nôtres meurt, on n’a d’autre moyen que la charrette pour ramener le corps au village et là aussi, c’est très difficile et humiliant pour sa famille", se lamente Yaméogo Alassane.

Même état d’âme chez Raphaël Yaméogo, habitant de Sigoguin qui avoue que "la voix est notre véritable problème. Il est difficile d’aller à Koudougou quand on quitte ce village et les autres et vice versa. Nous n’avons pas les moyens de la mettre en bon état. Toute bonne volonté qui pourrait nous aider à rendre cette voie praticable nous ôtera une grosse épine du pied. C’est surtout en saison des pluies que la situation est désolante.

N’eussent été les enfants qui m’ont aidé à traverser, c’est sûr que seul, je n’allais pas pouvoir faire le déplacement à Koudougou. Souvent on a l’eau jusqu’aux hanches". Il faut dire que cette situation profite à certains téméraires qui aident les villageois à traverser, contre des subsides. Ne dit-on pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres ? Asséta Zongo est venue acheter des céréales au marché de Sigoguin pour aller les revendre à Koudougou, question de pouvoir dégager quelques bénéfices pour subvenir aux besoins de sa famille.

"A maintes reprises, j’ai failli périr dans les eaux du marigot. Pourquoi continuer à risquer ainsi sa vie ? Faut-il croire que son activité est si fructueuse ? Non, soupire-t-elle. C’est que je n’ai pas le choix. C’est ça ou je meurs de faim avec mes enfants. Dieu est grand". Et comme pour se donner plus de courage, elle nous confie que tous ceux de Peyiri, Youlou, Koukinkuilga, Napolé, Lolo, Pagparité, Riolo, Nadiolo, Taamtoré, Saria et autres, empruntent la même route pour se rendre à Koudougou et sont donc exposés aux mêmes périls qu’elle.

Elle nous a affirmé que les malades graves ne peuvent pas être évacués à Koudougou pour cause de mauvais état de la route. Une fois, selon ses dires, l’ambulance est venue attendre en vain sur l’autre rive pour transporter un malade. Les crues ayant rendu le passage impraticable.

Ce cas est loin d’être le seul, car il n’y a pas si longtemps, le chauffeur de l’ambulance a dû déposer sur la rive le corps d’une dame décédée à l’hôpital de Koudougou parce que le véhicule ne pouvait plus avancer. Des exemples similaires, il y en a beaucoup et ceux que nous avons approchés ne se gênent pas pour le raconter. Des femmes ont perdu des céréales, des légumes, de l’argent en voulant rejoindre Koudougou.

L’eau a empêché certains d’aller à leurs champs et ceux qui cultivent de l’autre côté n’ont pas souvent eu le soutien des autres pour les suppléer. "Personne ne voulant se risquer à entrer dans des eaux à hauteur de poitrine, des femmes se voient parfois obligées d’accoucher au village quitte à aller par la suite faire la déclaration au CSPS".

Asséta Zongo avoue avoir perdu à maintes reprises ses céréales ; quand par chance elle parvient à éviter le naufrage, elle est obligée, une fois à Koudougou, d’étaler les grains pour les faire sécher parce que les sacs sont trempés. Parlant des deux routes d’accès au village à peine praticables, elle espère que des bonnes volontés viendront un jour leur construire un ouvrage digne de ce nom afin de les sortir de l’isolement.

Même litanie de mésaventures du côté de Noraogo Yaméogo qui confie que "la route est notre véritable problème. Les dommages causés sont énormes. Des élèves ont du mal à rejoindre l’école de Peyiri tout comme ceux de Peyiri pour aller à l’école de Sigoguin. Idem pour les enseignants qui viennent de Koudougou pour enseigner dans les établissements des villages des alentours".

Fort heureusement, malgré l’adversité et la modestie des moyens, les habitants de ces villages n’entendent pas croiser les bras et pleurer indéfiniment sur leur sort. Le vieux Koudougou Issa Yaméogo nous a informé qu’ils ont en projet de lancer une cotisation de 1 000 F par famille afin de réhabiliter les ponts. Ceux qui peuvent vont apporter des agrégats ou du matériel. Pour la main-d’œuvre, il ne se fait pas de souci car les différents villages regorgent de ressources humaines nécessaires.

Koudougou Issa Yaméogo a appelé au soutien des bonnes volontés et de tous ceux qui ont un minimum pour les accompagner. Malgré notre insistance, il s’est refusé à s’adresser particulièrement aux hommes politiques et aux autorités communales car ne voulant pas, selon lui, restreindre le cercle des potentiels donateurs.

Cependant, ceux-ci doivent se sentir tout de même interpellés car, même si leur rôle n’est pas de construire des routes, l’occasion est belle de se faire quelques sympathies surtout qu’il suffit parfois d’un rien pour fidéliser nos parents du village. A ce sujet, nous n’avions pas pu nous empêcher de sourire quand, l’air malicieux, notre premier interlocuteur, Zakaria Semdé, s’est réjoui à l’avance du désarroi dans lequel se retrouveront les politiciens quand ils voudront les rejoindre dans les domiciles pour parler d’élection.

"Nous, nous avons nos vieux vélos, nous pouvons nous adapter, mais eux, avec leurs grosses voitures, nous verrons", a-t-il presque ironisé. Mais en attendant, que de souffrance et de calvaire sur ces axes pas vraiment pratiquables et indignes d’une ville qui se targue d’être la troisième du pays.

Cyrille Zoma

L’Observateur Paalga

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