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Affrontements agriculteurs/éleveurs à Gogo : Paix véritable ou simple mise en scène ?

Publié le lundi 3 septembre 2007 à 08h15min

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Sous le regard jubilatoire de la délégation gouvernementale, forte de cinq membres, les représentants des agriculteurs et des éleveurs se sont engagés au retour à la cohabitation pacifique. Serments prononcés au cours d’une cérémonie empreinte d’œcuménisme et aux séquences réglées telle une feuille de musique. Paix véritable ou simple mise en scène ?

Gogo. Vendredi 31 août 2007. Dans l’enceinte de l’école aux classes rondes. Le ciel s’assombrit. Deux énormes baffles distillent en boucle « l’hymne du pardon » (1). Le cortège de véhicules arrive sur les lieux. Le DJ arrête la musique. Le MC annonce le programme. Une fine pluie arrose la foule. Le représentant des éleveurs, Mahamoudou Diallo, monte sur le podium et prononce, enthousiaste, son serment. Une sorte de code de bonne conduite consignée sur une feuille de papier (lire encadré).

A son tour, le porte-parole des agriculteurs, El Hadj Boukari Ouédraogo, visage morne, est face aux micros. Au nom de sa communauté, il « accepte », le retour des déplacés sur les terres aménagées de Manga-Est. Le chef de la délégation gouvernementale, le ministre de l’Administration territoriale, Clément P. Sawadogo, édicte une série de mesures d’accompagnement. Bénédictions des catholiques. Grâces des protestants. Sourates des musulmans. Intercession des coutumiers. La foule, constituée à majorité de jeunes agriculteurs, reste attentive mais médusée. La paix est scellée. Il pleut maintenant des cordes. « Bon présage », s’époumone l’inénarrable animateur Ambroise Tapsoba. Fin de la cérémonie de réconciliation.

Début de la résolution définitive du conflit meurtrier entre agriculteurs et éleveurs dont le bilan officiel fait état de trois morts (un chez les premiers et deux chez les seconds), 174 concessions de pasteurs brûlées, une soixantaine de bovins décimés, autant de blessés et plus de 2 000 éleveurs chassés de leurs hameaux ? Affrontements, faut-il le rappeler, survenus les 3 et 4 août dernier suite à la mort, par machette, d’un cultivateur au cours d’une rixe avec un jeune bouvier, aujourd’hui en fuite. Plus d’un veut croire à la réconciliation.

« Il y a des soupçons mais pas de preuves contre l’administration » « J’ose croire que le conflit fait partie du passé », a dit le gouverneur du Centre-Sud, Pauline Winkoun Hien, pour qui, l’une des causes des « affrontements fratricides » est le non-respect des règles d’occupation de l’espace aménagé depuis les années 70 dans le cadre des AVV (Aménagement des vallées des Volta).

Mêmes sentiments d’optimisme chez le chef de la mission, Clément P. Sawadogo, qui a promis néanmoins des sanctions contre tous ceux qui se sont rendus coupables « d’actes de non-droits » lors des derniers accrochages. « Les causes de la crise, a-t-il déclaré, sont à rechercher dans la pratique archaïque de l’agriculture, la forte pression exercée sur les ressources naturelles, la constitution de groupes d’autodéfense et la consommation, de plus en plus importante, de stupéfiants dans la localité de Gogo ».

De la responsabilité de certains services publics suspectés de laxisme et de favoritisme à l’égard des éleveurs, le ministre Sawadogo fait dans la nuance : « Il y a des soupçons mais pas de preuves. En cas de dégâts constatés dans un champ du fait de la divagation des animaux, l’administration est chargée de faire réparer le dommage dans un délai de 72 heures. Nous avons vu des dossiers en souffrances depuis trois ans dans les tiroirs de certains services. Ce n’est pas normal, mais il n’ y a pas de partie pris ». Délicatesse de langage, différente de l’opinion de la grande majorité des agriculteurs : « Le ministre a promis des sanctions. Tant que nous serons victimes d’injustice de la part des préfets, des policiers, et des gendarmes, nous allons continuer d’assommer et d’abattre », nous a confié, à la fin de la cérémonie, Inoussa Ouédraogo, la soixantaine environ.

