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Miel de Fada : Quand les abeilles foutent le camp

Publié le mercredi 15 novembre 2006 à 07h04min

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S’il est une région réputée pour sa production de miel au Burkina, c’est bien celle de l’Est. Même pratiquée pour une grande part sous forme traditionnelle et artisanale, l’apiculture a de tout temps constitué, dans cette localité, un appoint pécuniaire quasi vital pour beaucoup de gens.

Mais hélas, depuis deux ans, la mort rode autour des ruches. Les abeilles s’en vont. Les producteurs de miel broient du noir. C’est l’amertume et le fiel. Du coup, ils pointent un doigt accusateur sur les champs de coton, considérés par nombre d’entre eux comme la cause principale du désastre à venir.

A entendre certains producteurs de miel à Fada, il y aurait dans toute la région de l’Est une sorte de guerre à armes inégales. Celle du pot de fer contre le pot de terre. Le premier étant la culture du coton et le second, la production de miel. Une guerre silencieuse, aux conséquences pourtant dramatiques sur l’avenir apicole du Gulmu : « Jadis, la province de la Tapoa, à elle seule, fournissait 60% du miel de toute la région.

Mais depuis ces deux dernières années, la colonisation des ruches par les abeilles a chuté de près de 50% », déplore la directrice de la coopérative apicole Sélintaanba de Fada, Kobyagda Ruth, dans son bureau le vendredi 27 octobre dernier. Ces deux dernières années en effet, la Tapoa, considérée comme la ruche du Burkina, « n’a secrété aucune goutte de miel », pour reprendre la complainte de Dame Kobyagda dont la structure subit de plein fouet cette crise du nectar. « A la date d’aujourd’hui, nous sommes seulement à 16 tonnes contre plus 27 l’année dernière à la même période », compare, attristée, Madame la directrice.

A l’origine de ce vif mécontentement des apiculteurs, la culture du coton, relancée ces dernières années dans le Gulmu, particulièrement l’usage des pesticides dans les champs. Et les producteurs de miel de répandre du fiel sur la SOCOMA (société cotonnière du Gourma), qui vient d’acquérir cette zone cotonnière. « Mêmes les producteurs de coton sont persuadés que c’est l’usage des pesticides qui provoque la disparition des abeilles. Nous avons même attiré l’attention de la SOCOMA lors des rencontres, mais jusque-là, il n’ y a pas de suite », trépigne d’indignation, Jonathan Gayéri, responsable de la production à Sélintaanba.

Les cotonculteurs au banc des accusés

Même conviction, mais fort nuancée chez l’ingenieur-technologue Jacques Koidima. Propriétaire d’une ferme agroécologique à Niendouga (10 km à l’Est de Fada), spécialiste en recherche action, il s’est lancé depuis une dizaine d’années dans une étude des possibilités de transformation des produits de la ruche. « C’est à croire qu’il est né dans une ruche », a dit de lui, tout admiratif, le vieux Wombo Ouali, « précurseur » de l’apiculture moderne au Burkina.

« C’est l’usage inadapté des pesticides par les producteurs de coton qui est, entre autres, cause de la disparition des abeilles. Sans encadrement et sans matériels adaptés, les paysans utilisent mal les produits chimiques, qui détruisent les insectes mais aussi les hommes eux-mêmes », précise M. Koidima. Puis de s’empresser d’avertir, le ton ferme : « Si rien n’est fait, c’est toute la production de miel qui est menacée dans la région, voire, toute la biodiversité, car l’abeille est responsable à 80% de la pollinisation des plantes à fleurs de la planète » (Lire aussi l’entretien).

En attendant les résultats d’analyse de l’antenne locale de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) qui a effectué des prélèvements d’abeilles, les apiculteurs entrevoient, avec fatalisme, l’issue de cette guerre considérée comme perdue d’avance : « Même si les analyses des laboratoires confirment nos soupçons, que va-t-il se passer après ? Les producteurs de coton reconnaissent l’impact négatif des pesticides sur les abeilles, mais soutiennent dans le même temps que le coton rapporte plus que le miel », se résigne Mme Kobyagda, les yeux subitement révulsés, comme pour implorer le secours des yadias, ses ancêtres gourmantchés.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 16 novembre 2006 à 09:01, par Janine Kievits En réponse à : > Miel de Fada : Quand les abeilles foutent le camp

    Bonjour,
    J’appartiens à un groupe d’apiculteurs européens qui ont eux aussi beaucoup de soucis avec les pesticides ces dernières années.
    Il m’intéresserait d’entrer en contact avec les apiculteurs burkinabés concernés. L’un d’eux aurait-il une adresse mail, ou un téléphone ? Pourriez-vous me transmettre cela ?
    Merci déjà,

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