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Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

Publié le mardi 5 juillet 2016 à 19h16min

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Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

Pour les citoyens de ma génération, nous sommes témoins actifs d’une expérience démocratique qui dure 25 ans maintenant. Trois dimensions essentielles se dégagent de cette aventure démocratique somme toute vacillante : sa longévité, son élargissement jusqu’au niveau local et son approfondissement, mon propos va s’appesantir sur le dernier aspect c’est-à-dire le niveau d’approfondissement pour lequel tout le monde s’accorde à reconnaitre que la tendance est plus à l’insatisfaction et cela se vérifie en premier, de mon point de vue, par la participation citoyenne.

En effet, pendant un quart de siècle, des opérations électorales organisées à coût de milliards, sont censées permettre le choix des hommes et des femmes investis de hautes fonctions en lien avec le destin national. Malgré l’intérêt national stratégique sinon vital de ces élections, le constat est peu reluisant voire alarmant, en termes de taux de participation aux différents scrutins.

Qu’entendons-nous dire, ça et là ? Que de considérations et de suppositions, que d’allégations et d’incriminations qui motivent telle opinion, telle décision : « Je ne vote pas, je ne suis d’aucun parti politique, ils m’ont déçu, ils sont tous pareils, ils ne vont rien foutre, ils n’ont qu’une seule idée en tête : détournements, corruption, abus de pouvoir, favoritisme, ils veulent rouler dans des grosses cylindré, résider dans des habitats de luxe, envoyer leurs enfants étudier à l’extérieur en spoliant l’argent du contribuable, les aides reçues des donateurs, les prêts contractés qui nous condamnent et condamnent les générations futures, ils ne font rien d’autre que parrainer des cérémonies, des soirées gala, des inaugurations, ils ont la justice avec eux, ils ont la presse avec eux, ils ont les hauts gradés de l’armée avec eux, ils ont les chefs religieux et coutumiers avec eux, tous sont vendus sans exception, tous sont assis sur leur conscience, il n’y a point d’exemple, il n’y a point de morale en politique, on les connaît tous dans ce pays, etc., etc., etc., »

Alors que l’histoire de notre jeune démocratie est très édifiante, elle nous enseigne qu’en politique il n’y a pas de ligne d’arrivée, il y a un chemin sans fin à parcourir et les batailles ne sont pas gagnées par les plus forts ni par les plus rapides mais par ceux qui n’abandonnent jamais. Cette expérience démocratique nous révèle aussi que personne ne peut abuser de notre confiance sans notre consentement, lequel consentement est expressif pour les uns et pour les autres soit à travers leur silence, leur indifférence, leur peur ou simplement leur complicité supposée ou avérée.
Comme le dirait l’autre, un peuple qui se laisse diriger par des voleurs, des imposteurs, des renégats, n’est pas victime mais complice, par conséquent il ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort.

A l’analyse, la plus grande erreur politique, n’est-il pas de croire qu’on vote pour quelqu’un d’autre que pour soi, puisque, me semble-t-il le principe même de la réalité démocratique c’est que le peuple est le pouvoir. Je ne connais point autre type de régime politique à même d’assurer au mieux la poursuite et la réalisation des fins collectives que celui-là qui confère toute la légitimité et toute la souveraineté au peuple.

Seulement voilà 25 ans qu’en dépit de la parenthèse insurrectionnelle on se trompe de posture et de rôle pour conduire le navire dans la direction et à la destination que nous voulons, on se trompe de qui doit rester en veille pendant le chemin à parcourir, on se trompe de qui doit imprimer le rythme voulu par tous à la locomotive. Faut-il se souvenir de ces hommes et femmes d’engagements, de volonté, convaincus qu’aucune transformation vraie ne peut s’accomplir sans douleurs ni sacrifices, et défiant les menaces, les répressions sauvages et meurtrières, ont rongé patiemment et obstinément les troncs d’arbres qui obstruaient le chemin vers l’ancrage démocratique et républicain.

Je ne saurai évoquer meilleur slogan pour élever davantage notre conscience citoyenne en donnant une consistance républicaine à toutes ces luttes et mouvements que celui proposé par le Balai Citoyen « Après ma révolte, mon vote ».

Je ne trouve pas meilleur moyen d’entériner une légitimité populaire dans une démocratie équipée d’un arsenal biométrique que le vote, je parle d’un vote militant, libre et responsable, nourri à la source des valeurs d’intégrité, de dignité. Il n’y a pas non plus meilleure illustration d’hommages aux martyrs, à tous ces héros nationaux qui ont payé de leur vie pour mettre fin au pouvoir des armes et de l’arbitraire que le vote militant, libre et responsable.

