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La polygamie en question

Publié le lundi 4 décembre 2006 à 07h15min

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La polygamie en question

Alfred Yambangba Sawadogo

L’Harmattan

La polygamie, est définie par le petit Robert comme étant "une organisation sociale reconnaissant les unions multiples et simultanées." A cette définition épistolaire il est rajouté cet avertissement : "En France, la polygamie est punie par le code pénal". La forme la plus répandue en Afrique, est celle qui consacre l’union d’un homme et de plusieurs femmes. Au Burkina Faso, le code de la famille et de la personne dont la version toujours en cours a été élaborée sous le pouvoir révolutionnaire, donne le choix au couple au moment du mariage civil de décider entre monogamie et polygamie.

C’est dire que malgré l’engagement très fort des dirigeants de l’époque pour la libération de " l’autre moitié du ciel" la chose avait été considérée avec beaucoup de philosophie, pour ne pas gêner... Pratique culturelle très ancrée dans nos traditions ancestrales, cette expression de l’alliance matrimoniale qu’est la polygamie est tellement bien partagée au point qu’elle ne se satisferait pas d’un simple jugement par oui ou non, par pour ou contre.

Bien que ne faisant pas que des heureux en ménage, elle semble avoir la vie dure, même dans nos sociétés dites modernes où le mode de vie très souvent calqué sur l’occident, n’amène cependant pas les pouvoirs publics à oser légiférer à son encontre. Et pourtant, on peut...C’est ce que le très prolixe écrivain burkinabè, Alfred Y. Sawadogo semble avoir bien compris en abordant le sujet dans un ouvrage de 144 pages. La polygamie en question.

Ce titre qui sonne comme un sujet de dissertation n’est pas un pamphlet plat et insipide contre une pratique pluriséculaire qui aurait plus de défauts que de qualités, mais un roman autobiographique. Non ! pas celui de l’auteur mais celui de Foyéndé de Hotiguê (cherchez vers l’Est du Faso !) qui à 90 ans a décidé de faire le récit de sa vie pour que "les femmes d’aujourd’hui mesurent la " distance " entre leur vie et celle des femmes d’autrefois." L’histoire commence donc dans les années 1900.

Chronique romancée racontée à la première personne dans un style clair et accessible, la Polygamie en question est aussi une œuvre historique. Pas celle sur l’origine de la polygamie dans nos cités africaines, mais des pans entiers de l’histoire coloniale du Burkina Faso. Les tout puissants Gardes qui rançonnaient leurs frères africains au profit de leurs maîtres, les colons Blancs, mais aussi et surtout a leur propre profit, sont montrés dans leur plus simple apparat.

Ces barbares à l’intelligence maléfique comme a su le montrer la bibliothèque africaine Ahmadou Hampaté Bâ dans ses nombreux écrits, sont dans l’œuvre de Sawadogo ceux-là mêmes qui, à l’instar des tyrans et autres rois sanguinaires, ont contribué à développer les travers de cette pratique matrimoniale, en remplaçant les aspects de compensation et de consentement par la force brute de l’enlèvement et de l’obligation de se soumettre. La longueur des voyages liés a l’absence de moyens de locomotion adéquats, les porteurs, etc. sont autant de faits coloniaux qui défilent en filigrane dans cette œuvre, où l’envahisseur venu d’ailleurs est plutôt deviné à longueur de lecture.

Au-delà des pratiques socio-culturelles d’hier à aujourd’hui, c’est de l’évolution même des conceptions et attitudes des communautés face à certains phénomènes dont il est question dans ce livre. Ce n’est pas l’excision seule qui, jadis était vue comme un acte positif, la lèpre aussi avait toujours été associée à une malédiction, à un sort jeté par quelqu’un qui vous veut du mal.

Alors on subissait son sort jusqu’à ce que mort s’en suive. Triste Afrique ! Foyéndé avait vécu une vie de femme africaine pleine avec ses hauts et ses bas. De nombreux enfants perdus très jeunes, différents maris, des lieux de vie variés, puis la terre appela le sang.

C’est ainsi qu’elle revint mourir sur la terre de ses ancêtres, un certain 06 mars 1998, elle qui est né lorsque ce siècle de sa mort n’avait que huit ans. Si les voix d’outre-tombe de Foyéndé mettent fin à la chronique de Monsieur Sawadogo, l’œuvre quant à lui continue sur une trentaine de pages le long desquelles l’auteur donne son point de vue sur la pratique d’hier et d’aujourd’hui de la polygamie.

Originale non ! Belle méthode d’expression d’un avis défavorable sur un phénomène social rétrograde, l’écriture d’Alfred S. Sawadogo ne se contente pas de jugements a priori. En avocat défenseur de la cause des femmes, le plaidoyer se développe sur des preuves irréfutables et l’exposé étale le Plus et le Moins. Alors, à chacun de voir de quel coté l’inclinaison de la balance est la plus forte.

En publiant cette œuvre chez l’Harmattan, ce jeune retraité de 62 piges qui a quotidiennement côtoyé le Président Thomas Sankara, à qui il a consacré un ouvrage plein d’objectivisme (2001), vient une fois de plus de prouver selon l’expression chère Au Président Sangoulé Lamizana, que " Ce n’est pas parce qu’il neige sur le toit, qu’il ne fait pas chaud dans la maison ".

En 2002, l’histoire de son école, publiée chez le même éditeur lui avait servi de prétexte pour balader son miroir sur l’éducation et la société, en 2003 il parle du SIDA autour de lui. trois ans plus tard, il persiste et signe dans cet autre combat d’avant-garde. A lire absolument !

Par Ludovic O. Kibora

L’Evénement

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