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« Incivisme » des élèves du CEG de Nagaré : Quand des leaders et des parents creusent la tombe pour la Patrie, les enfants se sentent moralement obligés de l’ensevelir

Publié le mercredi 27 avril 2016 à 00h00min

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« Incivisme » des élèves du CEG de Nagaré : Quand des leaders et des parents creusent la tombe pour la Patrie, les enfants se sentent moralement obligés de l’ensevelir

Des élèves, protestant contre l’expulsion d’un des leurs par un professeur, ont manifesté leur colère en brutalisant leurs éducateurs. C’était le 14 Avril 2016. Ils ont ravi négativement la vedette en allant jusqu’à brûler le drapeau national du Burkina Faso.

Meurtri et scandalisé, j’ai appelé mon fils, âgé de 10 ans pour lui parler d’incivisme, dangereux pour la vie d’une nation. Je lui ai fait voir les images afin de vouloir lui administrer une leçon de morale. Je me suis lancé dans une rhétorique que je pensais capable de le convaincre. Après avoir fini, il m’a poliment remercié avant de continuer, « papa, est-ce que je peux dire une chose ? » Bien sûr que oui, ai-je répliqué. « J’ai compris ce que tu viens de me dire, mais c’est qu’au Burkina Faso, ce n’est pas la première fois que l’on voit des gens bruler le drapeau. Pire encore, ce sont des leaders, donc des pères qui l’ont déjà fait ».

Étonné, je lui ai demandé pourquoi il me dit des choses pareilles. « Papa, tu as oublié que tu nous as déjà montré, à moi et à ma petite sœur, les images de l’Assemblée Nationale brulée par ceux qui protestaient contre la révision de l’article 37. Ça s’est passé le jour où ils ont chassé Blaise Compaoré du pouvoir. Papa, on a vu qu’il y avait un drapeau perché sur le bâtiment de l’Assemblée, mais ils l’ont fait. Dans le film, on a vu des députés et même un chef traditionnel. Ils étaient les premiers à rentrer dans l’Assemblée Nationale et immédiatement, l’incendie a commencé. Tu ne vas me dire qu’ils ont pu descendre le drapeau qui était en haut avant de mettre le feu. Voilà pourquoi je dis que ce n’est pas la première fois. » Il venait de me clouer le bec. Mon orgueil de père me poussait à élever la voix sur lui, mais face à la perspicacité de son raisonnement, j’ai préféré détourner son attention sur autre chose. Abattu, je me suis retiré sur mon lit. Faisant violence sur moi, je me suis mis à réfléchir sans passion.

Il est d’une évidence certaine que je condamne ce comportement de la part des élèves. Mais nous devrions allés au-delà pour dénicher les racines enfouies du mal. Les élèves de Nagaré auraient-ils un tort injustifié ? Sont-ils victimes de l’influence négative de la part de ceux qui sont leurs guides naturels : leaders et parents ? Les élèves auraient agi par imitation et par identification à leurs pères (leaders et père). « Les enfants imitent leurs parents. Ils adoptent les attitudes et les émotions existant en leurs parents sans pourtant réaliser qu’ils le font. Faisant ainsi, ils voudraient s’identifient à leurs parents (leaders..).
Dans notre soif d’éviter la révision de la Constitution par Blaise Compaoré et son régime, nous avons incendié l’Assemblée Nationale, symbole sacré de l’autorité de la Nation. Les images ont été publiées partout comme la preuve d’une bravoure nationale. Il a même été question d’un projet de conservation des ruines de cette Assemblée pour l’histoire. Ceci sous-entend que nous qualifions l’acte de positif et nous lui assignons le mérite d’être enseigné. Alors, les élèves de Nagaré pouvaient-ils résister à être séduits par cette promotion de notre part ?

L’esprit d’un enfant est très perméable aux actes de ceux qu’ils considèrent comme étant les phares de la société. Du coup, ils auraient compris que pour exprimer leur colère contre toute décision qui menace leurs propres intérêts, l’une des meilleures façons serait de saccager les symboles de l’Etat. Cela semble ancrer dans les esprits d’autant plus que les personnes auteurs de ce crime national n’ont pas été sanctionnées. Il n’y aurait pas eu un mea culpa public en vue de donner un signal fort que ceci était une offense à la Nation.

Certains me répliqueront que les choses ne sont pas comparables et que par conséquent, les raisons qui ont conduit à l’incendie de l’Assemblée Nationale avec son drapeau sont différentes. Et pourtant, peu importe les mobiles, ce qui a une valeur de leçon chez un enfant et qui renferme un pouvoir d’influence, c’est l’acte lui-même et non les discours. Les élèves coupables pourraient aussi objecté en disant que Blaise et sa volonté de modifier l’article 37 n’étaient pas au-dessus du drapeau National. Comme quoi une bonne intention n’autorise pas l’usage de tout moyen pour l’atteindre.

