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« S’il le faut, nous nous donnerons les moyens d’interpeller Maroc Télécom sur la situation qui prévaut à l’ONATEL », Soulemane So, secrétaire général du SYNATEL

Publié le mercredi 28 septembre 2016 à 23h50min

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 « S’il le faut, nous nous donnerons les moyens d’interpeller Maroc Télécom sur la situation qui prévaut à l’ONATEL », Soulemane So, secrétaire général du SYNATEL

L’Office national des télécommunications (ONATEL) traverse, depuis quelques jours, une crise liée à un mouvement d’humeur de ses agents. Une situation qui a des répercussions sur les prestations de l’entreprise et qui alimente, de ce fait, les causeries au sein des populations. A travers cet entretien, le secrétaire général du Syndicat national des télécommunications (SYNATEL), Soulemane So, en dit un peu plus sur ce bras de fer qui oppose le personnel à la direction générale.

Lefaso.net : Depuis quelques jours, le torchon brûle entre la direction générale et le personnel. Concrètement, quelle est la pomme de discorde ?

Soulemane So : C’est la mauvaise gestion de l’entreprise depuis sa privatisation qui est dénoncée, décriée par les travailleurs. Et nous pensons qu’un audit des dix ans de privatisation de l’ONATEL permettrait de connaître les tenants et les aboutissants qui ont fait perdre à l’Etat, plus de six milliards FCFA. Pour en venir au dernier élément qui a occasionné ce mouvement d’humeur, nous disons que c’est une attitude de mépris, de non-considération que le directeur général a eue à l’endroit des travailleurs concernant les négociations sur la plate-forme déposée après le XVIII congrès ordinaire.

De quoi est-il question dans cette plateforme ?

Soulemane So : La plateforme revendicative résume les préoccupations de l’entreprise. Il y a des points qui portent sur la gestion elle-même de l’ONATEL, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. En ce qui concerne le premier point, nous demandons à la direction générale de permettre à l’ONATEL de survivre à la concurrence. Ce qui passe nécessairement par la dotation des travailleurs en outils de travail, en matériels logistiques et en équipements conséquents pour pouvoir effectuer convenablement leur travail. Aujourd’hui, dans le secteur de la télécommunication, nécessairement, si vous voulez être compétitif, il faut investir en achetant des équipements performants mais également en donnant la formation aux travailleurs et en dotant le personnel d’outils de travail. Donc, le premier point de la plateforme porte sur ça.

Vous avez d’autres points qui parlent également de l’externalisation que nous constations dans les entreprises de télécommunications. Pour notre part, nous estimons que pour les métiers permanents, il faut plutôt recruter des gens et leur donner du travail décent au lieu de les externaliser et se retrouver avec des gens qui, non seulement, ne sont pas à la hauteur des efforts qu’ils peuvent produire, mais également pour lesquels on ne peut pas avoir une garantie de sécurité liée à la précarité du travail.

Nous avons l’autre volet important qui est l’amélioration des conditions de vie et de travail. A ce niveau, nous avions deux points qui portent sur la rémunération, notamment la refonte de la grille salariale et l’augmentation de salaire. Malheureusement, sur ces points également, le directeur général reste jusqu’à présent très évasif et il nous avait demandé 45 jours au moins pour pouvoir mener une étude. Il a reçu les résultats de l’étude mais c’est pour s’asseoir discuter avec les travailleurs, qu’il trouve d’autres préoccupations qui sont plus urgentes. Et c’est ce que les travailleurs n’arrivent pas à comprendre et qu’ils dénoncent à travers ce mouvement d’humeur.

Pourquoi avoir attendu tout ce temps avant d’entreprendre une telle action ?

Soulemane So : Non, notre lutte ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2006, nous avons toujours dénoncé la mauvaise gestion de l’entreprise. En 2008, nous avons été en sit-in, même d’une durée plus longue que ce présent sit-in pour demander les mêmes choses. Egalement, nous avons approché les autorités et nous avons produit un mémorandum qui a été adressé au Premier ministre en son temps, Luc Adolphe Tiao. Par ailleurs, en 2011, nous nous sommes battus pour dire que les problèmes qui n’ont pas trouvé de solution en 2008 doivent nécessairement être résolus. Malheureusement, on a trouvé des semblants de solutions pour une partie de la plateforme et on nous a convaincus qu’il allait y avoir des négociations par la suite sur une partie qui était la plus importante des préoccupations. Hélas, il n’y a jamais eu ce respect d’engagement pris par la direction générale dans la convention. Nous avons encore mené des actions. Mais, comme vous le savez, les travailleurs ont des pouvoirs qui sont limités, en ce sens que souvent ils vont vous dire de vous contenter de réclamer l’amélioration des conditions de vie parce que la direction est l’affaire de ceux qui détiennent le capital. Nous disons non, car si l’entreprise doit péricliter aujourd’hui, les premiers qui vont en souffrir ce sont les Burkinabè, en commençant, bien entendu, par les travailleurs que nous sommes.

