LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

Publié le mardi 21 avril 2009 à 02h22min

PARTAGER :                          

Le jeudi 16 avril 2009, en fin de journée, notre collègue Alain Zongo dit Saint-Robespierre a été entendu par l’équipe sortante du Conseil supérieur de la communication (CSC). Il lui est reproché la commission d’un article "qui tombe sous le coup de la loi" : la relation de la conférence de presse donnée le mardi 24 mars 2009 par les raëliens du Burkina au Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) et publiée dans l’Observateur paalga n°7347 du mercredi 25 mars 2009.

Cette sortie des disciples de Raël faisait suite, rappelons-le, aux propos du Pape Benoît XVI sur le préservatif comme moyen de lutte contre le Sida à la faveur de son récent voyage en Afrique.

Grosso modo, les conférenciers, à l’instar de nombreuses voix à travers le monde, ont condamné les déclarations papales, allant même jusqu’à dire que le souverain pontife mériterait la Cour pénale internationale.

Par ailleurs, ils s’en sont pris à l’Eglise catholique burkinabè qui, à les en croire, aurait occupé indûment des terres sacrées dans le Sud-Ouest, à Ligètaon précisément.

En relayant donc ces propos comminatoires sur un sujet réputé sensible comme la religion, le journaliste, on devait dire le journal, aurait contrevenu aux règles d’éthique et de déontologie qui encadrent l’exercice de notre métier. Soit !

Pour sûr, le gendarme des médias, même s’il se défend de porter cette casquette, est dans son rôle qui consiste à rappeler à l’ordre voire à sanctionner ceux qui s’écartent du droit chemin. Et l’Observateur, qu’on se comprenne bien, n’est pas au-dessus de la loi et n’est pas bouffi d’orgueil au point de prétendre être à l’abri de toute critique.

Car Dieu seul sait combien de fois le canard a dû déférer aux convocations du CSC, de la gendarmerie ou du palais de Justice. Jamais, il ne s’est dérobé (il le voudrait d’ailleurs qu’il ne le pourrait pas) malgré le caractère on ne peut plus sujet à caution de certaines d’entre elles.

Pour le cas d’espèce, dussions-nous commettre un crime de lèse-conseillers, nous souhaiterions, tout en nous pliant aux décisions de l’instance de régulation, faire quelques observations de forme et de fond.

Voilà donc Robespierre, une heure durant, face à une escouade, c’est le mot, d’une bonne douzaine de conseillers et de responsables de l’institution. On ne dira pas que le combat était inégal, car rien n’empêche le collège des conseillers de se réunir au grand complet pour remonter les bretelles à quelque pisse-copie.

Lors de cet interrogatoire, certains se sont demandé dans quel genre journalistique la couverture médiatique a été faite, estimant que c’était tout sauf un compte-rendu (si ça se trouve, c’est un éditorial) et que les propos étaient suffisamment graves pour n’avoir pas été censurés.

C’est à peine si, dans une volonté manifeste d’humiliation pour lui signifier qu’il n’est rien et qu’il ne connaît rien, certains de ses contempteurs n’ont pas renié le statut de journaliste à celui qui n’a pas 30 ans de métier comme d’aucuns mais qui est quand même, excusez du peu, un lauréat, catégorie reportage, du prix CNN 2007.

C’est en fait une version particulièrement édulcorée, au regard des documents originaux présentés par Robespierre au CSC, qui a été publiée. Question d’appréciation peut-être. En vérité, il en a toujours été ainsi, la critique est facile, mais l’art est difficile et nos illustres professionnels du CSC sont bien payés pour le savoir, eux qui justifient, pour la plupart, d’un pedigree respectable en sciences et techniques de l’information.

Là où on tombe des nues, c’est quand nos juges assurent sans ciller qu’il s’est agi ni plus ni moins de l’exploitation de tracts. Mais de quoi parle-t-on ? Des tracts dont on connaît l’identité des auteurs, qui ont lisiblement signé leurs documents, et dont on a publié les photos ?

On pensait que cette littérature était souterraine par essence, nos maîtres soutiennent le contraire. Encore une fois, qu’on se comprenne bien : que certains fidèles catholiques aient pu être froissés dans leur foi par les attaques, que nous trouvons personnellement injustes, contre le Saint-Père,

nous pouvons comprendre cela et nous sommes d’autant plus désolés et malheureux que l’Obs., paradoxalement, a souvent été pris par ses contempteurs pour un bulletin paroissial du fait de la proximité, à titre purement personnel, de ses premiers responsables avec le clergé.

