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Crise politique dans la commune rurale de Gounghin : Les dessous d’une bagarre

Publié le mercredi 25 octobre 2006 à 07h44min

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La commune rurale de Gounghin, localité située à 35 km de Koupèla, a connu des échauffourées les 5 et 6 octobre 2006. Une querelle sur fond politique oppose les militants du CDP à ceux du PDP/PS avec pour conséquences immédiates, la tentative de blocage du conseil municipal et une ambiance délétère au lycée. Une enquête menée les 13 et 14 octobre 2006 sur le terrain nous a permis de découvrir davantage les dessous de cette bagarre.

Le lycée Saint Joseph de Gounghin est en ébullition. Une ébullition qui se répercute sur la vie sociopolitique de cette cité située à 175 km à l’Est de Ouagadougou, la capitale et à 35 km de Koupèla, chef-lieu de la province du Kourittenga. Nous l’apprenions d’une déclaration d’un citoyen de cette localité, Sandwidi Ganda, trésorier de l’Association des parents d’élèves (APE) du lycée Saint Joseph. Selon cette déclaration parvenue à Sidwaya, des pratiques pas catholiques ont émaillé la vie de la commune de Gounghin en général et du lycée Saint Joseph, en particulier.

Ces pratiques ont pour noms : « attaque de professeurs, bastonnades de conseillers municipaux, agressions de citoyens, menaces de mort sur la personne » de Marius P. Yanda, président de l’APE et de Sandwidi Ganda, trésorier de l’APE », avec en toile de fond un tiraillement entre le Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS) et le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) pour le contrôle de la mairie de Gounghin. De quoi s’agit-il au fait ?

Une altercation entre le proviseur du lycée Saint Joseph de Gounghin , François Guibré et un de ses enseignants, Mamadou Sama met le feu aux poudres. Ils en sont venus aux mains dans la soirée du jeudi 5 octobre 2006. Trois enseignants, Mamadou Sama, Jérôme Kadiogo et Dignagdé Koné demandent chacun au proviseur deux places en classe de 6e pour inscrire des élèves.

Face aux effectifs pléthoriques des deux classes de 6e que compte le lycée, le proviseur Guibré propose à chacun une place en 6e et la deuxième dans une autre classe de leur choix. « Il y a deux classes de 6e pour 79 redoublants avec 111 admis à l’entrée en 6e venant des 43 villages et de 21 écoles primaires. Nos effectifs sont déjà pléthoriques », a confié le proviseur François Guibré. M. Sama n’aurait pas entendu cela de cette oreille. Selon le proviseur Guibré, celui-ci, lors d’une rencontre dans son bureau en présence des deux ( 2) autres enseignants, MM. Jérôme Kadiogo et Dignagbé Koné, a affirmé que cela ne se passera pas de la sorte et qu’il exige deux places en classe de 6e.

Ce qui aurait conduit sur place à une dispute entre M. le proviseur et l’enseignant Sama. L’intendant et les deux autres enseignants se sont interposés pour mettre fin à l’altercation verbale. Mais M. Sama n’avait pas digéré cette décision de son responsable et l’altercation s’est poursuivie jusqu’au domicile du proviseur, avec à la clé des menaces du genre : « Sors, je vais te casser la gueule ».

Les frères, les voisins du proviseur et certains parents d’élèves se trouvant dans les environs, accourent pour protéger le proviseur, selon ses dires. C’est alors que Sama s’enfuit au commissariat laissant sa moto sur les lieux. La foule spontanée venue à mon secours a été qualifiée de « milice », de « lyncheur » de professeur par mes adversaires politiques, révèle le proviseur.

Aussi, il dit apprendre de sources qui lui sont proches, que l’enseignant Sama a été manipulé par le président de l’APE, M. Marius Yanda, un militant du PDP/PS. En fait, selon certains analystes du paysage politique du Kourittenga, les vrais problèmes prennent racine dans la gestion des fonds de l’APE et de la gestion de la mairie.

