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Extension de Ouagadougou : Saaba, le village qui fait de la résistance

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h08min

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Comment être absorbé par la ville et rester soi même ? Saaba, un village en état de dilution avancée dans Ouagadougou, ne veut pas perdre son identité. Entre repli sur soi et volonté d’ouverture, le village cherche sa voie.

Par le passé, se rendre à Saaba, un village réputé pour sa viande d’âne et de chien, s’apparentait à une expédition. "Il y a 18 ans, quand je montais sur le trône, Ouagadougou était loin. Et entre Ouagadougou et Saaba, il y avait une brousse où on agressait les gens", raconte le jeune chef de Saaba, en tenue d’apparat, un brasseur d’air au-dessus de la tête. Aujourd’hui, la forêt a disparu, remplacée par les nouveaux lotissements qui s’étendent jusqu’aux portes des quartiers traditionnels. Les minuscules maisons en terre semblent prises dans l’étau de béton d’imposants duplex.

En 9 ans, le village, situé à 10 km du centre-ville de la capitale burkinabé, a vu sa population quintupler, passant de 3 000 à 15 000 habitants. Les autochtones se réjouissent des bienfaits de cette "absorption" par la grande ville : lotissement d’une partie du village, accès à l’eau courante, à l’électricité, au téléphone, création de petits métiers, accroissement du taux de scolarité, nouvelles routes, construction de latrines qui améliorent l’hygiène, etc. "La proximité de la ville a développé certains réflexes positifs. Le matin très tôt, les femmes chargent à moto les concombres, les tomates qu’elles vont vendre à Ouagadougou", dit le maire de la commune rurale de Saaba, Henri-Désiré Ouédraogo.

Bucolique dans l’âme

Mais Saaba reste bucolique et traditionnelle dans l’âme. En ce mois pluvieux de juillet, les forgerons exposent sur la rue principale du village leurs instruments aratoires faits main, à quelques pas d’une plaque qui porte toujours le nom du village. Courbettes et génuflexions pour saluer les aînés sont de rigueur. Le marché continue de se tenir tous les trois jours. Il accueille, comme par le passé, les connaisseurs qui viennent y savourer de succulentes brochettes.

Une fois par mois, le chef, entouré des notables des neuf quartiers juge les affaires de vol de bétail, les conflits entre agriculteurs et éleveurs... Vaine tentative de s’accrocher à un passé révolu ? "Avant, les gens étaient beaucoup plus soudés. On réglait les problèmes ensemble. Actuellement, avec la vie citadine, c’est chacun pour soi. Depuis le lotissement, vous pouvez avoir un voisin que vous ne connaissez même pas.

La vie est devenue plus chère. Il faut acheter le bois, chose qu’on ne faisait pas", déplore le chef du village. Emmanuel Ouédraogo, instituteur et natif du coin, enseigne à Saaba. Il se désole de la disparition des soirées de contes. "C’était une autre forme d’école", dit-il. Le Dr Augustin-Philippe Nikièma, maître assistant de biochimie, à l’Université de Ouagadougou, natif lui aussi de Saaba, reste très attaché à son terroir. Sa conception du développement local repose sur la nécessité pour les "instruits" de s’engager auprès de la population pour mener des réflexions sur le devenir de leurs terroirs.

Le chercheur constate que les villages absorbés par les villes doivent faire face à la délinquance, la drogue, la prostitution, la dépravation des mœurs. "Un autre effet pervers, c’est l’occupation des terres. Où aller pour cultiver ? Que dire de tous ces autochtones qui vendent leurs parcelles et vont habiter sur les terrains dévolus aux activités agro-pastorales ? Cet observateur avisé de la vie de ce village en mutation craint l’insécurité alimentaire, d’inextricables problèmes d’aménagement du territoire et une paupérisation de la population autochtone.

S’ouvrir sans perdre son âme

Changer et rester soi-même : tel est le nouveau casse-tête des villages happés par les villes. "C’est utopique", répond Yacouba Traoré, directeur de l’Urbanisme et de l’Habitat de la commune de Ouagadougou. Le maire de Saaba admet qu’"aujourd’hui, on ne peut plus vivre en autarcie". "Autrement, on ne se développe pas, poursuit-il. Mais le danger du développement, c’est la perte de l’identité". C’est pourquoi les natifs de Saaba font tout pour préserver leurs principales activités : la forge, la teinture et le maraîchage. Autres atouts : l’existence d’un lien historique entre les 23 villages rattachés coutumièrement et administrativement, qui forment une entité culturelle et affective, appelée communauté de vie.

Son emblème : un cercle contenant 23 cases, avec au coin le drapeau du Burkina. "Les références identitaires ne doivent pas s’opposer à l’intégration, autrement, c’est dangereux", estime le maire. C’est sans doute l’avis du chef de Saaba, dont le nom, Naaba kongo, est tout un programme. Traduit littéralement, il signifie : " Je suis le buisson dressé en face de la cour, où les poussins peuvent venir s’abriter en cas d’attaque de l’épervier". Les poussins sont connus, mais qui sont les éperviers ?

Souleymane OUATTARA
(Syfia International)


Ouagadougou, une urbanisation contrôlée ?

Trente kilomètres de rayon, une population de 1,2 million d’habitants : la superficie de Ouagadougou équivaut à celle de Paris intra-muros, mais avec deux fois moins d’habitants, pour cause d’étalement excessif. En 1951, la ville s’étendait sur 783 hectares, deux fois plus en 1971 et... 54 000 hbt aujourd’hui ! Yacouba Traoré, directeur de l’Urbanisme et de l’Habitat de la commune de Ouagadougou qualifie cette urbanisation de "galopante, mais pas incontrôlée". Ses propositions : assurer une meilleure gestion des parcelles existantes, en réduire la taille, promouvoir l’habitat en hauteur. . . "

La ville a ses exigences. Ne peut pas vivre en ville qui veut mais qui peut", dit-il. Ouagadougou est dotée d’un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme depuis 1984. Ce schéma, récemment revisité pour adapter à l’extraordinaire expansion de la ville, prévoit le rattachement graduel au Grand Ouagadougou des villages situés à 25, 30 km autour de la capitale. Il affecte des vocations à chaque zone. Ainsi, la partie Sud est destinée à l’agriculture, le Nord-Est à l’industrie et l’Est à l’enseignement supérieur...

S.O.

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