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Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

Publié le jeudi 17 février 2022 à 10h32min

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Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

D’origine malienne, Aïcha Yatabary née au Burkina et installée en France est consultante en santé publique. Elle est aussi présidente de l’association Femmes santé solidarité internationale basée en France et créée en 2019. Dans cette tribune, elle revient sur certains combats du père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, notamment en matière d’agro-écologie.

« La révolution verte de Thomas Sankara »

Quand Thomas Sankara a entamé sa révolution le 04 août 1983, à la suite d’une insurrection populaire qui s’est soldée par un coup d’Etat, les réformes sociales qu’il projetait de mettre en place allaient de pair avec le discours panafricaniste.

D’abord le discours panafricaniste. « Le héros immortel » a longtemps été le porte-parole d’une Afrique fière, digne et qui s’affranchit du diktat néocolonialiste. Figure de proue de la lutte anti-impérialiste, il s’illustre par une prise de position claire en faveur de l’unité africaine et contre la dépendance du continent à l’égard de l’ancien colonisateur, la France. Il voulait avant tout « décoloniser les mentalités ».

Quelles sont les réformes sociales que le héros de la lutte anti-néocolonialiste appelait de ses vœux ?

Nous dirons que la révolution de l’homme du 04 août était avant tout une révolution verte. Cela est bien-sûr en adéquation avec ses convictions d’homme de gauche. Thomas Sankara avait déjà à l’époque un intérêt fort pour l’écologie, à travers les actions importantes qu’il a menées en faveur de l’agroécologie, renforçant ainsi sa stature de leader à l’avant-garde. Il a voulu révolutionner l’agriculture de son pays pour garantir la sécurité alimentaire et une alimentation saine aux Burkinabés. Dans son combat panafricaniste, il comptait initier la plantation d’arbres qui partiraient de son pays à d’autres de la sous-région et s’étendrait sur des dizaines de kilomètres.

Ainsi, Pierre Rabhi, l’homme du bon sens, de la mesure et de l’agriculture biologique, a mené des travaux importants au Burkina-Faso dans des campements où il s’était initialement rendu pour promouvoir un certain « tourisme vert », et qui ont ensuite été encouragés par Thomas Sankara.

L’engagement du révolutionnaire pour l’agroécologie, qui s’est traduit par la promotion de celle-ci sur tout le territoire burkinabé, avait aussi une dimension idéologique : faire sortir les paysans burkinabés de la dépendance des engrais chimiques, qui venaient de l’extérieur. En termes d’écologie, Thomas Sankara mit en place une législation forte pour lutter contre les feux de brousse, la divagation du bétail et la coupe anarchique du bois de chauffe. Il invita à planter des arbres, de façon massive et obligatoire, à l’occasion des évènements qui peuplent le quotidien des habitants du Faso, mais aussi des évènements officiels.

Le progrès social qu’appelait de ses vœux Thomas Sankara était aussi bien-sûr d’ordre économique. Il a mené plusieurs combats sur ce front, comme celui en faveur de la redistribution des richesses, pour la limitation des importations, pour la mobilisation des ressources internes du Burkina-Faso (développement endogène).

En voulant révolutionner l’agriculture de son pays, il avait aussi en perspective les retombées que cette vision aurait sur le plan économique. Le leader avait également conscience de l’impact de l’écologie sur le développement humain.
En marge de tous ces positionnements économiques et écologiques, Thomas Sankara voulait aussi jouer un rôle de « libérateur de la femme », afin que celle-ci participe pleinement au développement de son pays.

Le 04 Août 1984, Thomas Sankara poursuit sa révolution à l’occasion du premier anniversaire de celle-ci. Il change le nom de la Haute Volta en Burkina-Faso, la devise nationale, de même que l’hymne national. Des festivités (concerts, matchs de football, cyclisme) furent organisées partout dans le pays et Jerry Rawlings du Ghana était l’invité de marque du Président, qui s’est même essayé à la guitare à cette occasion. La ferveur populaire fusait de partout le pays. Je m’en souviens, c’est le jour où je suis née.

