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Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

Publié le mercredi 11 mai 2016 à 00h23min

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Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

Multi-instrumentiste, chanteur, Ima Hado fait du reggae. Avec ses instruments traditionnels de musique, dont le Kundé qu’il a transformé en Bass, le Burkinabè qui vit à Milan depuis plus de 20 ans, a réussi une savante alchimie entre tradition et modernité pour créer des authentiques. L’artiste qui séjourne au Burkina depuis quelques temps nous a rendu visite ce 11 mai. Une date importante pour les rastas qui commémorent en ce jour, la disparition du pape du reggae, Robert Nesta Marley. Dans cet entretien, il nous parle de sa carrière et surtout de son engagement social au profit des populations de Koubri où il investit beaucoup.

Lefaso.net : Qui est Ima Hado et comment es-tu venu à la musique ?

Je suis née dans le Namentenga, précisément à Boulsa. Je réside à Milan depuis 1992. Mais chaque année je reviens au pays. Je vis de la musique et c’est ce qui m’a amené en Europe. Je viens d’une Famille très pauvre mais depuis, j’ai la chance de parcourir le monde, de rencontrer des grands noms de la musique, de la culture. Tout cela grâce à la culture, je ne suis pas allé loin dans les études, j’ai seulement fait la 3ème. La musique m’a contourné des études.
Je suis actuellement au Burkina pour promouvoir mon dernier album, « Fight in the morning » qui est en train prendre doucement. J’ai d’ailleurs décidé de rester au Burkina jusqu’en septembre pour donner un coup à la promotion.

Raconte-nous un peu tes débuts …

Mon papa était artiste musicien. Paix à son âme, il a vécu 110 ans. Depuis l’âge de 5 ans, je jouais la musique traditionnelle avec lui dans les cabarets, les champs, les baptêmes, les funérailles. Je me rappelle que c’était obligatoire. Quand il sortait, je devrais suivre, même si je voulais jouer avec les copains. Quand on m’a inscrit à l’école, je ne me sentais pas bien, la musique me réclamait.

Quand je me suis retrouvé à Ouagadougou, c’était ouvert, il y avait des possibilités de jouer. Mais il fallait être courageux, décisif pour continuer le combat. J’ai joué avec beaucoup de groupes, Farafina à Bobo, Watinoma à Ouaga, et bien d’autres groupes. C’est de la folie, je ne peux tout raconter. La chance est sortie de la souffrance. Les gens se moquaient de nous parce qu’on passait toute la journée à jouer la musique, sans travailler ; mais c’est du travail que jouer la musique.

Par la suite, on a sortie des albums au Burkina, Liberté, Aminata. Des albums afro blues produits en Europe et cela marchait bien.

Quelle est la particularité du reggae de Ima Hado ?

J’essaie de créer un style traditionnel. Utiliser les instruments traditionnels, les transformer pour faire la musique que je veux. J’ai transformé le Kundé traditionnel en Kundé Bass ; il mesure au moins deux mètres et c’est lui qui m’accompagne dans les tournées. Il y a d’autres kundé qui font les accompagnements, qui complètent les mélodies. Tout cela avec la calebasse, c’est doux à écouter, mieux que le kundé tout seul dans le reggae.

Quand on écoute mon son « fight in the morning », on ne se rendrait pas compte que c’est le kundé bass qui est joué. Mais ce kundé qui groove, épatent les gens sur les scènes en Europe. J’espère que les jeunes musiciens Burkinabè vont l’adopter et transformer les instruments traditionnels. C’est pour cela que je fais du reggae avec les instruments de musique typiquement traditionnels de mon pays.

Lors de mes concerts, tout le monde s’approche du podium pour voir le Kundé Bass. Quand quelque chose est étrange, c’est beaucoup aimé. Beaucoup ont essayé de commander, d’acheter, mais ce n’est en vente. On fait des tournées, plus d’une centaine de spectacles par an, et à la rencontre avec les autres, j’ai quelque chose que j’apporte. Par exemple quand je me retrouve en Californie ou en Jamaïque avec mon Kundé avec d’autres artistes qui sont là avec les guitares et autres instruments de musiques, je suis unique et les gens aiment.

Je chante en anglais, en français, en swahili, en mooré, en Dioula, en italien. Je mélange toutes ces langues dans mes créations pour faire voyager ma musique. Quand je suis en Californie, je peux chanter anglais ou mooré, au Burkina je peux chanter mooré, Dioula, français... c’est une richesse.

Quels sont les évènements qui t’ont le plus marqué dans tes tournées ?

La première fois que je suis arrivé à Milan, mon premier spectacle, c’était avec Mata Barikua. Quand on est arrivé, tout le monde était de son côté. Les jamaïcains e leurs côtés, et de l’autre, nous africains. Après le spectacle, Mata est venu lui-même discuter avec nous. J’ai rencontré Youssou N’dour en Lausanne en Suisse, on a joué, mangé ensemble et on s’est échangé des idées.

J’ai rencontré les aborigènes en Australie, un peuple très ancré dans sa culture. J’ai rencontré Joseph Hill du Groupe Jamaïcain CULTURE, on a discuté, mangé, fumer ensemble. C’était en Lausanne, dans les années 2004. Il est venu à nous, un monsieur très sympathique et simple et mystique. Ce sont de genres de rencontres qui nourrissent et font grandir.

J’ai été en Jamaïque, j’ai visité la maison du King of Reggae, Robert Nesta Marley à Trenchtown. J’ai joué dans les ghettos jamaïcains, on ne peut pas faire comme eux, mais on peut s’inspirer un peu de leur feeling pour faire sa musique, tout en restant original.