La pomme de discorde

L’Association des parents d’élèves (APE) est à couteaux tirés avec l’administration du lycée. Et la politique s’y est invitée. Le président de l’APE, Marius Yanda, le trésorier Ganda Sandwidi et le secrétaire général, Ferdinand Sandwidi (actuel maire), tous des militants du PDP/PS ne sont pas en odeur de sainteté avec le proviseur et son intendant, Mahama Kaboré (des militants CDP).
Les premiers accusent les seconds de malversations des fonds de l’APE, depuis pratiquement trois (3) ans. Les cotisations des parents d’élèves ne sont pas reversées régulièrement au bureau de l’APE.

Mieux, à les entendre, le proviseur a trouvé une façon détournée de gérer le lycée en ignorant le bureau de l’APE. « Il travaille avec un seul membre de l’APE, le commissaire aux comptes », a indiqué le secrétaire général de l’APE, Ferdinand Sandwidi. Pour contrecarrer ces malversations, le bureau APE a intenté un procès contre l’intendant et son proviseur pour la gestion des fonds de l’APE durant les périodes scolaires 2002-2005.

Le verdict rendu le 22 juin 2006 par le Tribunal de grande instance de Tenkodogo a blanchi le proviseur. L’intendant par contre, a été condamné à six (6) mois de prison avec sursis et à verser deux millions cinquante mille francs CFA (2 050 000) à l’APE. Cette décision, selon le trésorier de l’APE, Sandwidi Ganda, n’a pas été exécutée.

Et pour cause ? Du côté de l’administration du lycée, il n’est pas question de travailler avec le bureau actuel de l’APE dont le mandat a expiré depuis décembre 2005. Or, le procès verbal de l’assemblée générale de l’APE tenue le 18 décembre 2005 a refusé de déchoir le bureau pour des contentieux en cours et relatifs à la non-exécution de la décision du tribunal condamnant l’intendant à verser deux millions cinquante mille (2 050 000) F CFA.

De ce fait, l’AG dont le nombre de participants était de 191, a refusé de déchoir le bureau. Pourtant, les fonds de l’APE 2005-2006 étaient gérés par l’administration du lycée sur demande des parents d’élèves selon le proviseur parce qu’ils ne font plus confiance au bureau sortant qui refuse de s’en aller. Tout en demandant le renouvellement du bureau de l’APE, le proviseur soutient que l’actuel APE a refusé au cours des années écoulées, de contribuer au paiement des heures supplémentaires, de la vacation...Quant à l’intendant, Mahama Kaboré, il dit être prêt à s’exécuter mais avec un bureau renouvelé.

« Même nos supérieurs savent qu’il n’y a plus de bureau APE au lycée de Gounghin », a lancé M. Kaboré. Or, le renouvellement du bureau rendra difficile la résolution des contentieux en cours. Puisque les acteurs impliqués ne seront pas en fonction. Cela semble être l’inquiétude de l’actuel bureau.

Voilà pourquoi ces derniers ne conjuguent pas leur départ de l’APE au présent de l’indicatif avant que toute la vérité ne soit faite sur les détournements des fonds de l’APE. Des positions radicales des deux côtés, le proviseur a décidé de déchoir la cotisation des parents d’élèves pour l’année 2006-2007. Quant à la cotisation de l’année scolaire écoulée, elle est encaissée par l’administration et non reversée à l’APE. Où est-elle ? Selon le proviseur, cette somme est en « lieu sûr ». (?). Et elle sera reversée à l’APE, une fois le bureau renouvelé.

C’est dans cette ambiance délétère entre l’administration du lycée et le bureau des parents d’élèves que les événements se sont précipités le jeudi 5 et vendredi 6 octobre 2006. Ce jour- là, se tenait la première session ordinaire du conseil municipal de Gounghin . Et cela, après une première tentative échouée le 30 septembre 2006 pour cause de quorum non atteint. Une session boycottée par la quasi totalité des conseillers CDP.