Toujours de la méfiance dans les rangs

« Vous, quand vous arrêtez le travail le soir, vous rentrez à la maison. N’est-ce pas ? Mais nous, nous sommes obligés de passer les nuits dans nos champs depuis la période de l’ensemencement jusqu’aux récoltes », a-t-il ajouté, croquant nerveusement sa part de cola distribuée en guise de matérialisation du retour de la paix. A côté de lui, le chaperon du représentant des agriculteurs. Lui non plus ne cache pas son scepticisme : « Il y a eu de belles paroles et de belles promesses. Mais quelles garanties nous a-t-on donné, sur la sécurisation de nos champs ? Aucune. C’est là qu’il y a problème ». Méfiance également de mise du côté des éleveurs. Certains d’entre eux qui sentent toujours les machettes s’aiguiser sur leur dos regardent avec quelque inquiétude, la main tendue. « Je veux bien croire à la réconciliation. Mais vous avez remarqué que ce sont les vieux qui ont parlé mais pas les jeunes. Je ne suis pas encore rassuré, je ne retournerai pas tout de suite à Manga-Est », se méfie Ibrahim Diallo, les paupières battant comme les ailes d’une tourterelle craintive.

« Mieux, plus aucun mal ne sera fait ni à un éleveur ni à un animal pris en divagation », a pourtant clamé le représentant des agriculteurs. Trop beau pour être vrai ? Propos de circonstance ou reconversion subite mais sincère ? N’est-ce pas le même qui avait refusé, catégorique, lors de la rencontre de sensibilisation avec les autorités locales le 9 août dernier, dans la même cour de l’école, de reculer d’un iota sur sa position ? « Notre refus de voir les éleveurs revenir sur la zone agricole n’est pas négociable. La paix c’est lorsque l’ennemi est loin », avait-il répliqué, intransigeant, à la mission venue prêcher l’apaisement. (Cf. notre édition du mardi 14 au mercredi 15 août 2007).

Alain Saint Robespierre

(1) Musique jouée par un groupe d’artistes burkinabé et dédiée à la « journée du pardon », célébrée le 30 mars de chaque année depuis 2003.


Ce à quoi les deux communautés se sont engagées

Du côté des éleveurs

1- Contribution à la lutte contre la divagation des animaux. 2- Interdiction du port de la machette par les jeunes. 3- Interdiction de conduite du bétail par les jeunes de moins de 15 ans. 4- Recours au dialogue et aux voies officielles en cas de dégâts commis dans un champ par les animaux des éleveurs. 5- Lutte contre la consommation de la drogue et de toute sorte de stupéfiant.

Du côté des agriculteurs

1- Acceptation du tracé de pistes de transhumance dans la zone pastorale. 2- Arrêt de l’abattage systématique du bétail en cas de dégâts constatés dans un champ. 3- Création d’un Comité paritaire en vue du renforcement de la cohabitation pacifique. 4- Lutte contre la consommation de la drogue et de toute sorte de stupéfiant. Comme mesures d’accompagnement à la mise en œuvre de ces différents engagements, la mission gouvernementale prévoit, entre autres, la création d’une commission chargée de la réinstallation des déplacés dont la date n’est pas encore déterminée, le désarmement des « groupes d’autodéfense », des sanctions contre les personnes reconnues coupables de vandalisme et de meurtre, et la mise en place d’équipes de patrouille policière sur toute la zone aménagée.

A. St. R.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 3 septembre 2007 à 13:15, par Goral En réponse à : > Affrontements agriculteurs/éleveurs à Gogo : Paix véritable ou simple mise en scène ?

    Tout cela est une mise en scène ridicule et grotesque qui dénote si besoin en était de l’irresponsabilité de nos autorités ; alors qu’il s’agit de situer clairement les responsabilités, de rendre justice et d’être ferme avec les bandes incontrôlées de jeunes qui manifestement ignorent qu’on est dans une république ! D’autre part l’article montre clairement que les agriculteurs se croient plus chez eux que les éleveurs ce qui présage que la paix n’est pas pour demain. Il faut être honnête et dire que tout cela est en rapport avec une certaine idée de la république chez nos amis mossis du village et il faut travailler à rappeler que le Burkina est un pays multi-ethnique et multiculturel et que tous les burkinabè sont nés libres, égaux en droit et en devoir et cela quelque soit la partie du pays où il se trouve ; seule une bonne compréhension de ces notions par nos communautés pourrait ramener une paix et une cohabitation durables. Il est du devoir des autorités de véhiculer largement ce message.

