LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Décentralisation : Tenkodogo, ville difficile !

Publié le jeudi 13 août 2009 à 18h27min

PARTAGER :                          

Juillet 2009 à Ouagadougou, temps parfois pluvieux et orageux. Difficile souvent de se rendre d’un quartier à l’autre. Même constat à Tenkodogo. Qui pis est, faute de caniveau, nombre de voies ont été rendues impraticables, même au centre-ville. Il en résulte quelquefois des secteurs entièrement enclavés quand le ciel ouvre toutes ses vannes. Une situation face à laquelle la mairie reste impuissante. Mais il n’y a pas que cela : la commune peine à juguler le phénomène de la vente d’essence frelatée dans la rue et a aussi du mal à faire comprendre aux transporteurs la nécessité de rejoindre la gare routière.

N’ayant pas les moyens de m’offrir un voyage à Kuala Lumpur en Malaisie ou même en Inde, que je rêve pourtant de visiter un jour, j’ai passé mes vacances comme d’habitude à Tenkodogo. Croyez-vous que j’aie cultivé un coin de terre comme Kôro Yamyelé, qui prétend avoir un champ quelque part au Faso ? Que nenni !

Toutefois, bien qu’ayant déserté la rédaction pour quelque temps, je n’ai pas chômé pour autant pendant les 15 jours que j’ai passés là-bas. Dans la région où je me suis retiré, j’ai cultivé la poésie. Vous souvenez-vous de mon dernier carnet de voyage à Blantyre au Malawi ? Je disais quelque part dans mon récit que si je revenais vivant (la catastrophe aérienne d’un appareil de transport d’Air France m’avait angoissé), je me rendrais dans mon petit village pour travailler sur le recueil de poèmes que je prépare depuis longtemps.

Je rappelle que c’est sur un grand homme de ce pays dont le destin continue de me fasciner, comme tant d’autres Africains de ma génération. En voulez-vous un avant-goût ? La première pièce porte sur l’assassinat du président, suivi d’autres titres tels que : Quatre jours après ; Acrostiche ; Pourquoi ses amis d’hier ; S’il plaît à Dieu, demain ; Lorsque j’arrivai ; Epitaphe, etc. Je suis avancé dans mon travail, et il reste la deuxième partie qui est intitulée : Poèmes.

Il y a deux épitaphes à la mémoire d’André Chénier et d’Alfred de Vigny. Ce sont des sonnets qui, comme telles, obéissent à des règles fixes. Boileau disait d’ailleurs qu’un sonnet sans défaut vaut seul un long poème. Je suis proche du lyrisme romantique pour avoir connu la vie par les livres. Si Dieu nous prête vie, cet ouvrage verra le jour et ce sera alors le meilleur temps de ma vie.
Des idées poujadistes

Quand je ne suis pas occupé à faire des vers, je ne manque pas d’aller voir la famille à Zaka, un village proche de Sassema d’où je suis originaire. A Tenko, je rends visite à des amis à mes heures perdues. Une vieille ville qui est en train de prendre son essor. Il y a des années, elle présentait un aspect stagnant. Mais, aujourd’hui, Tenkodogo se développe ; et un peu partout, des maisons de grand standing poussent comme champignons au soleil.

Je ne parle évidemment pas de ma bicoque, même si elle est appelée un jour à changer elle aussi de look et de standing. En attendant, des immeubles administratifs font la fierté de la ville. Des hôtels comme Djamou et Lafi n’ont rien à envier à ceux de la capitale. Toutes choses qui font que Tenkodogo est devenue un haut lieu de rencontres. Des institutions et des entreprises y viennent régulièrement pour des séminaires.

La commune couvre une superficie de 1147 km carrés. Elle regroupe, en plus de la ville, 83 villages et compte une population résidante de 130 084 habitants, en majorité jeunes. Les principales activités menées par les populations sont l’agriculture, l’élevage, la sylviculture et le commerce. Le conseil municipal compte 182 membres et se classe deuxième au plan national en termes d’effectif d’élus municipaux.

Tenko a une position stratégique au regard de sa proximité avec le Togo ; et le commerce y est l’activité la plus rentable. La plupart des marchandises viennent de Cinkansé et, sur le marché, on trouve des articles d’alimentation, de lainage, des appareils divers, des bricoles et des matériaux de construction de toutes sortes.

Dès que le jour se lève, les boutiques sont vite ouvertes, attendant d’éventuels clients. Le produit qui est actuellement le plus demandé, c’est le ciment venant du Togo. En effet, en cette saison des pluies, c’est le moment propice pour faire des parpaings, puisque l’eau manque cruellement en saison sèche.

