LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Inondation à Gorom-Gorom : La catastrophe ignorée

Publié le lundi 28 août 2006 à 07h28min

PARTAGER :                          

Gorom-Gorom, chef-lieu de la province de l’Oudalan, a vécu en ce mois d’août l’un des jours les plus tragiques de son histoire : une pluie torrentielle s’est abattue sur la commune le 9 du mois, causant une inondation qui a emporté la moitié de la ville. Bilan de ce sinistre à la date du 22 août : 3 morts, des dégâts matériels considérables, une population meurtrie.

A ce choc est venu s’ajouter celui provoqué par ce qui ressemble à un black-out fait par la TNB sur la catastrophe. Une inondation au Sahel ! Cela ne se voit pas tous les jours. Et à Gorom-Gorom, cela ne s’était plus vu depuis 1984. Le jeudi 10 août dernier, le présentateur du "13h 15" de la TNB annonçait en titre : « Gorom-Gorom sous les eaux... ». Les images du reportage qui suivra laisseront pourtant plus d’un téléspectateur sur sa soif, car ne traduisant en rien ce que le titre annonçait.

Et depuis lors, plus rien. Or, ce qui est passé comme un rien, à travers la télé bien sûr, a été en réalité une catastrophe sans précédent pour la population de Gorom-Gorom : Avec une localité gravement détruite, et près de 800 familles dépouillées, dans le désarroi, les trois écoles primaires de la commune, le lycée provincial, la maternelle, la maison de la Femme, bref tout ce qui pouvait accueillir des personnes était bondé. C’était un spectacle de désolation qu’a donné à voir la cité de Tondikara (1) ce jour-là. Un spectacle qui traduit bien l’ampleur de l’inondation qui a touché les 5 secteurs de la commune il y a deux semaines maintenant.

Le mercredi 9 août, en effet, entre 9h et 13h, le ciel a ouvert grandes ses vannes sur Gorom-Gorom pour déverser 136 millimètres d’eau au pluviomètre. Pour une localité dont la pluviométrie annuelle ne dépasse guère 600 millimètres (voir tableau de données pluviométriques), ce fut un vrai déluge. La veille déjà, une pluie nocturne tombée vers 23h avait donné d’enregistrer 36 millimètres d’eau. Le jour du sinistre, avant même que la pluie cesse de tomber, ceux qui avaient pressenti le danger avaient commencé à sauver ce qui pouvait encore l’être. Mais pour de nombreuses familles, peu de biens pourront être épargnés.

Des dégâts considérables

Il est encore difficile, à ce jour, de donner une estimation des pertes enregistrées. Ce qui est surtout visible, c’est la destruction. Les dégâts matériels sont impressionnants. Un quartier (le secteur 1) entièrement rasé, à l’exception de quelques maisons épargnées par miracle ; les secteurs 4 et 5, touchés à environ 80 et 40%, les deux autres, partiellement détruits. Au marché comme dans les quartiers, les commerçants ont subi de lourdes pertes ; nombre d’entre eux, habitant les villages environnants, étaient absents.

Des tonnes de marchandises sont ainsi parties, dissoutes ou ensevelies. Dans les ménages, l’ampleur des pertes est tout aussi considérable. Certaines familles n’ont pu retirer que quelques affaires. D’autres, rien du tout. Des sommes énormes, personnelles ou appartenant à des groupes organisés, ont été emportées par les eaux. On parle de millions pour certains. Dans beaucoup de concessions, il a fallu l’intervention de la police pour extraire des gens qui refusaient de quitter leurs maisons pourtant sur le point de s’écrouler. Ce qui n’empêchera pas, malgré tout, qu’on enregistre 3 décès : un enfant noyé à cause de la force du courant d’eau, une femme qui n’a pas échappé à la chute de sa maison, et un jeune maçon venu tenter de récupérer le toit en tôle d’une maison, mais qui ne parviendra pas à se sauver lui-même de l’effondrement de celle-ci. Le bilan aurait été plus lourd si l’inondation n’était survenue le jour. Ce qui a aggravé le désastre, c’est la structure de l’habitat dans la localité.

A Gorom-Gorom, 95% des habitations sont en briques de terre, parfois seulement crépies avec du ciment pour donner du "semi-dur". Ici, les gens n’ont pas "les moyens" pour construire en dur. Ce facteur, doublé de la rigueur du climat (il fait très chaud ou très froid), fait que les gens se construisent des maisons en briques d’argile, avec des toits de "secco" (2) recouverts d’argile. Une structure bien lourde, mais très fragile, qui n’a pas pu résister au flux des eaux libérées par la rupture de la digue du barrage de Touro, à 4 kilomètres au nord-ouest de Gorom-Gorom. Ces eaux et celles de ruissellements, la commune n’ayant aucun système de canalisation, vont confluer pour envahir la localité, montant par endroits jusqu’à mi-hauteur d’homme.

L’après-inondation

C’est dans une grande confusion que le Comité provincial de secours d’urgence (COPROSUR) mettra, justement d’urgence, en place une cellule de crise. Les premiers produits de l’aide en provenance de Dori n’arriveront que le 11 août, bloqués toute la journée du 10 août à Saouga, à 12 km sur l’axe Gorom-Dori, à cause d’un radier infranchissable. Sur les sites d’accueil, la vie est difficile ; tout est insuffisant : les installations sanitaires, les vivres... Rien, en effet, n’était prévu pour accueillir un tel monde. La cellule de crise a dû abattre un travail fou : assistance physique et psychologique, distribution de vivres, de couvertures et de produits médicaux. Aujourd’hui, les risques d’épidémie, qu’on craignait, vu la promiscuité de ces sites d’accueil, se dissipent.

La vie reprend difficilement son cours. Mais, la question du relogement des sinistrés reste une équation qu’il faudra résoudre très vite. Au regard de l’ampleur de la destruction, il faudra au moins une année pour la reconstruction. Si certaines familles quittent déjà les écoles pour habiter chez des proches ou dans des cours qu’elles avaient construites dans les quartiers moins atteints, le gros de la troupe y est toujours. La rentrée scolaire est pour bientôt, dans moins d’un mois ; mais pour l’instant, aucune tente n’a été dressée pour accueillir une famille. Les élèves reprendront-ils le chemin des classes dans les délais ? Les jours à venir nous en diront peut-être plus.

L’insulte de la TNB

« La TNB n’a rien montré... », « pourtant ils ont tout filmé depuis l’hélicoptère... » ; c’est tout ce qu’on entend d’une population à la fois choquée et dépitée, elle qui ne comprend pas grand-chose à ce qui lui est arrivé, et qui comprend encore moins ce que la chaîne du plaisir partagé a fait de son malheur, comme si elle voulait cacher quelque chose. L’occasion était donnée à la petite équipe de notre télévision nationale qui a accompagné la ministre Pascaline Tamini à Gorom-Gorom au lendemain du sinistre, le 10 août, de montrer l’étendue du sinistre en ces lieux quelque peu oubliés de notre pays.

Mais hélas ! Il a semblé que l’événement ait été plus le déplacement de la ministre que la catastrophe qui a ravagé presque tout le village. La chaîne, qui ne sait que partager les plaisirs, ne choisit de montrer qu’une image muette du sinistre, un pan d’une maison écroulée, un gros plan d’un chef de ménage sinistré, tandis qu’au même moment, 965 maisons étaient à terre, 5695 personnes qui avaient tout perdu ou presque se trouvaient entassées dans les écoles et autres sites qui ont pu les accueillir. Toujours au même moment, l’ancien cimetière, à l’ouest de la commune, dévoilait, par suite de la forte érosion, des ossements et corps humains.

La population passera toute la journée du 14 août à "réenterrer" ses morts. Sans vouloir nous ériger en donneur de leçons, nous disons que l’écriture journalistique a des règles, la sélection de l’information de même. La TNB est un média public, qui a une mission de service public. Elle a le devoir de s’intéresser à ce qui touche aux populations et de les informer de ce qui se passe chez elles. Une catastrophe de ce genre, avec de tels dégâts et au bout 3 morts, ça ne se passe pas sous silence ; ça mérite que l’on s’y attarde, et c’est non moins important que la finale d’un tournoi de football ou la clôture d’un séminaire, ou encore une cérémonie de plantation d’arbres et que sais-je d’autre, qui sont très souvent largement couvertes par notre grande et chère télévision. A quoi nous sert-il de voir chaque année des images d’inondations en Inde, en Chine ou ailleurs, à des milliers de kilomètres de nous, et de ne pas voir ce qui se passe chez nous, sous notre nez ?

Alors, que comprendre ? Négligence ? censure ? amateurisme ? ou faut-il y voir autre chose ? Ce qui est sûr, Gorom-Gorom et l’Oudalan, plus généralement, ne sont pas acquis au parti majoritaire, le CDP. Le maire qui a été installé, il y a seulement un mois, est issu de la CDF (Convention des forces démocratiques) et entame son 2e mandat consécutif, qui se présente déjà bien chargé. Peut-être est-ce là une occasion pour donner une leçon à une population qui ne comprend pas toujours qu’il vaut mieux ne pas se démarquer du mégaparti, si l’on veut vraiment être pris en compte. En tout cas, aujourd’hui, il serait difficile de convaincre les habitants de Gorom-Gorom du contraire.

Ahmid Ag Rali,
Etudiant en communication et journalisme Université de Ouagadougou
Résidant de Gorom-Gorom

Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 31 août 2006 à 17:26 En réponse à : > Inondation à Gorom-Gorom : La catastrophe ignorée

    helas, de nos jours, seules les images choc peuvent mobiliser un peu l’opinion...faites passer des images par quelque media que ce soit...et continuez de crier votre indignation !
    de tout coeur avec vous

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km