Voici aujourd’hui qu’on les suspecte de pisser dans le bénitier. De même, le signataire de l’article incriminé est loin, très loin, de partager les propos au vitriol des raëliens ; et il s’est efforcé, dans son papier, de le montrer, que ce soit en style direct ou indirect. Mais fallait-il, par charité chrétienne, les censurer alors que, de par le monde, il y a eu des réactions autrement plus violentes ?

Qu’on le veuille ou non, les raëliens sont une réalité sociologique au "Pays des hommes intègres", de même que les pédés, les lesbiennes et tous ces déviants sexuels qu’il défendent ; et ce n’est pas parce qu’on leur donne la parole qu’on épouse forcément leurs idées et agissements. Pourquoi du reste faudrait-il faire la politique de l’autruche, pourquoi casser le thermomètre en pensant qu’on ferait ainsi baisser la fièvre ?

On devrait d’ailleurs se féliciter de ce que le discours des raëliens et de tous les autres qui ont embouché la même trompette ait donné lieu à une belle polémique et à un débat de haute volée intellectuelle, spirituelle et scientifique avec notamment les écrits de Laurent Bado (1), de Victory Toussaint (2), du Comité de bioéthique de la conférence épiscopale Burkina-Niger (3), etc.

Pourquoi donc une telle frilosité de la part de nos amis du CSC, qui vont jusqu’à prévenir les autorités compétentes que le journal serait tenu pour responsable des éventuels troubles à l’ordre public du côté de Ligètaon ? Que de considération !

On ne se savait pas si puissant. Dites-nous, bonnes gens, l’épouvantail ethnique qu’agite le CSC oppose quelles communautés : les Dagaris à l’Eglise ou aux raëliens, qui seraient devenus des groupes ethniques ? Non, il s’agit d’un problème foncier, et l’Administration devrait nous savoir gré d’en parler, libre à elle de croiser les bras et de ne pas prendre des mesures préventives pour éviter que le pire advienne. Libre à elle également et au CSC de trouver des boucs émissaires si ça devait dégénérer.

Quant à Robespierre, c’est la deuxième fois (4), on le lui a fait remarquer sur fond d’intimidation et de chantage, qu’il a l’honneur de goûter aux leçons des professionnels du CSC. La prochaine fois, c’est l’échafaud ?

En tout cas merci pour ces invitations itératives qui nous aident sans doute à nous améliorer. Mais alors qu’un nouveau collège est en train de s’installer, il faut craindre que les déontologues émérites, à force d’user et leur temps et leur talent à traquer les journalistes dans leur moindre peccadille, en viennent à passer à côté de certains volets de leur noble mission comme l’égal accès des partis aux médias d’Etat, le pluralisme et l’équilibre de l’information dans ces organes ainsi que de bien d’autres préoccupations médiatiques qui accablent la communauté nationale. Il y va de leur crédibilité. Confraternellement !

Ousséni Ilboudo


Notes : (1) : L’Observateur paalga n°7354 du vendredi 3 au dimanche 5 avril 2009

(2) : L’Observateur paalga n°7361 du mercredi 15 2009

(3) : L’Observateur n°7352 du mardi 1er avril 2009

(4) : L’audition a eu lieu le 14 décembre 2007 suite à un article sur la manifestation des militaires retraités, paru dans notre édition n°7029 du lundi 10 au mardi 11 décembre 2007.

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 21 avril 2009 à 05:37, par ibragenius En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

    Franchement, Tres bien ecrit avec du style. C’est ce qu’on appelle du JOURNALISME.

    Bon Courage et s’il vous plait Monsieur du CSC revoye votre copie et laisse ces pauvres journalistes(deja que vous n’etes pas payer et respecter a votre juste valeur) si encore il faut les faire passer devant un semblant de juridiction inquisitoire ou allons nous ???

    Liberte d’information ne soit pas juste etre dans une constitution mais il se doit d’etre un fait dans la vie de chaque organe de la presse.

    Merci

  • Le 21 avril 2009 à 10:27, par Lovyves En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

    Le journalisme et des journalistes, ceci existe ... au Burkina Faso !
    Formidable !
    Peut être qu’un jour il en existera en France !
    Tant que le rêve n’est pas interdit en France : rêvons.
    Bravo au Faso.net !
    La liberté d’expression est le plus beau des arts, car l’oppression est toujours proche.

