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Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

Publié le dimanche 13 février 2022 à 12h00min

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Décision du Conseil constitutionnel :

Dans cette tribune, le journaliste Adama Ouédraogo, dit Damiss, répond à la sortie du Pr Soma sur la décision du Conseil constitutionnel de valider Paul Henri Sandaogo Damiba en tant que président du Faso. Pour lui, le Pr Soma pose la problématique de l’application du droit à géométrie variable dans notre pays

Voici l’intégralité !!!

Nous payons le prix de nos compromissions individuelles et collectives.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la publication du Pr Abdoulaye Soma qui qualifie de « catastrophe constitutionnelle » la décision n°2022-004/CC du Conseil constitutionnel portant sur la « dévolution des fonctions de Président du Faso. au lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba ».

En sa qualité de spécialiste du droit constitutionnel, il est de bon ton qu’il éclaire l’opinion publique sur le sujet. De ce point de vue, il n’y rien à lui reprocher puisqu’il est dans son rôle. Cependant, les critiques du Pr Soma posent la problématique de l’application du droit à géométrie variable dans notre pays.

En effet, en fin octobre 2014, une insurrection populaire a contraint le président Blaise Compaoré à rendre le tablier. Dans sa lettre de démission, le président du Faso d’alors a indiqué qu’il faut faire application de l’article 43 de la Constitution qui stipule : « En cas de vacance du pouvoir de la présidence du Faso pour quelque raison que ce soit, ou d’empêchement absolu ou définitif, constaté par le conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement, les fonctions du Président du Faso sont exercées par le Président de l’Assemblée nationale »

Cette disposition a été piétinée au motif d’une part, que c’est le gouvernement qui doit saisir le Conseil constitutionnel pour constater la vacance du pouvoir alors que l’Exécutif avait été dissous par Blaise Compaoré et d’autre part, que c’est le peuple qui s’est mobilisé pour chasser le président Compaoré et que par conséquent on peut agir selon la volonté populaire. C’est ainsi qu’un Comité a été mis en place pour rédiger une Charte de la Transition en complément à la Loi fondamentale. Le Président Michel Kafando a été choisi sur appel à candidature et installé comme Président du Faso.

A partir du moment où on a fait un arrangement juridique et constitutionnel en 2014 sous prétexte que c’est le peuple qui en a décidé et que le Conseil constitutionnel a validé le processus, que peut-on espérer encore de cette institution ?
Quelle différence y a-t-il entre des opposants qui mobilisent la rue et manipulent certains manifestants pour incendier des biens publics et privés en vue de renverser un président démocratiquement élu et des militaires qui prennent des armes pour déposer un chef d’Etat démocratiquement élu ?

Dans un cas comme dans l’autre, on a fait usage de la violence, seuls les moyens utilisés dans l’expression de cette violence sont relativement différents. D’ailleurs, le coup d’Etat des jeunes officiers des Forces armées nationales n’est en rien comparable aux manifestations des 30 et 31 octobre 2014. En dehors, des tirs sur les véhicules de l’ex-locataire de Kosyam qui a fait des dégâts matériels et des blessés dont des cas graves à déplorer, il n’y a pas eu d’incidents majeurs. Or, l’insurrection de 2014 a occasionné de nombreux morts, des blessés et des incendies de domiciles.

Autant on peut dire qu’en 2014 c’est la volonté du peuple qui s’est exprimée ; autant on peut soutenir que le putsch du 24 janvier 2022 répond à la volonté populaire. Dès lors que le Conseil constitutionnel a validé tous les actes de rafistolage juridique en 2014, il n’y a aucune raison que les juges constitutionnels ne fassent pas la même chose aujourd’hui pour valider les actes du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).

Je suis d’accord avec le Pr Soma lorsqu’il dit que le Conseil constitutionnel a tué le droit et la démocratie mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Il ne reste qu’à organiser des funérailles nationales dignes de son rang.

En réalité, nous payons tous, individuellement et collectivement, le prix de nos compromissions. Comme l’a écrit leBâtonnier Mamadou Sawadogo, dans la préface de mon livre intitulé : Le chemin de croix d’un prisonnier politique : « La vérité, c’est qu’il faut refonder la justice burkinabè, voire la société burkinabè, qui souffre du népotisme, du trafic d’influence et de l’affairisme dans tous les secteurs de la vie sociale. Nous fermons les yeux quand il s’agit de nos amis, mais dénonçons avec force lorsque les mêmes faits sont commis par des personnes qui ne présentent pour nous aucun intérêt. La République doit être fondée sur l’égalité de tous devant la loi ». Voici la triste réalité dans notre cher Faso.

Nous sommes tous coupables. Acceptons donc souffrir de cette décision du juge constitutionnel sur la « dévolution des fonctions de Président du Faso au lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba ». Allons de l’avant seulement pour la construction de notre pays.

Adama Ouédraogo dit Damiss

Journaliste et écrivain

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Vos commentaires

  • Le 13 février 2022 à 18:01, par Mechtilde Guirma En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Depuis le coup d’État, je ne faisais qu’observer les choses. À l’article du professeur Soma, je me suis réservée de répondre, tout simplement n’ayant pas eu à exercer dans ce domaine, je ne pouvais qu’observer. Mais voilà Mr Adama Ouédraogo dit Damiss qui me donne la parole :

    Je suis d’accord avec le Pr Soma lorsqu’il dit que le Conseil constitutionnel a tué le droit et la démocratie mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Il ne reste qu’à organiser des funérailles nationales dignes de son rang.

    Je voudrai ajouter à cela, que la Société Occidentale s’est formée à Partir de l’histoire de la Rome antique. Et nous avons oublié que, qu’on le veuille ou non, les courants démocratiques, qu’ils soient occidentaux ou partout ailleurs, nous avons, ne serait-ce que par mimétisme de l’Occident hérité aussi de la « Rome sénatrice ». Et mieux, cela je vais peut-être étonner un peu, à quelques nuances près, nous us et coutumes, nos traditions, ont en fait également, ce lien ombilical avec la Rome antique.
    Bref qu’avait Rome en matière de démocratie en particulier ? En effet, arrivé à un système de blocage comme nous l’avons maintes fois expérimenté, dans la Rome antique, on nommait un général à qui on lui confiait tous les pouvoirs dictatoriaux pour rétablir l’ordre. Une fois sa mission terminée, il remettait armes et butins aux gouvernants et reprenait sa place.

    Par ailleurs Mr. Ouédraogo précise :

    « Comme l’a écrit leBâtonnier Mamadou Sawadogo, dans la préface de mon livre intitulé : Le chemin de croix d’un prisonnier politique : « La vérité, c’est qu’il faut refonder la justice burkinabè, voire la société burkinabè, qui souffre du népotisme, du trafic d’influence et de l’affairisme dans tous les secteurs de la vie sociale. Nous fermons les yeux quand il s’agit de nos amis, mais dénonçons avec force lorsque les mêmes faits sont commis par des personnes qui ne présentent pour nous aucun intérêt. La République doit être fondée sur l’égalité de tous devant la loi ». Voici la triste réalité dans notre cher Faso. »

    Pour moi c’est clair, il n’y a plus rien à dire. Sauf qu’il y a un volet qu’il a peut-être oublié mais exprès parce que cela semble y aller de soi. En effet, je veux parler du système éducatif :
    Dans un élan de nationalisme outrancier, nous avons effectué des réformes de l’école en éliminant beaucoup d’ aspects de l’histoire de l’Occident au profit de nos propres cultures. Pour ma part, la refondation de l’éducation en la matière, suppose qu’il serait peut-être judicieux de reprendre entièrement les programmes (y compris la littérature) d’avant les indépendances de nos pays du joug de la colonisation, en y injectant parallèlement aussi ceux de la culture. Ceci est important, parce que cela permettra plus tard aux enfants et d’une part d’avoir les coudées franches de la souveraineté nationale dans les négociations internationales et à parité égale, et d’autre part de pouvoir faire le discernement du faux et du vrai, afin de les aider à avoir un pied ferme sur la terre natale, même quand il s’agit d’aller étudier ou servir ailleurs, comme jadis d’ailleurs avec nos aînés. Et cela doit commencer avec la maternelle. À ce sujet je n’en dis pas plus pour avoir tant discuté dans le forum. Je veux tout simplement rappeler, qu’il ne faut jamais jeter l’eau de bain avec le bébé.

    • Le 16 février 2022 à 06:30, par Hess En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

      Pour l’école, ça serait peut-être mieux d’augmenter plus de notre culture nationale et africaine et compléter plus tard dans la formation des élites civiles et militaires par ce que vous dites... Grèce, Rome, Arabo-musulman, Asiatique... Cette partie manque visiblement d’où ce qui a précédé et ce coup d’Etat. Les enjeux sont tels que chacun aurait mieux fait de donner son maximum dans son domaine et à sa place.

      Pour le reste, disons que l’opinion de M. Damiss en la matière n’a aucune valeur dans un domaine si complexe tel le Droit.

  • Le 13 février 2022 à 18:22, par HUG En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Voila un accompagnant des putschistes de 2015 qui veut nous parler de droit.Un nostalgique de l ivoirien blaise compaoré.

  • Le 13 février 2022 à 19:11, par Yako En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    " Michel Kafando a été choisi sur appel à candidature et installé comme Président du Faso"
    " Quelle différence y a-t-il entre des opposants qui mobilisent la rue et manipulent certains manifestants pour incendier des biens publics et privés en vue de renverser un président démocratiquement élu et des militaires qui prennent des armes pour déposer un chef d’Etat démocratiquement élu ?"
    Voilà des bonnes questions que tout citoyen sensé se les pose et conclusions qu’il peut en tirer. Pour ma part, l’adage dit que qui ment une fois mentira une 2ème fois...Si le putsch de 2015 avait réussi le général Djiendiere serait investi en bonne et due forme selon le même principe de la loi du plus fort. C’est pourquoi et dans un souci de cohérence tous ces détenus accusés pour attentat à la sûreté de l’état doivent être libérés partant des protagonistes du putsch de 2015 à ceux du LC Zoungrana.( jurisprudence créée par le conseil constitutionnel oblige)Pour la simple raison que les élites ont menti voire tordre le coût au droit.En fin, de toute façon on est obligé de mettre tout à plat pour la refondation du nouveau burkina.

  • Le 13 février 2022 à 19:15, par Eugène En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Oui, nous sommes tous et toutes coupables. Mais relevons quelques différences significatives dans les 2 cas. D’abord, en 2014, Blaise avait dissoud le Gouvernement avant sa démission or cette fois-ci, c’est le MPSR qui a dissoud le gouvernement et l’assemblée nationale puis a suspendu la constitution. Ensuite, le Président Kafando a été choisi sur appel à candidature contrairement au Lit Colonnel Damiba qui a été installé de force par un groupe de militaires. Sans être spécialiste du droit, cest 2 points font toute la différence entre les évènements de 2014 et 2021.
    La question qui me reste sans réponse, avons-nous vraiment besoin de prestation de serment du Président Damiba pour qu’il soit légitime encore plus conduire la transition et relever les défis du Burkina ? C’est déjà bien les actes qui sont pris jusque-là mais laissons les démarches protocolaires et allons vite aux actions vigourouses. Les terr*rist€s continuent de sévir.

  • Le 13 février 2022 à 19:52, par MAIGA Issouf En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Monsieur D’amis,merci et encore merci pour votre franc parler.
    Nous avons passé tout le temps a escamoté l’histoire de notre pays pour nos intérêts égoïstes.
    L’ insurrection de 2014 on en parle très peu,alors beaucoup de Burkinabés ont été victimes de vandalisme, de tueries, d’incendies, de menaces.
    Et pourtant on en parle très peu,. Et pourtant tôt ou tard li faut que notre justice élucide cette affaire.
    Les commanditaires sont là et sont connus de tous.
    Une fois de plus merci, Monsieur D’amis.

  • Le 13 février 2022 à 21:01, par Maxence En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    La situation présente est assez différente de celle de 2014. En 2014, c´est la Constitution elle-même qui était en cause. Le président Blaise avait interné les députés de son parti et ils s´apprêtaient, dans la matinée-même , à modifier la Constitution, notamment en son article non modifiable. Une main était levée, armée d´un poignard, prête à poignarder la Constitution. L´intention vaut l´acte et ici il y avait plus que l´intention. La demande de modifier la Constitution était faite par le gouvernement et les députés du parti majoritaire, y compris le président de l´assemblée nationale, étaient prêts à le faire. Du coup, et président Blaise, les membres
    du gouvernement et les députés de la majorité d´alors étaient disqualifiés pour la suite. Le président de l´assemblée nationale était donc disqualifié pour succéder au président Blaise.
    Le président Rock n´a commis aucune illégalité. Ni lui ni son gouvernement ni sa majorité parlementaire n´a commis la moindre illégalité. Pour succéder au président Rock "démissionnaire", nous avons la Constitution

  • Le 14 février 2022 à 07:43, par Sanou En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Dommage de le dire mais monsieur Damis n’a rien compris de ce que le Pr. Soma a expliqué. À l’évidence, il lui sera difficile de comprendre, il n’en a pas le niveau. Il y a une grande différence entre le processus ayant conduit à l’installation de Kafando et ce que le Conseil constitutionnel veut faire. Le message du Pr. Soma voulait attirer l’attention de la différence entre deux sortes de saisines, l’une aboutissant à la l’installation d’un pouvoir contestable. Damis fait l’amalgame sans comprendre.

  • Le 14 février 2022 à 11:08, par Blamako En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Merci au Pr Soulama et à Damis.
    Maintenant nous paysans et ouvriers demandons de juger tous ceux où celles qui ont volé ce pays. Il sont connus. Revoir le salaire des enseignants des universités publiques et des magistrats. Faire l audite dans nos universités publiques et vous verrez que des enseignants titulaires s occupent ailleurs que dans nos universités. Nos enfants sont abandonnés à la faveur des enfants des riches dans les universités privées. Nous exigeons l audite sans complaisance du personnel de nos universités.
    Bon vent au Président.

  • Le 14 février 2022 à 11:25, par Blamako En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Monsieur le Président de la République, Chef de l État.
    Je viens par ce message vous demander de bien vouloir procéder à l audite de la gestion de nos mines et d examiner la nationalisation de ces mines. Il faut renforcer le ministère des Mines et de l environnement et nous débarrasser de tous les poids morts à la solde des compagnies minières. Revoir la mission du BUMIGEB très sérieusement et mettre les hommes et les femmes qu il faut aux postes stratégiques. Bien étudier le rajeunissement du personnel au niveau du ministère des Mines, au niveau du BUMIGEB, et du développement des sciences de la terre à l universités de Ouagadougou.
    Bon vent

  • Le 14 février 2022 à 11:46, par Blamako En réponse à : Décision du Conseil constitutionnel : "Acceptons de souffrir de cette décision", analyse Adama Ouédraogo dit Damiss

    Bonjour chers compatriotes.
    Je souhaite de tout cœur que les entreprises nationales pourront désormais travailler. On assiste impuissant à la mort du privé local à la faveur des entreprises étrangères malgré la compétence de nos enfants. Des valets locaux préfèrent s enrichir avec leurs amis français et autres au détriment du peuple. Il faut promouvoir l expertise nationale avec implication de toutes les filles et fils dans la gestion sans discrimination et ce, sur la seule base de la compétence. Punir sévèrement la corruption dans la passion du marché public. Le gré à gré doit être banni.
    Bon vent à la République.

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