Burkina : Les VDP, pierre angulaire de la stratégie nationale contre le terrorisme ?
Tribune
Le Burkina continue de miser sur les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) pour faire face à l’insécurité dans le pays, constate Oumar Sylla dans cette tribune. Une nouvelle campagne de recrutement renforcerait bientôt l’armée, annonce-t-il, en estimant que le pays aurait tout à gagner s’il portait l’effort sur une meilleure préparation des recrues.
Les bilans d’opérations de reconquête de zones, conjointement menées par les unités combattantes burkinabè (FDS et VDP), font souvent état de pertes dans les rangs ennemis. Aussi, le gouvernement envisage de porter le nombre supplétifs civils de l’armée à plus de 100 000. Ce complément d’effectifs permettrait à la population d’assurer, en tout temps, sa propre sécurité, « même dans les coins les plus reculés du pays », a déclaré le Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambèla.
Cette nouvelle campagne de recrutement suivrait celle d’octobre 2022. Sur les 50 000 VDP initialement attendus (35 000 à vocation communale et 15 000 nationaux), 90 000 personnes avaient proposé leur candidature, d’après la Brigade de veille pour la défense de la patrie (BVDP). Un succès bien au-delà des attentes.
Retour sur l’origine des VDP
En novembre 2019, une embuscade contre un convoi minier de la compagnie canadienne SEMAFO cause la mort de 38 personnes. Dès le lendemain, le gouvernement du Président Roch Marc Christian Kaboré annonce la « mobilisation générale des fils et filles de la Nation » : une milice voit ainsi le jour, pour contrer les groupes djihadistes dans le nord.
Quelques mois plus tard, les modalités se précisent. En janvier 2020, l’Assemblée nationale adopte une loi : les volontaires, armés et formés, contribuent désormais à la défense et à la protection des personnes et des biens, dans leur village, dans leur secteur de résidence ou dans toute autre localité sur le territoire national. Promulguée le 21 janvier 2020, elle est instituée (loi n°028-2022) le 17 décembre 2022 par l’Assemblée législative de la Transition.
Le rôle du supplétif
Le volontaire est lié à l’État burkinabè par un contrat d’un an, renouvelable chaque année dans la limite de cinq ans. Affecté à des missions de surveillance, d’information et de protection aux côtés des militaires, il ne réalise cependant pas de missions de police judiciaire et de maintien de l’ordre. Sa mission diffère de celle du soldat.
Équipé d’une arme, utilisable dans le cadre du service et sur autorisation du commandement militaire, il peut néanmoins « répondre dès les premières attaques, en attendant l’arrivée des forces de défense et de sécurité », précise un rapport du vote de la loi par l’Assemblée nationale. Parfois, guide et pisteur, le VDP est engagé dans les combats, gonflant ainsi le quota des FDS.
Des avantages financiers et en nature
Pendant la durée du contrat, le VDP perçoit 60 000 FCFA par mois. Entre 200 000 à 300 000 FCFA sont également affectés par groupes de volontaires formés par village, pour acheter le carburant et assurer la maintenance des véhicules à disposition. Selon un document signé par les ministres de la Défense et de l’Économie et des Finances, le VDP bénéficie encore de primes d’opération, d’alimentation, etc.
En cas de blessure au combat, une assurance risque et une prise en charge des soins sont prévues. En cas d’invalidité, une allocation de 30 000 francs CFA lui est attribuée mensuellement durant cinq ans. Et en cas de décès, l’État paie les frais d’inhumation à hauteur 100 000 FCFA, et les ayants droits et les proches reçoivent une aide financière unique d’un million de FCFA.
Une formation à améliorer
Durant sa formation initiale, le volontaire intègre le règlement de conduite et apprend à respecter le code disciplinaire. Pendant ces 14 jours, il est également formé au maniement des armes. L’expérience du terrain au contact des FDS lui assure seule sa formation continue.
Certains observateurs estiment aujourd’hui la durée de formation insuffisante, notamment au regard des 18 mois requis pour un soldat et celle des 2 652 réservistes formés au profit des armées nationales depuis 2021 (dans le cadre du Service national pour le Développement). Ce manque de formation justifie pleinement la réticence de pays étrangers à fournir des armes à des personnes non-qualifiées.
Face aux groupes terroristes, le Burkina aurait tout à gagner s’il portait l’effort sur une meilleure préparation des recrues. Les ressources nationales ne manquent pas, notamment avec ses écoles militaires. Et bien entendu, les puissances régionales seraient prêtes à lui prêter main forte. Enfin, le piège dans lequel il convient de ne pas tomber dans le piège qui est de léguer toute sa sécurité à un État tiers, encore moins à une société militaire privée, comme celle de Wagner, attirée par l’appât du gain.
Omar Sylla
omarsylla489@gmail.com