  • Le 21 avril 2009 à 12:21, par abbé Dominique En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

    Monsieur Ousseini,

    Merci de nous tenir informés de la vie de votre journal et aussi du prix de notre information sur le dos des journalistes. Bon courage !

    Cependant votre animosité vis-à-vis de "l’équipe sortante du CSC" laisse le lecteur dans la gêne. Est-ce une intimidation de "l’équipe entrante" ? La confraternité n’exclut pas la courtoisie et le respect des personnes représentant l’institution.
    Quant au contenu de l’article, vous en parlez comme d’un simple problème foncier et cela trompe celui qui n’a pas lu l’article.L’appel à l’apostasie, à la chasse des chrétiens du territoire Lobi ( et pourquoi pas du Faso),et bien sûr la condamnation du Saint-Père,ne sont quand même pas un problème de terrain ; vous l’aurez remarqué, on s’est bien éloigné du préservatif... qui grâce à Benoît XVI,comme vous le dites, est devenu un sujet passé de sous la ceinture à un niveau intellectuel scientifique et spirituel de qualité.
    Nous aimons NOTRE journal, nous pardonnons ses fautes,mais il faut une contrition sincère ! A moins que ce soit de la part de Monsieur Ousseini un besoin de rechauffer la pub pour les Raéliens et que, sans être hypocrites,d’autres confrères n’ont pas relayée.
    Tous nos encouragements à Robespierre qui prend les coups au front de la bataille !
    Abbé Dominique YANOGO

    • Le 21 avril 2009 à 21:54, par Georges En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

      Bonjour,
      j’abonde dans le sens de l’Abbé Yanogo. Je respecte beaucoup l’Observateur, mais les propos de Ousséni m’ont très vexé. Je pense que le CSC est une structure de régulation qui rend en premier lieu service aux journalistes. Le diaboliser de cette sorte, c’est manquer du respect pour toutes les sommités qui y travaillent.
      Les raéliens ont été très provocateurs et c’est a dessein. Leur ouvrir les colonnes de l’Observateur est normal, liberté d’expression exige. Seulement lorsqu’on vient à notre journal, il faut se respecter et respecter les autres . Dieu saura leur pardonner leurs fautes...tellement il est miséricordieux.
      En passant je suis certain que Robespière n’a pas mal pris les échanges avec le CSC, car autant que nous sommes, nous devons écouter les aînés.
      Longue vie au CSC et courage à nos vaillants journalistes de l’Observateur.

      Georges

  • Le 21 avril 2009 à 21:38, par Amour En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

    Je voudrais tout simplement féliciter et encourager AlainZONGO
    et le journal l’observateur paalga pour le bon travail d’information qu’ils font ; Pour moi cette audition du journaliste par l’équipe sortante du CSC est une forme voilée d’atteinte à la liberté d’informer et d’être informé ; Je dis une fois de plus bravo à l’observateur et à Alain

  • Le 22 avril 2009 à 12:54, par Bouba En réponse à : Conseil supérieur de la Communication : Retour sur une audition

    Ce n’est pas parce qu’on a été primé par CNN qu’on est un professionnel au dessus de la loi de son pays, Monsieur Ouseini. Je félicite le CSC pour la qualité de leur travail ! J’invite également le MATD à faire de même car c’est ce ministère qui a délivré aux Raéliens leur récepissé. Si les raéliens ne respectent pas les termes de contrat d’existence au Burkina, alors le MATD doit agir. Je fais remarquer que cette secte (même s’ils ne se onsidèrent pas comme tel) est interdite dans certains pays.

    Pour ma part, je fais remarquer que les raéliens et les hommosexuels ont particulièrement une entrée dans ce journal. Question ? D’autres journaux très respectés ne leur ouvrent pas leurs colonnes.

    Ne céder pas aux pressions de ces raéliens ou autres associations pédés parce qu’ils vous proposent des espèces trébuchantes ou parce que cela vous permet de vendre votre journal. Préservons nos valeurs culturelles, morales et religieuses. Cela n’a pas de prix. C’est le terrain qui nous reste et sur lequel nous n’avons rien à envier à l’Occident.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Votre journal Courrier confidentiel N° 51 vient de paraitre.