Blocage politique en vue...

La mairie de Gounghin est dirigée par le PDP/PS. Le conseil est composé de 87 conseillers dont 45 conseillers CDP, trois(3) de l’Union pour la république (UPR), un parti de la mouvance présidentielle et les 39 autres sous la bannière du PDP/PS. Sur un total de 8 postes électifs du bureau du conseil, le CDP en a remporté cinq. Le maire, le deuxième adjoint au maire et le 2e conseiller régional sont issus du PDP/PS. Tandis que le 1er adjoint au maire, le président de la commission aux affaires sociales, celui aux affaires financières, à l’environnement en plus du 1er conseiller régional sont du CDP.

Le CDP est majoritaire mais la mairie est entre les mains du PDP. Une donne politique que la plupart de la population de Gounghin ainsi que les militants CDP n’arrivent pas à expliquer. Face à cette situation, les conseillers CDP refusent de siéger. Les jours des sessions, les militants CDP empêchent leurs conseillers d’y prendre part.

Ainsi, le 30 septembre 2006, la première session a avorté pour faute de quorum non atteint. La deuxième session convoquée le 5 octobre 2006, a failli connaître le même sort. Mais trois des conseillers CDP échappent au maille des filets sous les astuces du parti adverse. Conséquence, les militants CDP tentent de protester contre « ce qu’il qualifie d’inadmissible et d’incompréhensible ». D’où des échauffourées le 6 octobre le jour de la clôture de la session, faisant quatre « blessés légers ».

Le proviseur du lycée également conseiller municipal de Gounghin et conseiller régional du Centre-Est soutient que les jeunes se sont opposés à la tenue de la session. Selon eux, le quorum n’est pas atteint pour la tenir. Aussi, ils reprochent au maire et à son parti PDP/PS d’avoir contraint de force les trois conseillers CDP à participer à la session. Parmi ces trois, il y a le vieux Kayaba Ouango qui se trouve être le plus ancien et le plus éloigné du chef-lieu de la commune (20 km environ).
Cet octogénaire avait besoin d’une place pour inscrire son fils au lycée de Gounghin.

Le président de l’APE(mais ex-président de l’administration du lycée), Marius Ganda, militant du PDP/PS l’a convaincu à participer à la session et son problème trouvera une solution. « Je n’ai pas d’argent pour payer les frais de scolarité de mon enfant. Mes camarades CDP ne m’ont pas aidé, les autres (conseillers PDP) ont proposé de me soutenir en me donnant une place gratuitement si toutefois je participe à la session. Maintenant comme nos conseillers CDP s’y opposent, je ne vais plus participer », a dit en substance le vieux qui ne cherchait qu’à trouver une place pour son rejeton. D’ailleurs, il avoue n’avoir pas consulté au préalable les conseillers CDP.

Le président de l’APE, Marius Yanda (Dapooré Naba) a reconnu avoir pris le dossier du vieux pour l’aider sans aucune condition. « Je connais certains professeurs au lycée et j’ai voulu leur demander de m’aider à inscrire l’enfant du vieux ». L’enfant a-t-il pu s’inscrire au lycée de Gounghin ? Non ! répond M. Yanda ; le dossier a été remis au trésorier Ganda Sandwidi qui, dit-il, a usé de ses relations pour l’inscrire dans un lycée départemental voisin à Tibga. A Gounghin, l’APE et l’administration du lycée sont politisés. Les deux camps (CDP et PDP/PS) luttent l’un contre l’autre pour se positionner politiquement.

Les activités de l’APE sont prises en otage. Le conseil municipal en voie de blocage. Les intrigues ont libre cours. Le combat actuel des militants du CDP est de faire en sorte que le quorum ne soit jamais atteint. Cette situation déboucherait sur la suspension du conseil municipal par l’Administration territoriale. Cependant, selon l’affirmation du maire, la session s’est tenue avec quarante quatre (44) conseillers dont une participation par procuration (39 du PDP/PS, deux (2) de l’UPR et trois (3) du CDP).