Le capitaine visionnaire était par ailleurs très attaché à l’identité culturelle de son pays, ce qui s’est traduit par la promotion du pagne tissé burkinabé appelé le « faso-dan fani » par exemple, une étoffe confectionnée par les artisans du Faso grâce à des bandes de coton tissé.

Peut-être avait-il déjà compris que le développement est un tout.
La révolution va de pair avec le progrès social, sinon elle fait penser au populisme. Et le populisme mène souvent à des impasses. »

Aïcha Yatabary}

Bibliographie de Aïcha Yatabary

- Le banquet des marabouts, éditions L’harmattan, roman, 2015

- Afrique, développement durable et coopération internationale, éditions L’harmattan, essai, 2018

- Le banquet des cantatrices, éditions Takaba (Mali) recueil de nouvelles, 2021
- Dans le ventre d’un prince, éditions Lakalita (Burkina-Faso) roman, 2022
- Le développement durable à l’épreuve de la politique concrète, éditions L’harmattan, essai, 2022.

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Vos commentaires

  • Le 17 février 2022 à 13:01, par Diongwale En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    .
    C’est très bien, et j’approuve la vision écologique de Thomas Sankara. Je déplore aussi les problèmes de santé que les pesticides nous font courir. Mais je rigole doucement quand je vois que votre façon personnelle de vous affranchir du diktat colonialiste a été de quitter l’Afrique pour préférer vivre en France, tout comme Kémi Séba, ce grand panafricaniste qui vit en France. Venez œuvrer ici !

    • Le 20 février 2022 à 14:23, par Aicha Yatabary En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

      Vous confondez tout. Avec mon association Femmes Santé Solidarité Internationale, j’oeuvre pour les femmes, la santé en Afrique surtout.
      Mes réflexions et productions intellectuelles (essais...) sont tournées vers des problématiques comme la santé, le genre et le développement durable en Afrique (voir mes deux essais).
      Je publie une partie de mes livres auprès d’éditeurs africains (voir mon dernier roman publié au Burkina-Faso).
      Enfin, on peut vivre en France pour des raisons personnelles, tout en œuvrant pour l’Afrique, dans un esprit de solidarité, de coopération internationale, dans le respect strict de la souveraineté des Etats. Et c’est bien la vision de Thomas Sankara : "Les masses populaires africaines ne sont pas opposées aux masses populaires occidentales..."

  • Le 17 février 2022 à 13:28, par HUG En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    Thomas Sankara s il avait eu longue vie allait faire du Burkina faso un paradis terrestre.Mais helas.Il a ete lachement assassiné par une bande de rapaces dont le soucis etait le pouvoir. Repose en paix car tu continue de hanter le jour de certaines personnea dont le beneficiaire direct de ton assassinat oblige de fuir chez leur belle famille en changeant de nationalite

  • Le 17 février 2022 à 14:36, par SOME En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    Merci de rappeler à certains cette période de la révolution sous Thomas sankara, période clé que certains ont égoïstement tentée de détruire. Oui le période de ta naissance mais tu as bien compris les enjeux de la révolution sankariste. Oui nous avons participé activement a ces événements dont tu parles . Et tu es l’exemple que cette révolution n’a pas échoué comme certains veulent le faire croire. Mais nous comprenons leurs basses manœuvres

    Mais nous on sait ce que nous devons à ce digne fils d’Afrique. Tu connais la position de Thomas sankara lors de son voyage pour le sommet de la terre à propos des forêts etc. Tu connais le grand programme des 3S, les foyers améliorés, etc. Cela tranche bien aujourd’hui avec le Burkina pays des OGM et des pesticides roundup et glyphosates, etc. qui tuent non seulement les sols et leurs biotopes mais aussi les hommes.

