LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Léontine OUEDRAOGO, artiste comédienne : "Pourquoi les bailleurs de fonds ne nous aident pas"

Publié le jeudi 9 juin 2005 à 07h55min

PARTAGER :                          

Ayant fait ses armes sur les planches, Léontine OUEDRAOGO s’est révélée au grand public avec l’émission « Vis-à-vis » puis elle a crevé l’écran avec « Kadi jolie ». « Mme Chrisostome », « Nora », « Mme Générique », tous ces différents noms collés à Léontine OUEDRAOGO font la preuve qu’elle joue bien ses rôles.

Mais un vrai rôle à la hauteur de son talent artistique semble se refuser à elle au grand écran. L’espoir est permis assure-t-elle, tout en se battant pour faire vivre le festival « Voix de femmes » dont elle est la directrice. Nous avons rencontré Léontine OUEDRAOGO entre rires et sérieux.

Comment va l’artiste que vous êtes ?
Léontine OUEDRAOGO (L.O) : Dieu merci, je vais bien ; sur le plan artistique je viens de boucler une tournée dans l’Ile de la Réunion et j’ai embrassé une nouvelle profession qui est la délégation médicale. Nous venons aussi de terminer la 4e édition du festival « Voix de femmes » à Ziniaré.

De l’art à la délégation médicale est-ce le fruit du spot sur les médicaments essentiels génériques ?
L. O. : Oui le spot sur les génériques a contribué et aussi celui sur les médicaments de la rue et le spot « 100 jours pour convaincre ». Tout cela a convaincu l’opinion publique et certains pensent que je fais partie de la santé. Pour la petite histoire, j’ai reçu dans le centre d’accompagnement pour jeunes que j’anime, des gens qui voulaient des ARV parce qu’ils m’ont vu et entendu parler des structures d’accompagnement dans « 100 jours pour convaincre ». Cela m’a touchée et en voulant aider ces gens, je me suis rendue compte que les structures étaient les sortes de clubs où il faut des « bras longs ». C’est ainsi que sur les conseils d’un ami, j’ai décidé d’être déléguée médicale afin de pouvoir venir en aide aux malades.

Vous tournez beaucoup, ça doit marcher pour vous sur le plan artistique ?
L.O : Oui on peut le dire ainsi. Quand j’ai abandonné l’enseignement en 1998, j’ai pu faire partie de 4 grands projets qui m’ont fait tourner hors du Burkina. C’est ce qui m’a permis de subsister jusqu’à présent. Seulement voilà, mes filles sont en train de grandir et je n’ai aucune envie d’être grand’mère tout de suite. Je veux rester près d’elles pour les aider à surmonter la crise d’adolescence.

A vous voir, on n’a pas l’impression d’être en face d’une future grand’mère ; quel est votre secret ?
L.O. : Je ne vais pas vous dire mon âge mais j’ai dépassé la quarantaine. Mon secret c’est de n’abuser de rien, ni alcool, ni aliment, ni sexe. Il ne faut rien abuser dans la vie et toujours être en activité. Si je fais deux semaines sans sport je ressens des lourdeurs.

Quel sport faites vous ?
L.O. : « La gym danse », avec un walk-man. Je danse et cela maintient.

Comment vont les choses avec l’association « Talents de femmes » ?
L.O. : Il faut souligner que certains confondent « Talents de femmes » avec le festival « Voix de femmes ». L’association mère est « Talents de femmes » avec une présidente, et le festival est une entité à part entière avec moi comme directrice. « Talent de femmes » vit cahin-caha, nous avons perdu la moitié des membres parce qu’il manque de l’argent pour mener les activités. Au départ beaucoup de nos membres avaient une profession bien déterminée dans la vie. Maintenant ce n’est plus le cas et nous avons aussi nos foyers ; tout cela a concouru à disperser les membres. Il y a une au Ghana, notre première présidente est à Bobo, Mimi GLEZ a la tête dans Jovial production, Odile SANKARA est en France. En vérité, c’est parce que nous n’avons pas eu de l’argent que tout cela est arrivé.

Lequel de vos multiples noms d’artiste vous plait ?
L.O. : Mon nom est Léontine OUEDRAOGO, c’est tout.

Quel souvenir gardez-vous de « Kadi Jolie » ?
L.O. : Je retiens de la série « Kadi Jolie », la joie, le rire, la gaieté. On s’amuse bien et c’est pour moi une des rares fois où un réalisateur fait aussi bien dans la gaieté.

Est-ce une critique envers les réalisateurs qui font des films assez constipants ?
L.O. : Je trouve qu’en général, nos films sont assez constipés. Ils n’arrivent pas toujours à nous faire oublier nos problèmes.
On a l’impression que les réalisateurs s’acharnent sur les problèmes de développement, de ceci ou de cela sans une bonne dose de gaieté. J’ai fait le théâtre-forum et je mesure l’importance de traiter les problèmes de développement mais il ne faut pas oublier le bol d’air respiratoire. C’est cela que le réalisateur de Kadi Jolie a trouvé. Les réalisateurs peuvent bien parler de nos problèmes de façon agréable.

