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Accident de l’avion présidentiel à Garango : Les victimes marchent sur le gouvernaorat

Publié le mercredi 18 avril 2007 à 06h31min

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"Accident de l’avion présidentiel à Garango : à quand la fin du calvaire pour les ayants droit ? " Ainsi titrions-nous, dans "Le Pays" n°8366 du mercredi 12 juillet 2006, un article relatif à la situation des victimes et ayants droit de cet accident survenu en 1986 à Garango. Cette question, les habitants de Garango continuent de se la poser et, peut-être, pour longtemps encore.

En tout cas, à en croire les victimes de cet accident et leurs ayants droit, le dossier n’a pas bougé d’un iota. C’est pourquoi ils ont organisé une marche de protestation le jeudi 12 avril 2007, qui les a conduits au gouvernorat à Tenkodogo.

Située au pied de la colline du Boulougou, qui a donné le nom à la province, Garango s’appelait autrefois Garagô, qui signifie en langue bissa "la bataille est terminée". A la faveur du processus de décentralisation, Garango est devenue une commune urbaine. Comme bon nombre de communes du Burkina, Garango se bat autant que faire se peut pour le bien-être de sa population.

Car l’écrasante majorité de celle-ci vit dans une extrême pauvreté. Plus préoccupant, la situation des blessés et ayants droit de l’accident d’avion survenu il y a 21 ans lors d’une visite présidentielle au cours de laquelle la population avait été invitée à sortir pour réserver un accueil chaleureux aux membres du CNR (Conseil national de la révolution).

La promesse faite par les autorités, à l’époque, de dédommager les victimes est restée lettre morte. La "bonne nouvelle", beaucoup parmi eux l’ont apprise mais ne la savoureront jamais car n’étant plus de ce monde.

Ceux qui sont toujours en vie non plus ne savent plus à quel saint se vouer. L’attente a été longue et la patience est en train de faire place au ras-le-bol.

"Huis clos" entre Maître Sorgho et les forces de sécurité

Voici 4 ans que les veuves, veufs et orphelins ont désigné un avocat pour défendre leur cause, en la personne de Me Zacharie Sorgho, agent d’affaires judiciaires de son état. Ils ont même adressé une lettre ouverte au chef de l’Etat, Blaise Compaoré ; mais rien de concret n’est encore venu du palais de Kosyam. C’est au vu de tout ce qui précède qu’ils ont décidé de mener une autre forme de lutte en organisant, pour la première fois, une marche de protestation contre l’Etat et ses démembrements, tant à Garango qu’à Tenkodogo qui s’est déroulée le 12 avril 2007 et a conduit les marcheurs de Garango au gouvernorat à Tenkodogo.

A Garango, c’est le grand rond-point qui a été le point de ralliement. A 6h 25 mn, tout était fin prêt pour que la marche démarre avec des slogans favorables aux uns et hostiles aux autres. Entre la voie qui mène à l’église catholique et le commissariat de police, la circulation a été sérieusement perturbée pendant une bonne quarantaine de minutes. Il y a eu une escale à la police où le défenseur des marcheurs, Me Sorgho, a eu un entretien avec le commissaire et le commandant de la gendarmerie.

L’entretien entre les trois hommes aura duré 32 mn. Le commissaire Nébié et le commandant Kaboré ont estimé que la marche n’avait pas été autorisée et donc était illégale. Et Me Sorgho de rétorquer qu’il a exhorté vainement ses clients à surseoir à cette marche.

Les responsables locaux de la police et de la gendarmerie appellent chacun sa hiérarchie du côté de Tenkodogo pour savoir la conduite à tenir. A Tenkodogo, on veut surtout savoir si les marcheurs ne sont pas menaçants. Sur ce point, le commissaire de police et le commandant de gendarmerie sont un peu dubitatifs même si, à leurs yeux, la marche est pacifique.

Pendant ce temps, la durée du "huis clos" commence à inquiéter les marcheurs, qui n’écartent pas l’éventualité d’incarcération de leur avocat. "Il faut qu’ils prennent leurs responsabilités, sinon ils vont nous entendre ici", clame un marcheur. Quelques minutes plus tard, Me Sorgho regagne la foule alors qu’une partie des marcheurs avait déjà dépassé le pont en partance pour Tenkodogo.

C’est précisément à 9h 22 mn que les manifestants ont franchi la porte du gouvernorat du Centre-Est à Tenkodogo pour être reçus par le maître des lieux, Jacob Ouédraogo, accompagné de ses plus proches collaborateurs. Le climat était un peu tendu. Gervais Bambara prend la parole au nom de tous les ayants droit pour demander au gouverneur de "s’investir personnellement auprès de l’Etat afin que le dossier connaisse un dénouement heureux".