    • Le 3 septembre 2007 à 16:05, par Kanzim En réponse à : > Affrontements agriculteurs/éleveurs à Gogo : Paix véritable ou simple mise en scène ?

      En plus de ce que dit M. Goral dont je partage l’avis j’ajouterais ceci et pour le compte de l’incapacité d’une analyse systémique dont fait preuve le gouvernement, dans cette situation : le causes à la tendance à ne ps traiter les dosiers sontt à rechercher dans la mlgouvernace et la corruption généralisées comme un cancer dans notre pays ; alors que l’agriculteur produit dans le cadre de l’auto consommation ouplutôt de l’auto cubsistance, l’éleveur voit ses produits directement commerciables sur le marché ; en matière de disponibilité financière, l’éleveur a donc plus de facilités avec ss produits, que l’agriculteur ; quand donc il y mésentente entre l’agriculteur et l’éleveur, les agents de l’aAdministration, devraient normalement trancher ave les objectifs suivants : dire le droit en toute transparence, faire accepter la déciion par les parties, et empreindre la dcision d’une dimension éducative, c’est à dire par la sensibilisation, et une conscientisation de l’agriculteur et de l’éleveur sur la nécessaire complémentarité des deux pour la réussite de l’activité de chacun des deux ; malheureusement, tel n’est pa le cas : l’agent céreux se tournera vers l’éleveur, celui-là qui peut obtenir plus facilement et plus rapidement de l’argent ue le cultivateur, par la vente d’un animal. Il lui fait comprendre que le dossier peut être enterré s’il lui donne quelque chose ; de l’argent. L’éleveur s’y met raidement, sans se demander souvent s’il a tort ou raison dans l’affaire. L’agent véreux a tous les arguments pour le convaincre que "ça va chauffr’ si la chose va plus loin". Et voilà les conséquences : l’agriculeur qui ne sait s’il a tort ou raison se convainc qu’il a raison. L’agriculteur et l’éleveur perdent une opportunité e sensibilisation et de conscientosation parce que le "procès" n’a pas eu lieu. L’agriculteut et l’éleveur séffrontent donc, pendant que l’agent céreux s’enrichit de l’enterremet des dossiers. Bien sûr, il y a d’autres pistes d’investigation des causes des affrontements, pistes qui doivent être à la base de la recherche des solutions idoines. Mais le gouvernement malheureusement, n’a brillé que par le nombre insultant de 4X4 rutilantes, de bazins et d’embrassades,de sentimentalisme. La porodie de Gogo n’est pas une soulution. C’est une "mise en scène" come l’a d’ailleurs titré le journal. Cela ressemble aux discours écrits pour les enfants lors des clôtures des colonies de vacances. Tout est présenté comme beua, mais écrit par les oprganisateurs. Ce la ressemble aussi aux audieurs formés pedant les ateliers, qui disent tous devant les camras de la télévision, avoir appris quelque chose, et que l’atelier s"il n’avait pas existé, il fallait le créer, alors quecertains sont à leur troisième telier de formatio du genre ;
      Gogo a été pour moi une théâtralisation, fade et incolore, dont la scène a été écrite pour des acteurs incrédules. Gogo a été une catharsis feinte, organoisée par des comédiens qui veulent se prévaloir d’un compte rendu générateur de bons points, à la rentrée gouvernementale ; le premier ministre voulant des résutats qui j’espère seront évalués quant à leur efficience. Si le Premier Ministre lit les colonnes de lefaso.net, alors je lui recomande ceci ; de faire foi à la presse, comme l’Observateur Paalga qui dans son article a compris mieux l’inconséquence de l’interventio de son gouvernement à Gogo : en apparté, ni les agriculteurs, ni les éleveurs n’ont donné du crédit au trémoussements des officiels. Il n’entendra que du saupoudrage ; le gouvrenement n’a pas agi pour la durabilité. Qu’il en profite pour exiger que, à chaque fois qu’il y aura des missions d’enquêtes ou de conciliation, figurent en bonne place les communicateurs ; eux, ils ne lui mentiront pas.

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