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Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

Publié le mercredi 26 novembre 2014 à 00h08min

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Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

Malgré les expériences menées çà et là ces dernières années, notamment au niveau de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières de l’UEMOA avec quelques sociétés nationales cotées ; l’activité boursière dont on dit rentable reste peu connue du grand public burkinabè. Pour mieux la faire comprendre et appréhender ses mécanismes de fonctionnement, ses avantages et contraintes, nous avons approché Alexis Lourgo, directeur général de la Société Burkinabè d’Intermédiation Financière.

Lefaso.net : La bourse reste encore une activité peu connue des Burkinabè. C’est quoi la bourse ?

Alexis Lourgo : La bourse est avant tout un marché de valeurs mobilières. Son objet premier est d’organiser la rencontre entre l’offre et la demande de titres et, de permettre à l’épargne investie en valeurs mobilières de retrouver à tout moment sa liquidité ou encore de permettre aux investisseurs d’arbitrer des titres contre d’autres dans le cadre de la gestion de leur portefeuille. La Bourse répond donc à la nécessité de créer un marché officiel et organisé pour les détenteurs de titres qui souhaitent récupérer leurs fonds sans devoir attendre l’échéance des titres détenus. La durée de vie d’une action par exemple correspond à celle de la société et les statuts prévoient généralement une durée de vie sociale de 99 ans tacitement reconductible. Si le marché secondaire n’existait pas, les valeurs mobilières ne seraient qu’un piège dans lequel l’épargnant pourrait entrer sans pouvoir en sortir quand il le désire. Et au niveau de l’UEMOA, la Bourse des Valeurs Mobilières peut être définie comme un marché où s’échangent des titres qui sont, entre autres, des actions de sociétés ou des obligations. Ainsi, à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières de l’UEMOA, tout investisseur peut acheter ou vendre des titres déjà cotés c’est-à-dire qui y sont déjà disponibles.


Avez-vous aujourd’hui une idée du nombre de Burkinabè qui investissent en bourse ?

On peut estimer le nombre de Burkinabè qui investissent à la BRVM à plus de 5000.


L’investissement boursier est-il rentable ?

Oui, l’investissement boursier est rentable. L’investissement boursier offre une double rémunération. La plus-value d’une part, lorsque le cours des titres acquis évolue de façon favorable et le rendement d’autre part, à travers la distribution de dividendes (actions) ou le paiement d’intérêts (obligations). Outre cette rentabilité, la Bourse offre des avantages de liquidité et de mobilité. Les fonds investis en bourse ne sont pas immobilisés. Ils sont « réalisables » à tout moment, au prix où l’offre et la demande s’équilibrent. Un placement en Bourse n’est pas « figé ». A tout moment, des choix, des arbitrages sont possibles entre différentes formes de valeurs mobilières, entre différents émetteurs. Donc, l’investissement boursier permet de rentabiliser son épargne grâce aux dividendes, aux intérêts et aux plus-values.

Avez-vous des chiffres ?

Oui. Prenons l’exemple de l’action de la Bank Of Africa Burkina. Le prix de vente de l’action BOA Burkina lors de l’Offre Publique de Vente était de 23 000 F CFA. Depuis son introduction en bourse, le cours de l’action a évolué de façon positive et attient son plus haut niveau le 11 septembre 2014. A cette date, le cours de l’action était de 102 800 F CFA.
Sur la base du cours de l’action à la date du 18 novembre (90 000 F CFA), le rendement hors dividende de l’action BOA Burkina se situe à plus de 290%. En intégrant les différents dividendes, le rendement passe à plus de 365%. On peut ajouter l’exemple de l’action de l’ONATEL Burkina. Le prix de vente de l’action ONATEL Burkina lors de l’Offre Publique de Vente était de 45 000 F CFA pour les personnes morales et FCFA 42 000 pour les personnes physiques. Introduit en bourse le 30 avril 2009 à 47 900 F CFA, le cours de l’action ONATEL a beaucoup fluctué sur le marché. Il a atteint son bas niveau le 11 juin 2012 à 37 200 (3 720) et son plus haut niveau le 25 avril 2014 à FCFA 9 460 (94 600). Le 29 novembre 2013, l’action ONATEL a été fractionnée par 10. Malgré une fluctuation assez importante du cours de l’ONATEL, le rendement de l’action hors dividende se monte à plus de 28% si l’on se base sur le cours de l’action à la date du 18 novembre (FCFA 5 800). En intégrant les différents dividendes, le rendement passe à plus de 72%.