Le prix du ciment a vertigineusement monté et, malgré cela, on n’a pas le choix. La tonne, qui était à 85 000 FCFA, est passée aujourd’hui à 110 000 FCFA. On explique cela par le fait que l’Etat aurait augmenté les taxes, compte tenu de certains paramètres. Dans la « vieille cité », ce commerce est florissant ; et c’est tous les jours qu’arrivent du Togo des remorques entières du précieux matériau.

L’autre activité qui marche aussi fort, c’est la vente de l’essence, non pas à la pompe, mais dans la rue. Oui, du frelaté comme qui dirait. Ceux qui sont dans ce business font fi des dispositions en vigueur et exercent dans l’illégalité. Aux abords des trottoirs, ils vendent donc du carburant en bouteilles dont la qualité laisse souvent à désirer. On a beau les rappeler à l’ordre, ils n’en ont cure.

On se rappelle qu’un stock de ce produit dangereux avait pris feu non loin du Centre hospitalier régional (CHR). N’eût été l’intervention diligente des sapeurs pompiers, on eût assisté à un désastre dans la ville. Selon le maire de Tenkodogo, Alassane Zakané, ses collaborateurs et lui ont rencontré les acteurs de cette activité, et la troisième fois, c’était en présence des représentants du ministère des Mines, des Carrières et de l’Energie. « Des conseils ont été prodigués aux uns et aux autres et ils savent désormais qu’ils exercent dans l’illégalité. », a-t-il précisé.

Autre secteur où règne encore un désordre total, c’est celui du transport. Un exemple ? La gare routière, depuis sa construction, reste désespérément vide ; les transporteurs préférant s’agglutiner autour du grand marché si ce n’est aux abords de l’église catholique en quête de passagers pour Bittou ou Cinkansé.

Dans la ville, des chauffeurs de « Dyna » (1) s’approvisionnent chez nos vendeurs illicites d’essence avec qui ils s’entendent comme larrons en foire. Ils n’ignorent pas la dangerosité de ce carburant tout comme ils n’ignorent pas l’existence d’une gare routière officielle dans la cité. En tout cas, si ce n’est pas de l’impunité, ça y ressemble fort ; et, à ce qu’il paraît, ces vendeurs et transporteurs professent des idées poujadistes (2) si l’on préfère égoïstement corporatistes.

La commune de Tenkodogo peut-elle, dans ces conditions, tendre à un développement harmonieux ? Quoi qu’il en soit et en dépit de l’irrédentisme des « rebelles » comme on les appelle ici, le conseil municipal continue de travailler dans la sérénité.
Une question de mentalités

Sur le terrain, des réalisations sont visibles ; les plus récentes, ce sont les boutiques de rue, qui sont au nombre de vingt (20). Elles sont à peu près à 500 mètres du Commissariat de police et leur coût est de 29 08 808 FCFA. Ces installations ont été déjà louées par des commerçants qui paient 5000 FCFA de loyer par mois.

Deux marchés modernes ont été réalisés aux secteurs 2 et 6. Mais, malgré ces efforts du conseil municipal, ces lieux n’ont pas atteint le degré d’occupation souhaité. A la question de savoir pourquoi des commerçants n’intègrent pas ces sites, Alassane Zakané déclare que tout dépend de la mentalité d’ici, et que les petits commerçants veulent être tous aux abords des grands axes.

« Dès qu’on parle à Tenkodogo d’emménager dans un marché puisque chacun doit payer ses taxes, alors là, on n’est pas prêt à le faire ; et cela n’est pas de nature à arranger les choses », déplore-t-il. Quand nous lui faisons remarquer que si c’était ailleurs les choses ne se seraient pas passées de la sorte, il nous répond tout simplement que ce ne sont pas les mêmes réalités.

Ayant compris à quoi nous faisons allusion, il s’est empressé de préciser que Tenkodogo n’a pas la même force de frappe que Ouagadougou. Si sa ville avait une bonne police municipale et un personnel de qualité capable de concevoir un certain nombre de choses, il en aurait été autrement. Les agents municipaux étant au nombre de dix seulement, il souhaite ainsi que les autres forces de sécurité (police nationale et gendarmerie) soutiennent ses hommes dans leur travail quotidien de maintien de l’ordre.

Revenons aux infrastructures pour dire qu’à Songtaba, au secteur 1, et à Sebretenga de Godin (c’est un village), deux écoles primaires que la commune a construites font le bonheur des habitants. L’autre projet, c’est la construction du siège de la mairie dont le coût est estimé à 139 926 116 FCFA. Son financement sera assuré par l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et la commune. Pour donner un nouveau look à la ville, on a procédé, depuis quelques jours, à des adressages. Au cours de l’un de mes passages à l’hôtel de ville, j’ai pu constater qu’on tenait une session de formation à cet effet avec des jeunes. Elle était assurée par Claude Keré, le responsable du service du domaine, de l’habitat de la mairie. Après les numéros, une commission sera mise en place et fera des recherches afin de trouver des noms à affecter aux rues.
Le calvaire des habitants

Si dans le royaume de Zungran-Tenga (la terre de Zoungrana), la commune voit grand, force est de reconnaître qu’il y a encore du travail à abattre dans la ville. Les moyens sont certes limités, comme d’autres communes du pays, mais il faut oser prendre des initiatives. Car, en cette saison des pluies, la plupart des rues par exemple ne sont pas bonnes à emprunter. Les flaques d’eau ne manquent pas, avec des gouffres béants qui présentent de nombreux dangers.

Les eaux stagnent devant des concessions. Au secteur 5 par exemple, des rues ressemblent étrangement à des barrages ; et quand il pleut à verse, l’eau envahit les cours et pénètre même dans les chambres. Le lendemain, quand le ciel est sombre, on est inquiet parce que l’eau de pluie va encore faire des dégâts. Une situation qui fait vraiment pitié ; et ce n’est pas ce seul secteur, d’autres aussi sont concernés par cet enclavement en pleine ville.

A l’hôtel de ville, on n’ignore pas du tout le calvaire des habitants. Pour le bourgmestre, s’il n’y a pas de routes en bon état, tout cela est dû en partie à l’absence de caniveau. L’eau de pluie ne s’écoule pas, et ce qu’il a vu au secteur 5 l’empêche, selon lui, de dormir. Des paroles compatissantes sur la gravité de la situation.

La route qui passe devant la mairie commence elle-même à se dégrader alors qu’elle avait été aménagée à 14 981 184 FCFA il y a seulement un an. Aujourd’hui, cette voie n’est plus ce qu’elle était ; et le conseil municipal prévoit de débloquer 22 00 3244 FCFA pour construire des caniveaux tout le long de la route.

La commune étant visiblement confrontée à des problèmes de recettes et de recouvrement, le maire lance un appel à l’aide. Ses priorités ? Les routes et les caniveaux. Mais il n’y a pas que la ville qui doive être prise en compte ; les pistes rurales se dégradent elles aussi de jour en jour. Et il faudrait bien y penser avant qu’elles ne soient des crevasses.
Les radiers sont endommagés

Quand on emprunte par exemple l’axe Tenkodogo-Louanga-Sassema-Ounzéogo en direction de Garango (c’est une boucle), on constate qu’il est impraticable dans sa grande partie. Les vélos, les motos et les voitures sont mis à rude épreuve. Cette piste, qui n’existait auparavant que de nom, était une des préoccupations de l’administration avant la communalisation intégrale.

En 2007, l’entreprise adjudicataire a soumissionné pour en faire une vraie piste. Quand les travaux avaient commencé, c’était en pleine saison sèche ; et c’est à Bagré qu’elle s’approvisionnait en eau pour les besoins sur le terrain. Pour le maire, cela a beaucoup joué sur la qualité des ouvrages.

En tout cas, c’est réel, mais quand on prend le temps de regarder ce qui a été réalisé, on est enclin à penser que le travail a été fait à la hâte pour ne pas être surpris par l’hivernage. C’était dans le mois d’avril, et j’ai personnellement un peu suivi les travaux, puisque j’étais alors en vacances.

J’avais même publié un article au moment où on abattait des arbres pour l’élargissement de la piste. Deux ans après, les ouvrages de franchissement tels que les radiers sont sérieusement endommagés. A chaque pluie, il faut dominer sa peur pour passer, tellement l’eau les submerge.

A l’entrée du village de Bado, le pont a cédé sous la poussée des eaux. Une déviation a dû être pratiquée, mais elle n’est pas sûre, puisqu’elle traverse un bas-fond en direction de Ounzéogo. S’il vous arrive d’emprunter cette piste Tenko-Louanga-Sassema-Ounzéogo, vous réaliseriez combien les eaux de ruissellement sont de redoutables agents d’érosion.

C’est vrai qu’on ne peut rien faire en cette période pluvieuse, mais la réhabilitation de cette piste est une nécessité, sinon on aurait investi pour rien. Mieux, cette infrastructure revêt une grande importance économique étant donné qu’en désenclavant de nombreux villages, elle permet aux commerçants de se ravitailler en céréales. C’est en effet une zone agricole extrêmement riche, bien que la terre ne soit pas particulièrement généreuse.