Ima Hado investit beaucoup dans le social, pourquoi ce choix ?

L’art n’a pas de limite. Aider des personnes qui sont pauvres qui n’ont pas eu notre chance, c’est normal et cela s’inscrit dans ma philosophie, dans la philosophie rasta. La chance que j’aie eue, tout ce que j’ai eu ne doit pas être pour moi seul. J’ai alors commencé à écrire des projets d’agriculture pour aider les femmes de Koubri par exemple. J’ai trouvé à une centaine de femmes, plus de 6 ha.

J’ai réalisé des forages, des plaques solaires et chacune se débrouille. Je n’ai pas besoin de leur donner de l’argent, mais je leur apprends à se prendre en charge. En même temps, j’interviens dans l’éducation. J’ai construit une école. Beaucoup d’enfants ne fréquentaient pas, ce n’est pas joli, à quelques 20 km de la capitale.
On a ainsi une école de parrainage international. Les enfants ne payent rien, les parents ne payent rien, tout est gratuit. On a plus de 400 enfants parrainés. L’année prochaine, on ouvrira le CM2. C’est positif et c’est rasta.
Dieu n’a pas besoin de prières, ce n’est pas un roi. Il a besoin de positivité les uns envers les autres, de pardon.
J’ai initié également le festival « La lune du sahel » à Koubri » qui est à sa 8e édition et qui réunit chaque année plus de 50 artistes. Tous les soirs sur trois dates, il y a plus de 5000 personnes, et c’est gratuit.

Comment arrives-tu à mobiliser les fonds pour les réalisations ?

Je travaille beaucoup avec les jeunes de Koubri, les jeunes européens. J’explique lors de mes concerts et conférences et rencontres dans les universités, les lycées, les festivals. J’écris beaucoup de projets, pour ramener quelque chose à la maison, à Koubri. Le dernier projet que j’ai écrit, s’intitule, « Fondation for Africa Burkina Faso », c’est un groupe de fondation italienne qui a décidé d’aider le Burkina Faso.

Il y a 4 ans, ils étaient au Sénégal avec des projets d’agriculture. Cette année, ce sera au Burkina. C’est ainsi que nous trouvons de la ressource pour investir. Au lieu de construire des villas, il faut aider ces gens qui ont besoin d’un petit coup de pouce. Si nous croyions vraiment à Dieu, à Jah, c’est la meilleure chose que l’on puisse faire. C’est l’exemple que le rasta doit donner.

L’amour, c’est le rastafarisme, on n’a pas besoin de porter des dread locks, de fumer la Gandja pour se dire Rasta. Si vraiment tes pensées sont positives, si tu vis en symbiose avec l’univers, tu es rasta.

Quelle est l’importance du 11 mai pour toi ?

C’est une date très importante. Robert Nesta Marley, paix à son âme à passer sa vie à chanter et à semer les grains d’amour dans les cœurs. Nous ne cessons de lui dire merci pour tout ce qu’il a légué à la terre, pour l’héritage que nous portons. Il doit être heureux là où il est, parce que son histoire se poursuit. Il avait lui-même dit, « Time will tell », c’est le temps qui démontrera l’histoire du rastafarisme, c’est le temps qui démontrera que le Rastafarisme et la musique reggae, ce n’est pas pour bandits et les moins que rien.
C’est une belle journée de commémoration, importante pour tous ceux qui aiment la musique, qui aiment leurs prochains.
On doit fêter, penser à lui, jouer la musique. Il a contribué à changer l’image des rastas.

Un dernier mot…

Il ne faut jamais oublier sa culture qui pour moi est comme le lait maternel d’un peuple. Sans elle le peuple ne peut jamais grandir. Ce que je voudrais ajouter, c’est la nécessité du pardon. Il faut que la jeunesse que le peuple Burkinabè sache pardonner.

Entretien réalisé par Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 12 mai 2016 à 08:26 En réponse à : Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

    "Dieu n’a pas besoins de prière,c’est pas un roi" !! il est serieux ce gars ?? c grav ca !!

  • Le 12 mai 2016 à 09:16, par Allright En réponse à : Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

    du courage rasta. même si je ne le suis pas. j’aime ta musique plus particulièrement surtout le titre "revolution" je prends du plaisir à écouté tes sounds dans les émissions reggea. ta philosophie est limpide : C’est positif et c’est rasta.
    Dieu n’a pas besoin de prières, ce n’est pas un roi. Il a besoin de positivité les uns envers les autres, de pardon.

    mes félicitation

  • Le 12 mai 2016 à 13:02, par Maria En réponse à : Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

    Bonjour, Hado, bon courage à toi. J’aimerais avoir les nouvelles de tes frères Tapha, Adama et Francé du temps du groupe Watinooma que j’étais fan. Salut et a bientôt pour un concert en Alsace.

  • Le 12 mai 2016 à 15:26 En réponse à : Ima Hado, reggaeman Burkinabè : Sa vie à Milan, son engagement social à Koubri

    Internaute N° 1, l’affaire de Dieu, c’est une question de perception personnelle. Personne, je dit bien personne ne détient la vérité. S’il pense que Dieu n’a pas besoin de prière, tu ne doit pas être étonné. C’est sa perception de Dieu. C’est vrai que si, l’on considère que Dieu est omniscient et omnipotent, donc il sait tout, on peut peut être penser qu’il n’a pas besoin que l’on le prie car si tu as le coeur blanc, il te donnera ce que tu veux puisqu’il sait ce dont tu as besoin.

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