Au risque d’être excessif, je saisis le vote comme ce cordon ombilical qui relie le citoyen à la république, en conséquence cette distanciation par rapport au vote ou même sa banalisation constitue on ne peut plus le paradoxe ou la négation de notre insurrection dont l’aboutissement suprême devrait être l’approfondissement de notre démocratie. Mais hélas le fait est qu’en amont et en aval du vote on trouve de moins en moins de citoyens dont le référentiel tient encore à un creuset de valeurs et de convictions qui fondent leur identité sociale et politique, qui consacrent leurs préférences idéologiques.

C’est à se demander si nous ne sommes pas dans une société profondément bouleversée qui se confond de plus en plus au spontanéisme, au spectaculaire, et qui s’abandonne impuissamment sur un fil de rasoir ou au mieux est-ce une société en pleine mutation qui réorganise le comportement humain autour de nouveaux paradigmes dont les tenants et les aboutissants semblent étrangers à toute logique non initiée aux TIC.

Mais de part et d’autre, la préoccupation reste invariable : Où pouvons-nous prétendre arriver lorsque les plus illuminés sur les enjeux de la démocratie se comptent toujours dans la masse « boycottante » ; de quel décollage voulons-nous avec un appareil sans équipage approprié, et pour qu’elle altitude alors que nous avons failli en attitudes.

Carl Gustav Yung en disant ceci : « tu veux un monde meilleur, plus juste, plus fraternel, commence à le faire, fais-le en toi et autour de toi, fais le avec ceux qui le veulent, fais-le en petit et il grandira », nous exhorte à avancer encore d’un pas vers un genre de militantisme qui relève l’esprit du citoyen et le place sur le chemin d’une quête permanente du juste, du vrai, du grand.

A cet effet, un changement de perspectives est nécessaire car pendant longtemps beaucoup ont attendu que la façon de faire la politique change, maintenant il faut réaliser que c’est la politique qui attend qu’on la fasse changer, qu’on la moule à nos nobles idéaux, en changeant notre attitude vis-à-vis d’elle. Naturellement, pour les poli-sceptiques il serait illusoire de croire que par le seul fait d’un engagement massif fut-il d’inspiration patriotique, le combat politique puisse s’ennoblir, la rigueur de mise dans la désignation des personnes aux postes électifs et nominatifs, la sérénité et l’exemplarité retrouvées dans le fonctionnement des institutions républicaines ; je leur rétorque par cette maxime : « la meilleure façon de ne pas avancer est de se laisser dresser par une idée fixe, en agitant ses croyances et ses certitudes pour des vérités absolues, immuables ».

Un parti politique n’est ni plus ni moins qu’un groupe social, dans lequel on trouve des gens bons, des moins bons ; il faut juste veiller à ce que les gens bons soient les principaux catalyseurs, ceux qui impulsent l’espoir et la confiance, et petit à petit les autres vont se rallier car le bon exemple est aussi contagieux que le mauvais pour peu que l’on s’y frotte constamment. Mon intention n’est pas de faire l’apologie d’un unanimisme politique, en encensant tel ou tel courant politico-idéologique mais surtout de regretter cette désertion sans cesse grandissante du champ politique, jadis animé par des citoyens critiques mais aujourd’hui abandonné au caprice d’un groupe de personnes dont certaines en font allègrement un refuge, pis un métier lucratif.
Nul besoin de rappeler que tout pouvoir a besoin d’un contre pouvoir afin de prévenir les dérives et les abus, de diversifier les forces de propositions, de disposer des solutions alternatives, de bannir la pensée unique, cependant le contre pouvoir ne doit pas être l’apanage ou la chasse gardée des seules forces politiques, sociales, économiques, confessionnelles non associées directement à l’exercice du pouvoir en cours ; notre responsabilité citoyenne nous interdit à tous de nous inféoder inconditionnellement à un pouvoir quand bien même nous ayons contribué à le mettre en place.

La veille citoyenne doit s’exercer en permanence, en tous lieux et en toutes circonstances, car qui aime bien châtie bien mais de grâce ne soyons pas débordants de faits et de gestes propagandistes qui perpétuent le désamour politique et nous installent pernicieusement dans un combat d’arrière-garde. Ne dit-on pas qu’avant de jeter l’anathème sur l’autre, assurons nous que l’abîme n’est pas ancré dans notre regard, assurons nous que notre posture est digne d’un moralisateur, d’un prêcheur de valeurs d’intégrité, de vertu, de patriotisme.

