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Grèves itératives à RFI : Des ambitions mondiales freinées par des réalités bien françaises

Publié le mercredi 20 mai 2009 à 02h05min

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L’information n’est plus une nouvelle : le commun des auditeurs sait que, ces jours-ci, le public branché sur Radio France International (RFI) n’a ou n’avait plus (au cas où, entre-temps, les choses seraient revenues à la normale avant la parution de cette édition de la chronique) droit à toutes les émissions de la grille des programmes. En lieu et place de nombre d’émissions, c’est de la musique, art ayant la vertu d’adoucir les mœurs, qui est servie aux auditeurs.

Les auditeurs sevrés n’ont d’autre choix que de se tourner vers les médias concurrents de RFI, que l’on n’a pas besoin de nommer. Nous n’en parlerions pas si cette grève n’était pas la énième dans cette station de radio et si les grèves à RFI n’étaient pas monnaie courante comme, du reste, dans l’ensemble de la France. Les chiffres officiels font état de 7% de grévistes, mais les dégâts sont là.

Ainsi, les sections syndicales de Force ouvrière (FO), du Syndicat national des journalistes (SNJ), du Syndicat national des journalistes/Confédération générale des travailleurs (SNJ/CGT) et du Syndicat national de radiodiffusion et de télévision/ Confédération générale des travailleurs (SNRT/CGT) ont appelé les travailleurs de la Radio mondiale (ou qui se considère comme telle) à faire grève pour une durée indéterminée à partir du 12 mai 2009 à 00 heure.

Une telle grogne, selon les syndicats, s’explique par des licenciements « économiques » « sans justification économique » à travers la suppression de 206 emplois, soit 20% des effectifs, des « licenciements maquillés en départs volontaires », la discrimination « entre journalistes français et en langues étrangères », la fermeture des rédactions en six langues étrangères (allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien) qui se profile à l’horizon, les limites imposée aux « possibilités de reclassement », le risque de « conversion forcée de tous les chargés de réalisation et techniciens en techniciens chargés de réalisation » et la menace de dégradation des conditions de travail.
La justice au secours des employés

En première instance, le comité d’entreprise, une des institutions représentatives du personnel au sein de l’entreprise en France, avait vu sa demande d’annulation du plan social déboutée par la justice. En appel, le jugement de première instance a été infirmé, et RFI a été enjointe d’informer et de consulter le comité d’entreprise sur la mise en place de la société de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) et sur la négociation par ce holding de son contrat d’objectifs et de moyens. De fait, le plan social est suspendu, et RFI est, par ailleurs, condamnée à payer 3 500 euros au comité.

Les syndicats opposés à cette restructuration estiment qu’elle est liée à la création de l’AEF, qui coiffe RFI et France 24. La mission de cette société, selon le gouvernement français, est de restructurer et de dynamiser ces médias, qui fonctionnaient de manière disparate, de sorte à en faire des outils stratégiques complémentaires qui travaillent en synergie.
Une bagarre franco-francaise aux allures byzantines

En réalité, cette réforme est voulue par Nicolas Sarkozy, président de la République française, qui y a nommé comme président-directeur général Alain de Pouzilhac, publicitaire de renom, et comme directrice générale déléguée Christine Ockrent, ancienne présentatrice vedette de télévision et compagne de Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères. Alors que : « RFI perd des parts de marché dans toutes les parties du monde y compris en Afrique francophone » selon la direction, même si la notion de part de marché pour une radio de service public est discutable ; la Radio qui se veut mondiale ne compte que 46 millions d’auditeurs tandis d’autres en comptabilisent le double, voire le triple ; la langue française encaisse non sans chanceler les coups de boutoir d’une langue telle l’anglais ; certaines chaînes de radio songent à augmenter le nombre de langues étrangères dans leurs grilles de programmes, la France de Sarkozy ne trouve pas mieux à faire que d’emprunter le chemin inverse tout en sachant bien que, même sans ce plan social, le nombre d’auditeurs pourrait « être en hausse selon une nouvelle étude en cours ».

Comment donc empêcher les syndicats de prêter au n°1 français des intentions malveillantes ; lui dont la volonté de dompter les médias et les journalistes est un secret de polichinelle. Pour lui, il semble n’y avoir qu’une alternative : soit se soumettre, soit se démettre. Ce n’est pas Patrick Poivre d’Arvor qui dira le contraire.

En face, si les syndicats n’ont pas tort de hausser le ton face à quelqu’un qui, malgré tout, a du mal à comprendre ce langage, ils ont peut-être intérêt, et la France avec, à revoir leurs méthodes de lutte, du moment que la justice a suspendu le plan social et intimé à la direction d’en discuter avec le comité d’entreprise.

Cette perspective est d’autant pertinente qu’à bien y penser, ils sont, certes gagnants en tant qu’employés, mais perdants en tant que Français ou francophiles. En effet, pendant qu’ils boudent les studios, les auditeurs se branchent sur des stations de radio concurrentes qui n’en demandaient pas mieux. Lesquels auditeurs peuvent voir ou voient déjà dans ce mouvement une tradition bien française de contestation, parfois inutile et puérile.

On a comme l’impression qu’au nom du fait que la France est la patrie des droits de l’Homme, elle doit ressembler à cette Byzance où les citoyens n’ont d’autres occupations que de provoquer (pour les gouvernants) ou de contester, parfois de façon violente (pour les gouvernés). Si bien que, dans le cas de RFI, ses ambitions mondiales ont cette maille à partir avec ce qu’on appelle souvent pompeusement « tradition de lutte » ou « valeur de la France ».

Le Royaume-Uni est, par excellence, la patrie de l’économie politique, mais cela ne l’empêche pas d’être un Etat de droit libéral et démocratique qui n’a rien à envier à la France ; l’Allemagne a été la patrie de la philosophie classique, pour autant, cela ne l’empêche pas d’être tout aussi démocratique que la France et d’avoir l’économie la plus puissante de l’Union européenne. Le drame, c’est que cette valeur française a franchi la Méditerranée depuis la colonisation pour se répandre dans les pays francophones où, parfois, pour un oui ou pour un non, on fait grève, juste pour braver l’autorité, qui, elle non plus malheureusement, ne s’abstient pas de prêter le flanc.

ZK

L’Observateur Paalga

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