    Oui je connais Pierre rabbi et son action comme conseiller de Thomas sankara mais hélas encore ! Oui René dumont dans les années 60 avai5 été le premier à alerter et avait bien vu que l’Afrique noire était mal partie . Aujourd’hui plus que jamais le peuple doit oser inventer son avenir. A vous les jeunes de vous prendre en main. AN LAARA AN SAARA. Bon courage
    SOME

  • Le 17 février 2022 à 15:22, par Sacksida En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    En outre, il faut ajouter que l’action operationnelle de la Revolution d’Aout sous la conduite eclairee du President Thomas Sankara a ete faite sur la base d’une organisation scientifique des couches et classes sociales :
    La Paysannerie, Le Proletariat ou les Ouvriers, La Petite Bourgeoisie et enfin Le Lumpen-Proletariat ou Les Elements Declasses sans Formation et sans Emplois. C’est donc dans ce cadre que les actions de natures diverses que la Revolution Democratique et Populaire a deroule son programme economique, social et culturel. Attardons nous sur les taches devolues aux Paysans ou a la Paysannerie : Quatre taches principales de la paysannerie etaient les Travaux Locaux Collectifs, le Combat contre les entraves sociales, la participation aux activites politiques, economiques et culturelles des CDR, les cooperatives agricoles pour une meilleures Production vivrieres nationales. Ainsi une prise de conscience a ete necessaire aux paysans comme une force principale pour la transformation structurelle de l’economie agricole et cela avec l’appui des classes sociales citees-ci dessus. Ainsi la Revolution Democratique et Populaire par les masses Populaires chevauchait vers des objectifs nationaux de Developpement Economiques et sociaux Endogenes. Le merite de Thomas Sankara est d’avoir inculque au Peuple Burkinabe que la Pauvrete peut etre vaincue et que l’emergence est possible. Ne disait il pas que" Tout ce qui sort de l’imagination de l’homme est realisable par l’homme et pour l’homme. Salut

  • Le 17 février 2022 à 15:41, par K K En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    Merci pour ce rappel. En effet, le père de la révolution avait compris la nécessité de la bonne symbiose entre l’homme et son environnement. La destruction de l’environnement était combattu quotidiennement d’où le slogan" si les feux de brousse sont une bonne chose, que chacun commence par brûler sa case". Aujourd’hui je rêve d’un écologiste à la tête du Burkina car la nature paie le lourd tribut de nos actions matérialistes.

  • Le 17 février 2022 à 16:05, par Charly En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    Les idees de Thomas Sankara continuent d’impacter notre monde. Il etait en avance sur son temps. Un vrai patriote et visionnaire qui allait changer, non seulement son pays, mais aussi toute l’Afrique.

    Ne pensons pas que l’occident vaut mieux que l’Afrique. Nous pouvons faire de l’Afrique l’Eldorado que nous revons tant.
    Nous avons des valeurs sociales et culturelles que l’occident n’a pas.

    Je crois toujours que l’Afrique s’en sortira un jour et sera un havre de paix et de bonheur pour tout le monde entier.

    Dieu est juste...
    Charly

    • Le 17 février 2022 à 18:05, par Ka En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

      Merci Charly : Car, aujourd’hui plus qu’hier, le mythe Sankara est plus vivant que jamais. Il a défié le temps à tel point que l’enfant de tout un continent paraît aujourd’hui comme le chemin, pour beaucoup de Burkinabè et de jeunes Africains. Mais force est de constater que même si ses idées sont toujours célébrées, l’homme n’a apparemment pas encore eu d’héritier politique à sa taille, capable de chausser ses bottes et se hisser à la hauteur des espoirs qu’il avait suscités.

  • Le 17 février 2022 à 17:11, par koh En réponse à : Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

    l’introduction me semble ambigüe. Si quelqu’un peut m’éclairer. car je ne vois pas le lien entre le coup d’état de sankara en 83 et l’insurection des 30 et 31 octobre 2014. il y a le coup d’état de djendéré.

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