Quand on parle de bourse, l’on voit les sociétés, généralement les plus grandes. Un citoyen lambda peut-il véritablement investir en bourse ?
Oui, tout citoyen peut investir en Bourse. Tout citoyen peut épargner et rentabiliser son argent en Bourse à travers l’achat d’actions et d’obligations.

Pour un client qui veut acheter des titres en Bourse, comment cela se passe-t-il concrètement ?

De manière très synthétique, voilà comment cela se passe. Il faut d’abord que le client se rende auprès d’une société de gestion et d’intermédiation comme la SBIF, société burkinabé d’intermédiation financière. Lorsque le client vient par exemple nous voir donc à la SBIF, nous essayons de cerner ses objectifs de placement et nous lui expliquons les risques liés à la nature des actions et des obligations, la nature du contrat d’ouverture de compte, les types d’ordres qui existent. Ensuite, nous procédons à l’ouverture d’un compte dans nos livres. Après l’ouverture du compte, nous demandons au client de déposer de l’argent, d’alimenter son compte soit à travers un virement bancaire soit par versement direct sur un compte bancaire de la SBIF dont nous lui indiquerons le numéro. Il faut noter que nous ne faisons pas d’achat ou de ventes de titres à crédit pour le moment car toute opération de bourse nécessite l’existence d’un solde espèces suffisant pour un achat de titres ou de titres suffisants pour une vente de titres. Nous utilisons cet argent pour lui acheter des titres à la Bourse selon ses indications ou exigences. Après l’achat, nous informons le client du dénouement de l’opération à travers un Avis que nous lui envoyons.

L’investissement en Bourse comporte quand même des risques…

Comme tout investissement, il y’a des risques. L’entreprise dont vous détenez des actions peut ne pas verser des dividendes en fin d’exercice, le cours de son action peut baisser et là c’est la moins-value.

Mais, comment faire pour limiter ces risques inhérents à l’activité boursière ?

La meilleure manière d’éviter ces risques, c’est de confier la gestion de ses titres à des professionnels du marché financier et boursier. Ces professionnels font le suivi de la vie des entreprises cotées à travers, entre autres, des analyses sur leurs fondamentaux et leurs perspectives. Ce suivi les amène à mieux connaître ces entreprises et leur permet de sélectionner celles qui sont à même de donner une bonne rentabilité aux investisseurs.

Quel état des lieux faites-vous des comportements des entreprises et opérateurs économiques burkinabé vis-à-vis des marché financiers ?

Les entreprises et opérateurs économiques burkinabé étaient attentistes voire méfiants vis-à-vis du marché financier il y’a quelques années. Cette situation était due à la nouveauté et à l’absence de culture boursière. Ces agents économiques ne comprenaient pas encore l’utilité du marché financier et boursier. A travers plusieurs séminaires, rencontres d’information et de formation à leur intention depuis cinq ans, ils ont commencé véritablement à comprendre et à cerner les opportunités qu’offre le marché financier. En réalité, les entreprises et opérateurs économiques burkinabé ont commencé de plus en plus à comprendre les deux aspects fondamentaux suivants du marché financier :
En tant que consommateurs de fonds (entreprises), l’on va sur le marché financier pour lever du financement moyen ou long afin d’améliorer sa structure financière et accélérer sa croissance.

En tant que détenteurs de fonds, de liquidités (entreprises et personnes physiques), l’on va sur le marché financier pour améliorer son revenu à travers des placements judicieux sur le marché financier. Malheureusement, il faut reconnaître qu’il reste beaucoup à faire, tant par les autorités du marché financier que par les autorités politiques, pour amener nos opérateurs économiques à se familiariser aux mécanismes boursiers et à profiter des opportunités du marché financier.

Monsieur le Directeur Général, en tant que spécialiste du marché boursier et financier de l’UEMOA, qu’est-ce qui, selon vous, pourrait expliquer le peu/prou d’empressement des entreprises burkinabé à s’introduire en bourse ?