Pouvaient-ils obéir à l’appel au calme lancé par l’administration du CEG, quand ils pensent que les Koglweogo à Fada ont défié héroïquement l’autorité ? Pouvaient-ils accepter que l’obéissance à l’autorité soit une valeur, quand ils se rappellent que notre ministre de l’Administration Territoriale, Simon Compaoré, s’est déplacé à Leo pour rencontrer des Koglweogo qui lui ont opposé un refus catégorique ? Et rien de fort n’a été fait à leur encontre.

Beaucoup sont ceux qui saluent « les mesures conservatoires prises par le gouvernement pour faire face à cette situation, notamment la fermeture jusqu’à nouvel ordre des deux établissements concernés ». Personnellement, si je dois retenir quelque chose, c’est le fait que les autorités aient pris conscience de sa gravité. Mais j’ai peur que cette décision n’ait que l’effet d’un paracétamol qui calme juste les douleurs sans pour autant soigner définitivement le mal. Certes, le ministère a usé de son pouvoir pour décider, mais est-ce-que cette décision jouira de l’autorité nécessaire pour résoudre le problème ?

Le reflexe nous porterait à jeter l’anathème sur la jeunesse, mais ça serait un raccourci qui conduira peu loin. Souvent le chemin le plus court n’est pas toujours le plus rapide. En effet, l’incivisme au Burkina, la perte du patriotisme, le manque d’engagement pour le bien commun seraient imputables à tous sans exception. En dehors de « l’amour » des actes de vandalisme que nous transmettons à nos enfants, il faudrait noter que les détournements de denier public, la corruption et l’impunité sont aussi des « bibliothèques » avec un pouvoir d’infusion terrible que nous mettons à la disposition de nos progénitures. Inspirés par nos comportements, ils penseront que ce seraient les seuls moyens à leur disposition pour « servir » leur pays. Les fossoyeurs de nos valeurs seraient d’abord nous-mêmes.
Alors, on ne devrait pas s’étonner du type de fruits que portent les arbres que nous nous-mêmes avons plantés. C’est ce qui me fait prendre la valeur de la pensée du Philosophe Jésus quand il recommande à ces disciples ceci :

Un diagnostic sans complaisance est la seule voix pour préconiser une solution efficace et durable. La seule réhabilitation de l’enseignement civique, toute réforme théorique du système éducatif ne seront pas assez, car il est très difficile de vouloir convaincre seulement par le discours. Tant que les enfants ne verront pas en leurs parents, le minimum de modèle que nous leur enseignons, ils n’y adhèreront pas. La rhétorique peut séduire facilement, mais seul l’exemple par les actes influence positivement.

Le tableau semble peu relisant mais il n’est pas encore trop tard pour éviter le gouffre. L’espoir est permis. Si nous voulons un bref future, un Burkina libre de toute sorte d’incivisme, libéré de toue corruption, un Burkina plus intègre, nous devons travailler à inculquer les valeurs de base par le biais de l’éduction. Toute la société, leaders et autres acteurs devrait s’y engager par un exemple de vie. Oui nous le pouvons « Yes, we can ».

Repartons concrètement sur de nouvelles bases. Les autorités devraient admettre que la moralisation de la vie de la nation ne peut se faire sans une prise de conscience engagée : reconnaitre que les acteurs de la vie politique du Burkina pendant les 27 dernières années, (Partis au pouvoir et dans une certaine mesure l’Opposition aussi), sont d’une manière ou d’une autre, responsable de la situation. Tous ont failli. Très rares sont ceux qui auraient les mains blanches pour jeter la pierre aux autres. Tous, sont comptables du déclin de la morale. Tomber n’est par un crime, mais le refus de se relever. Il faudra en toute humilité reconnaitre son tord et se retourner des pratiques anciennes. Refuser cela, c’est vouloir opter pour une culture de règlement de compte qui finira par nous enliser dans un cycle infernal de vengeance réciproque ; ce qui risque de précipiter notre cher dans les méandres du mal.

Les plus grands perdants seront les générations à venir. Ensemble donc, unis comme les enfants d’une seule mère, refusant de nourrir toute haine capable de nuire aux liens consanguins, réconcilions-nous avec nous-même, les uns avec les autres pour remettre le Burkina sur les rails. C’est à ce prix que nous pourrons faire de lui un pays aimé et respecté par les siens, surtout par les générations futures. Si nous voulons que le Burkina soit le meilleur cadeau à léguer au future, il faudrait conserver vive, la teneur de cette philosophie locale : « si la chèvre monte sur la meule, son petit ne peut rester en bas. Il l’a suivra forcement. Le carpeau s’assoit à la manière de sa mère. Le petit de la girafe coureur ne sera jamais boiteux ». Vivement que nous soyons des bougies allumées pour notre postérité en vue d’un Burkina toujours davantage resplendissant.

Sibiri Nestor SAMNE
Communicateur
Email : sasimastor@hotmail.com

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