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CONDAMNATION D’HOSNI MOUBARAK : Un verdict qui tombe mal

Publié le lundi 4 juin 2012 à 03h04min

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Le verdict tant attendu de l’ancien président égyptien, Hosni Moubarak, et de ses collaborateurs a prononcé des sanctions aussi diverses et opposées que les réactions qui les ont accueillies. La sentence est en effet connue depuis le 2 juin dernier. L’ex-raïs et son ancien ministre de l’Intérieur, Habib el-Adli, écopent des peines les plus lourdes, à savoir la prison à vie. Quant aux deux fils de Moubarak ainsi que six de ses responsables de sécurité, ils ont été acquittés respectivement pour prescription et insuffisance de preuves. Comme il fallait s’y attendre, les partisans du président déchu ont vite fait de crier à la parodie de procès. Les révolutionnaires, eux, sont restés sur leur soif.

Relativement satisfaits de la prison à perpétuité de l’ex-chef de l’Etat, ils ont cependant été atterrés et écœurés de voir les enfants et les autres complices du dictateur dans le massacre de plus d’un millier de manifestants, s’en tirer à si bons comptes. Des appréciations diverses qui ont provoqué des affrontements entre les deux camps. Cette décision de Justice est arrivée comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la méfiance des partisans de la révolution vis-à-vis d’une Justice qui a servi sous l’ère Moubarak et dont ils doutaient encore de la réelle reconversion. Les tombeurs de l’ancien régime n’ont pas perdu de temps pour rejoindre la place Tahrir qui est devenue visiblement le recours qui leur inspire le plus confiance. Leur objectif, en renouant avec cette désormais légendaire place, est de faire tomber le régime militaire en stoppant au passage le processus électoral.

Ce processus qui doit connaître son couronnement dans deux semaines après le second tour de la présidentielle est donc plus que jamais menacé par les répercussions de ce verdict qui tombe apparemment au mauvais moment. Alors que le pays était sur le point de changer de cap en installant des institutions républicaines différentes de celles ayant été décriées par les acteurs du printemps arabe, voilà qu’une décision judiciaire est sur le point de tout bouleverser.

Certes, l’agenda judiciaire n’est pas obligé de se conformer au calendrier électoral, mais il est des moments dans la vie d’une nation où certaines décisions importantes ne peuvent être révélées qu’après que l’on s’est assuré de leur opportunité. La situation qui prévaut au Caire actuellement était du reste prévisible dans la mesure où les jeunes manifestants de la révolution n’ont jamais fait mystère de leur aversion pour tout ce qui leur rappelle l’ancien régime. Le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak étant le plus favori des deux candidats retenus pour le second tour de l’élection présidentielle, il est clair que les révolutionnaires n’attendaient qu’un alibi pour lui barrer la voie.

Le prétexte de l’acquittement des responsables de la sécurité du régime Moubarak est donc tout trouvé pour empêcher un déroulement normal du scrutin. Le candidat des frères musulmans qui semble le plus tolérable aux yeux des manifestants de la place Tahrir s’est du reste joint au mouvement de contestation qui entend entreprendre une deuxième révolution. Entre la peste et le choléra que représentent les candidats au deuxième tour de la présidentielle qui incarnent, l’un l’islamisme, l’autre un régime dictatorial et corrompu, les Egyptiens croient sans doute avoir eu une aubaine pour n’en choisir aucun. Ils contestent à présent tout le système et dénoncent un processus électoral biaisé.

Les occupants de la place Tahrir réclament donc la suspension des élections. Ils proposent par ailleurs la mise en place d’un conseil présidentiel composé de personnalités de la révolution et qui serait présidé par Hamdine Sabbahi, le candidat nassérien arrivé troisième au premier tour de la présidentielle. S’ils étaient suivis dans leur élan par la majorité des Egyptiens pour le moment encore silencieuse, ce serait le retour à la case départ dans le meilleur des cas, ou une replongée dans un chaos plus regrettable dans le pire des cas. L’Egypte demeure pourtant, jusque-là en tout cas, le seul pays parmi ceux qui ont connu le printemps arabe à avoir pu organiser des élections et conduit un procès des anciens dirigeants à terme.

L’horizon qui s’annonçait moins obscur ne doit donc pas être assombri par des remous engendrés par un verdict qui n’est d’ailleurs pour le moment pas définitif, les différentes parties ayant encore la possibilité de faire appel. Les révolutionnaires peuvent exercer leur rôle de veille après les élections qui permettront de mettre en place progressivement des institutions favorables à une gouvernance démocratique digne de ce nom. Une reprise des élections sous l’égide de quelque structure que ce soit, n’est pas forcément une panacée en ce sens que le peuple demeure souverain et donc libre de choisir les dirigeants qu’il juge capables et dignes. Il pourrait donc reconduire les mêmes dirigeants si tel était leur choix. Que l’on lui laisse donc le soin de savoir reconnaître les siens sans l’influencer par quelque activisme que ce soit.

Il y va de la préservation des acquis engrangés depuis la chute du raïs. Les Egyptiens ont, au moins, pu juger leur dictateur déchu. Les Tunisiens et encore moins les Libyens n’ont pas eu cette chance historique.

« Le Pays »

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