Comme je viens de vous le signifier, il existe encore de nombreuses réticences à cause de certains à priori qu’il faut à tout prix lever au niveau des entreprises burkinabé.
Il est vrai que l’introduction en bourse est un processus long et coûteux mais surtout stratégique qui permet in fine à l’entreprise d’accélérer sa croissance et d’améliorer sa notoriété.
A mon avis, six raisons essentielle expliquent le peu d’empressement des entreprises burkinabé voire de la sous- région à s’introduire en bourse :
-  L’essentiel des entreprises structurées est constitué d’entreprises publiques ou de filiale de sociétés étrangères ;
-  Le secret, voire l’opacité qui recouvre souvent les données financières et organisationnelles de l’entreprise,
-  La géographie du capital des entreprises n’est pas souvent favorable à une introduction en bourse ;
-  L’absence de stratégie claire de développement à moyen et long terme ;
-  la peur ou la crainte non justifiée d’être exposé aux Offres Publiques d’Achat ;
-  Enfin, la non prise en compte véritable dès le début des opérations de privatisation de l’option d’introduction en bourse des sociétés à privatiser pour favoriser l’actionnariat populaire.

Mais, quelles sont les perspectives à court et moyen terme ?

Face aux difficultés de financement de la petite et moyenne entreprise dans l’UEMOA, la BRVM projette de créer un compartiment « Nouveau marché pour les PME ». Ce nouveau marché dédié aux PME va permettre aux Petites et moyennes entreprises (PME) d’accéder aux financements à moyen et long terme, de se faire coter à la BRVM et ainsi de se valoriser et de gagner en notoriété. Les Petites et moyennes entreprises qui solliciteront la BRVM devront se faire accompagner c’est à dire conseiller par les Sociétés de gestion et d’intermédiation financière (SGI) qui seront leur mandataire. Ce nouveau compartiment devra contribuer au développement économique de nos Etats à travers l’éclosion de nouvelles entreprises modernes ouvertes sur le monde.

Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 26 novembre 2014 à 00:47, par Nabangué En réponse à : Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

    Article très instructif ! Merci.

  • Le 26 novembre 2014 à 00:50, par sannom En réponse à : Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

    Félicitations pour ces explications très professionnelles qui permettraient à beaucoup de personnes non initiées de se familiariser au jargon boursier. Toutefois certains termes tels que les OPA auraient pu être explicités compte tenu du niveau général de culture boursière du public. Il y avait peut-être lieu aussi de faire cas de la surveillance dont fait l’objet le marché boursier pour rassurer davantage le public que l’utilisation de ses fonds n’est pas laissée à la merci des seuls acteurs boursiers.

  • Le 26 novembre 2014 à 00:52, par sannom En réponse à : Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

    Félicitations pour ces explications très professionnelles qui permettraient à beaucoup de personnes non initiées de se familiariser au jargon boursier. Toutefois certains termes tels que les OPA auraient pu être explicités compte tenu du niveau général de culture boursière du public. Il y avait peut-être lieu aussi de faire cas de la surveillance dont fait l’objet le marché boursier pour rassurer davantage le public que l’utilisation de ses fonds n’est pas laissée à la merci des seuls acteurs boursiers.

  • Le 12 décembre 2014 à 10:07, par emergeance toyo toyo En réponse à : Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

    je dis hoo c’est quand on a bien mangé qu’on sens la présence de ses bourses sinon on sait tous que celui qui a faim ne bande même pas à fortiori s’amuser à tâter à la bourse..alors

  • Le 18 décembre 2014 à 11:00, par BONEGO Séraphin En réponse à : Bourse et marché boursier : Le décryptage d’Alexis Lourgo

    Très bonne présentation. Cet article nous a permi de découvrir un peut ce mystérieux inconnu qu’est la bourse.
    Pour mieux faire connaître la Bourse, je suggère d’organiser un journée porte ouverte, les 72 heures de la SBIFou procéder par des approches de porte à porte, de service en service etc, pour présenter les différentes possibilités qui existent pour les personnes physique et morale d’investir en bourse.

    Je souhaiterai que M.LOURGO détaille un peut cette affirmation :« Si le marché secondaire n’existait pas, les valeurs mobilières ne seraient qu’un piège dans lequel l’épargnant pourrait entrer sans pouvoir en sortir quand il le désire »

    Vive la Bourse !
    Merci

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