Justin Daboné

Notes
(1) car de transport
(2) référence à Pierre Poujadiste défenseur dans les années 50 en France des petits commerçants enfermés dans leur corporatisme

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 13 août 2009 à 19:59, par Wendbenedo En réponse à : Décentralisation : Tenkodogo, ville difficile !

    Merci à Justin Daboné pour ce sejour poetique à Zoungranetenga qui n’est qu’une preuve d’amour et de devotion pour sa terre natale n’en deplaise à Yamyelé. Merci aussi pour ces chiffres qui accompagnent les realisations de la mairie car il n’est pas toujours aisée de fouiner dans les comptes de nos bougmestres. 20 boutiques pour deux millions de nos francs par ces temps de vie chère, cela me paraît relever du miracle dont seuls les CDR ont le secret ! Notre cher journaliste a peut-être oublié un chiffre dans la saisie. 20 millions aussi pour 20 boutiques me paraît un peu excessif ! Enfin le maire de Bobo en pleine realisation des boutiques de rue peut me contredire ! En effet à ce coût hypothétique de realisation d’une boutique de rue (plus d’un million par boutique) et vue le loyer à consentir par locataire, il faudrait plus de 16 ans pour que la mairie recupère sa mise ! Par ailleurs rien ne permet d’affirmer que ces boutiques vont resister au delà de 10 ans ! Pourquoi d’ailleurs le maire veut-il que les commerçants regagnent les marchés modernes s’il leur permet de rester dans la rue à moindre frais !D’autre part debloquer près de 15 millions pour "amenager" une route de moins d’un kilomètre et qui, ironie du sort, n’a même pas tenu un an, sent du roussi ! Voilà que le maire sera obligé de sortir encore 22 millions pour les caniveaux de cette royale avenue de moins d’un kilomètre ! Après il faudra en faire autant pour "reamenager" cette route ! Avec autant d’argent jeté le maire ne doit plus se plaindre des problèmes de recouvrement et de recettes ! Il y a beaucoup de communes qui envient la situation géographique de Tenkodogo et le dynamisme de ses fils qui pour la plupart évoluent dans le commerce ! Cette ville de Tenkodogo merite une bien meilleure gestion pour la hisser à la place qu’elle merite. Avis aux fils et aux filles de la commune de Tenkodogo qui comptent 83 villages (on pourrait en rajouter 2 qui sont l’ITALIE Et Nancy, suivez mon regard) d’abandonner les querelles de clocher et parler d’un même language qui n’est que celui de faire de TENKODOGO une ville ouverte, touristique, agricole, commerciale et poétique où Justin Daboné pourrait inviter Yamyele à reciter avec lui des sonnets qui ne seront pas brisés sur des chemins chaotiques et des reliefs repugnants .

    • Le 14 août 2009 à 17:56, par Zeys Bill En réponse à : Décentralisation : Tenkodogo, ville difficile !

      Bonjour, ce n’est pas que les dix (10) elements de la police Municipale ne peuvent pas bien faire le travail mais ce sont les mêmes politiciens qui vont encore intervenir parce que ce sont leur militants qui sont mis en cause alors qu’il veulent être elus. Parlant des voies non praticable, entre temps, nous avons vu une entreprise qui faisait semblant de reparer mais cela n’est pas allé loin. Je crois que notre véritable problème présentement au Faso c’est de penser que si je le fais ceci je n’aurai pas cela. Moi je fais ce que je dois faire dans mon travail même si tu es mon ami ou mon voisin, si demain je me retrouve devant toi, fait également bien ton travail et tout ira bien pour tout le monde ; mais si je dois cesser de travailler pour te rendre service, je me retrouve a pénaliser beaucoup de gens et toi seul tu es satisfait.

    • Le 19 août 2009 à 12:12 En réponse à : Décentralisation : Tenkodogo, ville difficile !

      Bonjour. Votre analyse est pleine d’informations et riche en idées. Mais à quand devrons-nous nous unir pour assurer le développement de cette belle ville de Tenkodogo avec les atouts que nous avons ? Bien frternellement, Paul KERE, France.

  • Le 14 août 2009 à 17:39, par junior79 En réponse à : Décentralisation : Tenkodogo, ville difficile !

    mais il ne faudra pas attendre la fin de son deuxième mandat pour distraire l’opinion publique en complicité avec des journaliste en vacances. que peux t’ont retenir des 10 ans passé a la tète de la commune de tenkodogo ? ou est passé le car que la ville de Pullnoy a offert a la commune ? et quelle est l’utilité du camion des sapeur pompier garé a la mairie ? voici autant de question que Justin Daboné ( demi frere du Maire de Tenkodogo) traitera a ces vacances prochain

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km