Menace de marche sur la Présidence du Faso

Tout en pleurant à chaudes larmes, le porte-parole des victimes invite les autorités à être sensibles à leur situation. Moment de grande émotion. Ensuite, le premier responsable de la Région du Centre-Est a, au nom du gouvernement, remercié les victimes et ayants droit avant de les exhorter à faire confiance à l’Etat et à ses institutions. "Du fond du coeur et en toute responsabilité, je souhaite que ce contact établi entre nous soit un contact porteur", a-t-il dit. Et de continuer : "Nous avons pris bonne note de votre démarche. Nous avons déjà préparé une lettre sur le dossier et nous allons l’appuyer". "Je vous adresse, une fois de plus, ma vive compassion pour ce qui est arrivé et je vous assure que nous rendrons fidèlement compte. Nous ferons de notre mieux pour que vous puissiez avoir la réponse appropriée à cette situation," a poursuivi le gouverneur.

Usant de la parenté à plaisanterie entre Bissas et Yadcés, le gouverneur est arrivé à détendre l’atmosphère à sa manière. Il a notamment invité ses "esclaves" à passer à la maison, car il a préparé un sac d’arachides pour eux.


Impressions d’après- marche

A l’issue de la marche, nous avons recueilli les impressions de quelques personnes

Jacob Ouédraogo (Gouverneur du Centre-Est) : "Il faut dire que nous avons été surpris par la demande des victimes de cette tragédie. Ce que je demande est que les uns et les autres gardent leur calme. L’accident est survenu en 1986, beaucoup de temps a passé. Qu’ils fassent preuve de responsabilité. Nous sommes dans un Etat de droit et je lance un appel à la population de Garango et même au-delà, car c’est toute la nation qui a ressenti cela. Je sais qu’il y a des problèmes dans les familles ; mais ce n’est que dans la sérénité que nous pouvons ensemble cheminer vers la satisfaction de ces revendications.

Toutefois, en tant que représentant de l’Etat, j’ai le devoir de rendre compte et je le ferai en toute responsabilité."

Gaston Lingani (75 ans) : "Je ne peux que remercier tout le monde pour la mobilisation de ce matin. Nous ne comprenons pas l’attitude de l’Etat face à notre situation. Sinon, comment comprendre que 21 ans après ce drame on refuse de nous dédommager ? Nous n’avons même pas été concernés par la Journée nationale de pardon ! Pourtant, cette tragédie est survenue sous les yeux de Blaise Compaoré. Ce n’est pas sérieux !"

Gervais Bambara : "Si Blaise Compaoré a pu trouver la solution au problème ivoirien, c’est qu’il est aussi capable de résoudre le nôtre. Mais l’Etat burkinabè préfère tergiverser. Jusqu’à quand ? Nous ne savons pas. Alain Yoda, le ministre de la Santé, qui est aussi notre frère, et à qui nous avons adressé une lettre, n’a même pas daigné nous répondre. Il ne nous a jamais approchés pour comprendre. En outre, que le délégué provincial du médiateur cesse de s’immiscer à tout bout de champ dans le dossier !"

Henri Bambara (handicapé moteur) : "Nous vivons aujourd’hui dans la souffrance et dans la douleur. Suite à l’accident, ma mère a été évacuée en Libye pour être soignée. Quelques jours plus tard, on a ramené son corps dans un cercueil. Ils ont refusé de nous montrer la dépouille mortelle. Que l’Etat fasse quelque chose pour nous !"
par Ben Ahmed NABALOUM (Collaborateur)

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 avril 2007 à 12:33, par Le Gonze En réponse à : > Accident de l’avion présidentiel à Garango : Les victimes marchent sur le gouvernaorat

    M. le Gouverneur, ce n’est pas le temps mis qui doit emmener les victimes et à leurs familles de "faire preuve de responsabilité" ! C’est plutôt lui qui les convainc que si elles ne bougent pas, l’affaire risque d’être entérée définitivement ! Voyez vous même ; depuis 1986 que les faits se sont produits, qu’a fait l’Etat pour elles ? Vous trouvez cela normal ? N’est-ce pas une forme de refus d’examiner la cause, attendant peut-être que la prescription vienne au secours de cet Etat entièrement responsable du fait de ses agents (les pilotes), et de son matériel (l’avion) ?

    Allons !! Un peu plus de dignité et de responsabilté..

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