Toutefois, la physionomie du conseil augure des moments difficiles et l’on se demande si le conseil de Gounghin n’empruntera pas la même voie que celui de Pô, dissous par l’Administration territoriale pour impossibilité du maire à réunir le quorum de conseillers. Des sources proches de la sécurité, la commune après les deux jours d’échauffourées, connaît un calme et vit dans des rumeurs et de fausses alertes d’agression.

Boureima SANGA


Le point de vue du ministre de l’administration territoriale

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que vous comptez faire pour empêcher les blocages du conseil municipal ?

Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément P. Sawadogo : Il n’y a pas autre chose à faire que de poursuivre les sensibilisations des conseillers municipaux et des acteurs politiques. A partir du moment où quelqu’un s’est fait élire au titre d’un conseil municipal, en principe, il devait normalement mettre en avant le service de la communauté en atténuant un peu les problèmes de position de politique personnelle. Mais faut-il attendre que tout le monde puisse être à la hauteur de cette vision ?

Malheureusement, nous constatons des querelles entre les conseillers de partis différents pour contrôler l’exécutif de la commune, c’est-à-dire les adjoints et les présidents de commissions. A Gounghin, le Parti CDP a eu la majorité des conseillers mais à l’élection du maire, un conseiller du PDP/PS a pu ravir aux autres, la majorité.

Dans ces conditions, le maire devait travailler à créer une situation d’ambiance, de négociation. Car on assiste dans la plupart des cas à une majorité de circonstance qui dès le lendemain s’écroule. Comme le dit un proverbe mossi : « Si vous bâtissez une maison avec de la salive, c’est la rosée qui va faire tomber cette maison ».

Ce ne sont pas des majorités consolidées. On a, en outre, le problème du nomadisme politique qui fait que les conseillers naviguent entre les partis et on assiste alors à un balandroire chronique. L’administration ne peut que sensibiliser les acteurs politiques. Car, la communalisation intégrale n’a pas besoin de crises intempestives à ses débuts.

A mon avis, il faut qu’on accepte faire violence sur soi-même, faire preuve de tolérance, d’ouverture pour pouvoir asseoir la communalisation. Cependant, nous nous en tenons aux dispositions de la loi, le code général des collectivités. Cette loi a été appliquée au conseil municipal de Pô. A Gounghin, si la situation demande à ce qu’on applique la loi, elle le sera.

B.S.
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NDLR

La déclaration qui a suscité cette enquête contenait des faits et propos nous empêchant de les publier tels sans entendre d’autres sons de cloche. Après investigation, nous pensons avoir donné la parole à tous les protagonistes. L’information, nous semble-t-il, a été traitée de façon neutre, contrairement aux doutes du maire Ferdinand Sandwidi et du trésorier de l’Association des parents d’élèves (APE), Ganda Sandwidi.

Lors de l’enquête, le maire disait ceci : « Nous espérons que vous allez donner l’information de façon impartiale ». Quant au trésorier de l’APE, il s’était étonné d’apprendre que nous avons interviewé d’autres personnes avant lui. Au demeurant, nous invitons tous les acteurs à avoir un seul objectif : le développement de Gounghin.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 25 octobre 2006 à 17:50 En réponse à : > Crise politique dans la commune rurale de Gounghin : Les dessous d’une bagarre

    Vous etes une honte pour le develeppement de votre localite et je me demande si vous pensez a vos enfants et petits enfants !! c’est bien dommage tous ca mais ca peut aussi s’appeler la dure loi de l’apprentissage democratique !!. Il n’en demeure pas moins que vos actes ( ceux de tous les deux camps) sont d’une telle bassese !!

    A bon entendeur..... moi-meme !!

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