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Affrontement entre populations frontalières du Mali et du Burkina : appel au calme des autorités burkinabè

Publié le jeudi 6 juillet 2006 à 08h19min

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Compassion et message fort de paix du gouverneur de la Boucle du Mouhoun aux populations frontalières suite à l’affrontement meurtrier intervenu le vendredi 30 juin 2006 à Ouoronkuy dans la province de la Kossi.

Une forte délégation du gouverneur de la région de la Boucle du Mouhoun s’est rendue à Ouoronkuy dans le département de Djibasso, province de la Kossi, le 4 juillet 2006 suite aux affrontements meurtriers entre les populations frontalières du Burkina Faso et du Mali dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2006. Cette visite a pour objectif, de témoigner la compassion du gouvernement burkinabè à l’endroit des parents des victimes et également, leur porter de vive voix, le message d’appel au calme et à la sérénité du gouvernement burkinabè.

Accueilli aux environs de 8 h 30 mn par les autorités provinciales de la Kossi, le gouverneur a marqué un arrêt au Centre médical de Nouna où il a rendu visite à deux blessés hospitalisés suite à ces événements.

Des informations recueillies sur place, ils étaient trois blessés à être évacués au CMA de Nouna, le 2 juillet dernier pour des soins. Un d’entre eux qui était dans un état suffisamment grave pour avoir reçu des plombs dans le ventre a été référé au CHCR de Dédougou.

Le gouverneur, en progression vers les lieux de l’affrontement, a ensuite marqué un arrêt à Djibasso pour s’enquérir des dernières nouvelles auprès du préfet du département.

C’est là que Ibrahim Traoré, préfet de Djibasso, a informé le gouverneur de la disparition d’un habitant de Dina du nom de Robert Dao. Le 2 juillet, des voyageurs l’auraient aperçu dans les mains de ses ravisseurs à Kéra (Mali). Il avait une jambe fracturée, ne portait aucun vêtement et réclamait vainement de l’eau pour étancher sa soif.

C’est alors que le gouverneur a, d’urgence, envoyé une mission composée de trois gendarmes en direction de Kéra pour récupérer le pauvre paysan. Cette mission, malheureusement, y est arrivée trop tard. De leur compte rendu, il ressort que la victime avait déjà rendu l’âme et son corps a été aperçu sur les lieux...

Par ailleurs, et ce, toujours à Djibasso, la délégation est tombée sur deux habitants : MM. Cyricac Koïta et Jules Koïta du village de Bara qui venaient de rapporter au préfet, la présence aux abords de leur village (Bara) d’individus armés en tenue civile. Selon eux, ces individus à l’exception d’un d’entre eux, ne sont pas de simples paysans.

Autre information portée à la connaissance du gouverneur, c’est le déplacement massif de populations, notamment de femmes et d’enfants des villages environnants de la zone du conflit vers le chef-lieu du département, Djibasso où elles ont été accueillies dans les écoles pour y passer la nuit et ce, depuis le 2 juillet dernier.

Des déclarations du préfet, des rumeurs non fondées indiquant la présence d’hommes en tenue à la frontière, côté Mali seraient à la base d’une psychose au sein des populations qui, du reste, ont jugé bon de mettre les plus vulnérables à l’abri de tout risque. Ils étaient plus de six cents (600) femmes et enfants à avoir été reçus à Djibasso dans ces conditions.

Après Djibasso, le gouverneur, Monsieur Pascal T. Benon et sa délégation se sont ensuite rendus à Ouoronkuy d’où est parti le conflit, côté burkinabè. Sur les lieux, il a pu rencontrer les populations frontalières des villages de Kénékuy, Samékuy, Kira et Ouoronkuy. C’est donc devant une grande foule que le gouverneur a présenté ses condoléances aux parents des victimes ayant trouvé la mort au cours de ce malheureux conflit. Dans son message d’apaisement, le gouverneur a invité les populations au calme absolu sur l’ensemble du territoire frontalier burkinabè. Il les a également exhortés à faire preuve de retenue et à ne pas se venger. Pour rassurer les populations meurtries, il les a informées des dispositions urgentes prises par le gouvernement pour sécuriser la zone en conflit. Il s’agit, entre autres, du renforcement de la surveillance de la frontière par les forces de sécurité. Autre mesure en cours, le gouverneur a indiqué que le gouvernement, en concertation avec les autorités maliennes, va accélérer le processus des travaux de bornage de la frontière, pour y instaurer une paix durable. Face à la dizaine de greniers de céréales mis à feu, le gouverneur a annoncé de la part du gouvernement dans les prochains jours, une aide d’urgence pour les victimes. Ces populations qui se sont dit très touchées par cette marque de compassion ont demandé au gouverneur de transmettre leur reconnaissance au gouvernement et à l’ensemble des autorités locales de la province qui les ont assistés tout au long de ce malheureux événement.

Comment est né donc ce conflit ?

De la version des populations frontalières burkinabè, deux (2) paysans se seraient disputés le jeudi 29 juin dans la matinée pour l’exploitation d’un lopin de terre, l’un était de Ouoronkuy, (Burkina Faso) et l’autre de Wanian (Mali). Le lendemain, soit le 30 juin, un grand groupe de personnes armées venant de Wanian pour la plupart, avec ceux des habitants d’autres villages frontaliers maliens, ont envahi le village de Ouoronkuy, détruisant tout au passage. Résultat : une dizaine de greniers à céréales mis à feu, des animaux abattus, des habitations saccagées, des vélo emportés et plusieurs personnes lynchées.

C’était le « déshonneur » et la consternation dans tout

le village, il fallait donc à tout prix rendre la monnaie. Partis dans cet esprit, les populations Ouoronkuy, elles aussi appuyées des parents de villages voisins, sont tombées dans une embuscade bien organisée à l’entrée de Wanian au Mali. Les balles sifflaient de partout, c’était la débandade nous ont raconté les survivants sinon les « rescapées ». L’administration alertée, une délégation provinciale conduite par le haut-commissaire, Valentin Yonli s’est rendue le même jour à Ouoronkuy qui s’est vidé de ses habitants. Cette mission décide donc de se rendre à Wanian où des autorités maliennes attendaient déjà sur place. Plusieurs corps sont retrouvés dans des situations désastreuses. Des bras amputés, des crânes fendues et tous portaient des traces de balles qui dans le dos, qui sur la nuque. Sur place, mais à des endroits différents, huit corps sont identifiés, tous burkinabè.

A ce chiffre, il faut ajouter un porté disparu du nom de Robert Dao du village de Dina malheureusement décédé dans les mains de ses ravisseurs le 4 juillet à Kéra, juste avant l’arrivée d’une mission de récupération commanditée par le gouverneur de la région de la Boucle du Mouhoun. Toutes les victimes sont dans la tranche d’âge de 40 à 60 ans.

Daouda KONATE
AIB/Nouna


Fenêtre ouverte sur Ouoronkuy

Les affrontements du 30 juin ont opposé la population de Ouoronkuy (village burkinabè) à celle de Ouanian côté malien. Il y a eu 8 morts et un disparu, tous des Burkinabè. Aux dernières nouvelles, le corps de Robert Dao (le disparu) aurait été retrouvé sans vie en territoire malien.

Ouoronkuy est un village du département de Djibasso. Il compte environ 1 026 habitants et se trouve à 15 km au nord de Djibasso, du côté du Mali. Le département de Djibasso relève de la province de la Kossi et se trouve à 65 km du côté nord de Nouna. Le préfet de ce département, qui est sans moyen de déplacement et sans téléphone depuis l’installation du maire de la commune rurale de Djibasso, fait ce qu’il peut pour représenter l’administration et l’autorité centrale sur place.
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Les victimes burkinabè identifiés

Koné Rémy du village de Naon

Kiénou Théodre du village de Kénékuy

Kiénin Ténabè de Ouoronkuy

Traoré Donalte du village de Samonkuy

Kiénou Moussé du village de Ouoronkuy

Kiénou Widi du village de Ouoronkuy

Kiénou Robert du village de Ouoronkuy

Kiénou Maurice du village de Ouoronkuy
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Témoignage d’un rescapé

Madou Keïta, habitant de Ouoronkuy : Beaucoup d’hommes fuient le village pour aller se réfugier à Djibasso. Moi-même je n’ai pas dormi ici hier, j’ai dormi à Mandara. On a tous peur d’être attaqué ou enlevé par les Maliens donc chacun se débrouille pour aller dormir ailleurs. Le conseil qu’on s’est donné dans le village, c’est de développer la méfiance et la prudence pour ne pas être surpris. Tout a commencé par une histoire banale de terres cultivables entre les populations de Wanian et les gens de mon village.


Ibrahim Traoré, préfet du département de Djibasso situe les raisons de l’attaque du 30 juin

Après les événements malheureux survenus entre les populations des villages de Ouoronkuy (Burkina) et Ouanian (Mali), les correspondants de Sidwaya sur place ont rencontré le préfet du département de Djibasso, la première autorité locale et immédiate à être concernée par l’affaire.M. Ibrahim Traoré situe ici les raisons de l’attaque du 30 juin passé et parle des dispositions prises au niveau local pour maîtriser la situation.