Boubacar CISSE
70 37 80 61
boubcis2015@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 5 juillet 2016 à 19:47 En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    27 ans et non 25 ans, nous avons eu droit à une démocratie de façade qui arrangeait tout le monde. Blaise, le beau gosse, a échappé à la Haye au début des années 2000 pour ces guerres civiles en Sierra Léone grâce à l’Oncle Sam et le tonton Chirac. Sinon, il serait à côté de son ami Charles Taylor en train de croupir à la Haye. Mais, quel que soit la longueur du tunnel dans le noir, le jour finit par poindre. Pour dire que le procès Hisseine Habré pourrait faire jurisprudence au BF pour le président, le petit président, Alizet Gando et compagnie... et, ce rapidement...

  • Le 6 juillet 2016 à 00:37, par goohoga En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    Très bonne analyse. j’adhère

  • Le 6 juillet 2016 à 02:03, par Megd’ En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    Au Burkina en particulier et en Afrique en générale, on ne vote pas pour des projets de société ni pour un parti politique, mais plutôt la personne que l’on vote et surtout ce qui est important on vote communautaire.

    Les mossis étant majoritaire éliront toujours une personne de leur sérail. Cela fait mal à certaines personnes de lire de tels propos, mais c’est la stricte vérité. On a insulté Kabore pour rien lorsqu’il évoquait qu’il était ses origines.

    Comment les RSS ont-ils été élus ? C’est grâce à l’exclusion (la loi Sy) sinon, si inclusion, il y avait, Zéphirin serait actuellement le Président du Faso car les voix allaient se disperser au premier tour et au second tour, les partis comme la NAFA et le CDP allaient appeler à voter UPC.

    Comme à son accoutumé Zéphirin ne voit pas jamais le danger arriver et c’est bien dommage pour lui, s’il veut prétendre à la magistrature suprême.

    Présentement, tout est mis en œuvre pour le discréditer avec le CDP, mais ce qu’il ignore, le CDP le lâchera à la première occasion.

    Admettons que Zida rentre au pays et ambitionne de se positionner politiquement. En 2020, il damera le pion à Zeph et celui-ci sera comme Laurent G un "opposant professionnel" du temps de Boigny.

  • Le 7 juillet 2016 à 09:03, par Le citoyen En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    Écoutez, on est tous déçu. Déçu de l’immaturité politique, on a l’impression qu’on a à faire à des parvenus !? Il ne manque qu’on transforme le Burkina en "far ouest". Heureusement que N. Pierre à ouvert les yeux du monde. Il n’y a pas de troupeau à conduire, mais des consciences qui attendent un déclic. Des trois on a du mal a distingué le christ !?

  • Le 7 juillet 2016 à 12:47, par Palinfo En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    Désolé mais c’est pas la démocratie qui a mis fin aux 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré.

    Et malheureusement on a encore des réformes à mener avant d’avoir une démocratie qui pourra VRAIMENT nous permettre de décider de notre futur.

  • Le 7 juillet 2016 à 13:55, par Lionceau En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    D’accord avec Le citoyen internaute 4. Je pense que nous surestimons un peu la maturité politique de nos populations, leurs compréhensions réelles de l’état de droit et du fonctionnement des institutions politiques. C’est ce qui fait dire encore à certains que le modèle politique à l’occidental n’est pas adapté à nos réalités sociales.

    En plus, à mon avis, pour l’insurrection des 30 et 31 octobre, les points commun à l’ensemble des insurgés étaient surtout l’alternance politique, la fin de l’impunité et du pillage des ressources publiques. C’était beaucoup plus des valeurs morales de la vie politique et des hommes politiques qui étaient revendiqués plus que des modèles de société ou d’institution politique.

  • Le 7 juillet 2016 à 14:43, par Dr. Ping En réponse à : Le boycott des élections : Un paradoxe ou une négation de notre insurrection

    Bien vu, M. CISSE ! De 1991-2016,soit en 25 ans, notre supposée démocratie aurait pu mieux fonctionner. Hélas !! Les politiciens nous ont fait voir des vertes et des pures, ainsi est né le désamour. Quelqu’un a dit que tout peuple mérite ses dirigeants. Donc, si le Burkinabè veut que ça change, s’il est vertueux comme il le prétend, qu’il s’engage lui aussi en politique et fasse ses preuves. C’est la réunion des petits pas qui fait le bond. En sus, il faut cultiver et imposer la responsabilité aux politiciens, élus comme nommés. Un élu qui vend son poste, gère mal, détourne, fait tomber un conseil municipal...on le sanctionne aux prochaines échéances électorales, ou on sanctionne le parti. Au prochain rendez-vous, il se tiendra à carreaux ou le parti le mettra au poteau. C’est au peuple de s’imposer, car certains politiciens ne verront jamais plus loin que le bout de leur nez, ou jouerons aux daltoniens. Le Burkina Faso nous appartient, rendons-le viable !!

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