Certains vous accusent de n’avoir pas déposé de préavis de sit-in …

Soulemane So : C’est vrai, il faut déposer un préavis. Mais pour ce mouvement d’humeur, nous n’avons pas eu le temps de le faire parce que le directeur Mohamed Naîni ne nous a pas laissé le choix. Nous sommes déterminés à nous battre aux côtés des travailleurs pour que le directeur général revienne à la table des négociations.

Et cela pour combien de temps ?

Soulemane So : Le temps qu’il faudra.

Avez-vous conscience de l’impact de votre action sur le citoyen lambda ?

Soulemane So : Oui, nous avons conscience que le sit-in en cours a des effets sur nos clients. Mais, la population doit comprendre que la responsabilité incombe au premier gestionnaire de l’entreprise qui doit nécessairement résoudre le problème qui prévaut à l’ONATEL. Les travailleurs ne demandent même pas qu’il y ait une satisfaction totale sur tel ou tel point de leurs revendications, ils demandent juste que le directeur général entame une franche négociation avec leurs responsables. C’est à l’issue de cela qu’on pourra finalement décider s’il faut lever le sit-in ou pas. Toutefois, nous sommes ouverts au dialogue. Par ailleurs, nous tenons à rassurer nos clients que toute panne qui viendrait à survenir n’est pas due à l’action des travailleurs. Les pannes surviennent chaque jour, même quand nous sommes en activité (…).

… En termes financiers ?

Soulemane So : Seule la direction générale est en mesure de répondre à cette question. Mais, ce qui est sûr, rien ne peut se gagner, syndicalement parlant, sans consentir à des sacrifices. Aujourd’hui, nous sommes conscients que nous sommes dans la concurrence mais est-ce pour autant qu’il faut se laisser endormir ? Certainement pas !

Mais ne craignez-vous pas une réaction de l’opinion ?

Soulemane So  : Si ! Et c’est d’ailleurs pourquoi nous interpellons la population car, la lutte que nous sommes en train de mener n’est pas seulement pour les Burkinabè qui travaillent à l’ONATEL mais pour tous les Burkinabè. Nous sommes leurs yeux dans l’entreprise. Par conséquence, ils doivent nous soutenir, de sorte à ce qu’on puisse vraiment arriver à ce que cette mauvaise gestion prenne fin et qu’il y ait la dignité burkinabè qui s’exprime à l’ONATEL. J’insiste, le tort qu’ils sont en train de faire au Burkinabè (parce qu’ils sont Burkinabè dans l’entreprise), doit être même une préoccupation pour l’ensemble de la population. L’Etat aussi doit prendre ses responsabilités. Car, elle (entreprise) est en train d’être vidée de sa substance. La qualité du service se dégrade, les clients souffrent avec les services de l’ONATEL. Il n’y a plus d’embauches, les compétences locales sont brimées et nous avons des présomptions de fuite énormes de capitaux. Nous sommes conscients que l’entreprise a été privatisée, mais le peuple burkinabè a toujours 26% de part d’actions. Rien que pour cela, il a son mot à dire.

Est-ce que vous êtes entrés en contact avec votre ministère de tutelle pour une sortie de crise ?

Soulemane So : La réponse est oui. Notre ministère de tutelle nous a rencontrés, le vendredi dernier pour s’enquérir vraiment de ce qui se passe à l’ONATEL. Et sans détour, nous lui avons fait le point. Toute chose qui a permis de lever certains points de blocage. Il est question notamment de la remise d’une copie du rapport intégral au SYNATEL par la direction générale. Egalement, le ministère est resté dans cette dynamique et nous a rencontrés le 27 septembre pour encore inviter la direction générale à accepter venir sur la table de négociations pour permettre le déblocage total de la situation. Mais, c’est le directeur général qui a opposé un mutisme sinon, nous pensons que le ministère (ministère du développement de l’économie numérique et des postes) a fait des démarches qui pouvaient permettre à ce qu’on sorte de cette situation.

Qu’envisagez-vous, si toutefois vous n’êtes pas entendus par votre premier responsable ?

Soulemane So : Au niveau syndical, nous avons plusieurs moyens de lutte. Actuellement, c’est un sit-in. Il y a aussi la possibilité d’aller en grève, de manifester publiquement sur la voie, interpeller la population encore une fois et le gouvernement sur ses responsabilités. Tout cela reste des perspectives à envisager et on se donnera les moyens d’interpeller même Maroc Télécom sur la situation qui prévaut à l’ONATEL.

Votre mot de fin ?

Soulemane So : Nous savons que le mouvement que nous menons actuellement a des conséquences sur les populations. Nous nous en excusons et demandons leur compréhension parce que, nous sommes en train de mener un combat pour la dignité des Burkinabè au sein de l’entreprise. Si cela venait à aboutir, ça permettra à ce qu’on puisse faire des recrutements pour offrir de l’emploi aux jeunes. Si Maroc Télécom respecte ses engagements contenus dans le contrat de cession, effectivement il pourra donner du travail aux jeunes. Nous sommes en train de mener un travail dans lequel l’Etat tout entier va retrouver sa dignité parce que, tel que ça se passe, c’est comme si le gouvernement qui a des parts dans l’entreprise n’a aucune possibilité d’interpeller tel ou tel acteur de la direction.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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