Sidwaya (S.) : Quelle est la situation exacte sur le terrain ?

Ibrahim Traoré (I.T.), préfet du département de Djibasso : La situation sur le terrain est assez lamentable, un conflit armée qui a opposé les villages de Ouoronkuy au Burkina Faso et Ouanian au Mali. Nous déplorons 8 morts et un disparu, une dizaine de greniers brûlés avec leurs contenus, un cheval abattu, des armes, des vélos emportés.

S. : Depuis combien de temps la situation prévaut ?

I.T. : Nous avons été vraiment surpris car à notre connaissance, il n’existait pas de conflit entre Ouanian et Ouoronkuy. Mais il paraît que c’est un vieux problème ; un litige autour de terres cultivables entre les populations des deux villages. Autour de cette question, il paraît qu’il y a eu déjà un affrontement en 1980 puis en 1985 et tout récemment en 2006.

S. : Avez-vous été mis au courant de la dégradation de la situation et qu’est-ce qui a été fait ?

I.T. : Nous avons été informé que les populations de Ouanian (côté malien) venaient défricher les champs des populations de Ouoronkuy. Nous avons vérifié les faits sur le terrain et nous avons compris que c’est plutôt les populations de Ouanian qui voulaient coûte que coûte retirer les terres des paysans de Ouoronkuy pour en faire des champs. Nous avons envoyé deux missions auprès du chef de village de Ouanian pour essayer de calmer la situation. Nous lui avons notifié que les populations de Ouoronkuy n’étaient pas prêtes à prêter leurs champs aux demandeurs. Mais il a persisté.

S. : Il semble qu’il y a un mouvement massif des populations de Ouoronkuy vers Djibasso ?

I.T. : Dans la nuit de dimanche à lundi, des populations (hommes, femmes et enfants) de Ouoronkuy, Kénékuy, Samekuy et même Kira se sont déplacées massivement vers Djibasso. Au petit matin, elles ont été rassurées. Je pense qu’elles sont rentrées.

S. : Est-ce qu’on déplore d’autres victimes dans les autres villages que vous venez de citer ?

I.T. : En plus de Ouoronkuy, nous déplorons des victimes dans les villages de Samekuy, de Kenekuy et Bankuy dans la département de Doumbala.

S. : Par rapport aux éléments portés disparus notamment le nommé Robert Dao dont le nom revient sur toutes les lèvres dans le village de Ouaronkuy, quelles sont les dispositions immédiates et urgentes qui ont été prises pour le retrouver ?

I.T. : Nous avons été informé ce matin qu’il se trouverait en territoire malien. Avec la présence du gouverneur, nous avons informé les autorités maliennes de tout mettre en œuvre pour nous aider à le retrouver. Une délégation a donc quitté Djibasso ce matin pour le village de Kira au Mali en vue de récupérer l’élément en question.

Propos recueillis à Djibasso par Ousseini OUEDRAOGO (AIB/Dédougou)
et Daouda KONATE (AIB/Nouna)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 8 juillet 2006 à 06:19, par Bouba En réponse à : > Affrontement entre populations frontalières du Mali et du Burkina : appel au calme des autorités burkinabè

    Les autorités burkinabè et maliennes ont une grande responsabilité dans ce conflit du fait de leur négligence.

    Originaire de la région, j’ai souvent entendu parler de ce vieux problème récurrent entre les populations des 2 villages. C’est dommage que les autorités maliennes et burkinabè qui sont en bons termes en ce moment n’aient rien fait jusque là pour prévenir un tel conflit et instaurer un climat paisible entre ces pauvres populations.

    La solution passe tout simplement par l’installation de bornes pour délimiter la frontière officielle entre les 2 pays dans cette zone. Il suffit que le Burkina et le Mali en fassent une priorité. Les populations respecteront la frontière tracée.

    S’il y a eu des victimes et de grands dégâts uniquement du côté burkinabè, cela signifie que les maliens ont réagi de façon disproportionnée. Les autorités maliennes, pour montrer leur bonne foi devraient alors présenter des excuses officielles et sanctionner les individus mal intentionnés qui ont fait usage d’armes à feu et exproprié nos compatriotes.

    Le préfet de Djibasso a-t-il saisi sa hiérarchie à temps ? Etait-il indiqué qu’il aille rencontrer le chef du village malien ? N’aurait-il pas mieux fait d’initier et d’accélérer des concertations avec son homologue malien avec l’accord de leurs hiérarchies respectives ?
    A la décharge du préfet, on peut reprocher à l’Etat de ne lui avoir pas donné les moyens pour travailler - si réellement, il n’a ni engin, ni téléphone.

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