Malgré votre talent, on ne vous a pas encore vue dans un vrai rôle au grand écran, qu’en dites-vous ?
L.O. : Peut-être que je n’ai pas une tête à jouer dans les longs métrages. Je dis merci à Abdoulaye DAO qui est allé me chercher à l’ATB (Atelier théâtre burkinabè) pour faire de moi une comédienne de cinéma dans le film « Keniya sira », un film de sensibilisation sur la vaccination. Il m’a fait jouer dans « Vis-à-vis » ; c’était mes grands débuts pour le public. Et tout est parti avec « A nous la vie », « Kadi Jolie ». J’ai fait de la figuration dans « Ouaga saga » de Dany KOUYATE. C’est tout. Je me dis que ma tête n’est pas faite pour les longs métrages ; on ne me fait pas appel.

Peut-être que vous coûtez trop chère ?
L.O. : Non et non, les réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé peuvent témoigner que je ne pose jamais la question du cachet. On me dit, vient tourner et je le fais, c’est à la fin qu’on me tend une enveloppe et je la prends. Je suis du milieu et je sais quelles sont les difficultés financières. Je joue pour le plaisir et je prends la somme que le réalisateur estime me revenir. S’il y avait des textes qui indiquaient les barèmes on pouvait discuter au cas où le réalisateur voudrait descendre en dessous du barème. Mais en l’absence de cela, on fait avec ce qu’on nous donne, la passion et le plaisir font le reste.

Comment s’est passé le festival « Voix de femmes » à Ziniaré ?
L.O. : Très bien. C’est depuis 2003 que nous avons voulu faire cette 4e édition et pour des raisons de financements il a fallu attendre 2005. Il faut révéler que l’un de nos soutiens est le PSIC. Le Kadiogo a englouti les 2/3 du budget du 1er PSIC. Il fallait donc sortir du Kadiogo pour bénéficier du PSIC et ensuite le Burkina est à l’heure de la décentralisation ; tout cela réuni nous a poussées vers Ziniaré. Le festival a été un franc-succès, les autorités et les populations nous ont accompagnées. Les recettes du festival reviennent aux femmes qui font l’art et la culture à Ziniaré, c’est aussi notre contribution.

Pourquoi votre voix n’est pas écoutée par les bailleurs de fonds ?
L.O. : On ne comprend pas. Nous avons toujours tapé aux portes pour des soutiens malheureusement elles ne s’ouvrent pas. La Coopération française ne nous a jamais donné un kopeck alors que le CCF nous soutient. Je ne sais plus le nombre de projets que nous avions adressés à la Coopération française mais elle n’a jamais réagi. Nous avons initié des prix littéraires et tenez-vous c’est la Coopération italienne qui nous a aidées ; entre elle et la Coopération française, qui parle le français ? Nous cherchons toujours à comprendre pourquoi les bailleurs de fonds ne nous aident pas.

Quels conseils donnerez-vous à de jeunes artistes ?
L.O. : Le premier conseil est l’instruction, l’éducation. Il faut travailler à l’école et l’art sera un plus.

On dit des femmes qui sont artistes qu’elles ne sont pas sérieuses ; qu’est-ce que cela vous inspire ?
L.O. : Cette légèreté dont on parle n’est pas imputable aux femmes artistes. Quand une jeune fille est mal éduquée ou qu’elle n’a pas voulu respecter les conseils de ses parents, elle sera une femme légère même si elle n’est pas dans l’art. le fait d’être artiste ne rend pas une femme légère ; c’est dans la façon de voir la vie de chacun. Je connais beaucoup de femmes artistes qui ne sont pas légères. Le fait d’être des femmes publiques avec beaucoup de fans ne doit pas être confondu à de la légèreté.

Comment gérez-vous votre popularité ?
L.O. : Ce n’est pas facile. Je voulais que mes filles soient des artistes mais je me suis ravisée. Je ne pense pas que les autorités politiques soient autant agressées que nous les artistes. Les gens ont envie de discuter tout le temps avec vous, de vous toucher et même vous font des propositions indécentes. Je n’ai pas envie d’exposer mes filles à cela.

Votre époux est écrivain, auteur de « On a giflé la montagne », comment se font les échanges artistiques entre vous ?
L.O. : Nous sommes dans des domaines différents, lui, il est dans la recherche intellectuelle, l’écriture dans le milieu universitaire.
Moi je suis très petite pour me mêler de ça. Il écrit aussi des pièces de théâtre et quand il me donne des conseils par rapport à un personnage, je les lui donne.
Quand le personnage est mou, je le dis.
Mon époux est un philosophe, il est dans l’abstraction ; au théâtre, cela ne marche pas beaucoup. On se complète sur le plan du théâtre.

par Issa SANOGO
L’Opinion

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 9 juin 2005 à 15:23, par Sorya En réponse à : > Léontine OUEDRAOGO, artiste comédienne : "Pourquoi les bailleurs de fonds ne nous aident pas"

    Cette charmante personne a été ma prof de français au collège Wend manegda.
    A l’époque elle était tellement sévère que pendant ses cours on entendait les mouches voler.
    Elle était une grande adepte des dictées et autres intérrogations surprises et là je peux dire qu’elle n’y allait pas de main morte.
    Elle savait très bien utiliser le baton qui lui servait de chicotte...
    Je lui souhaite bon vent pour la suite.

    Une ancienne élève de Mme Léontine Ouédraogo

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique