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Soudan : Bechir va-t-il redevenir fréquentable pour les Occidentaux ?

Publié le lundi 31 octobre 2011 à 00h11min

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La guerre libyenne, manifestement, est encore loin d’avoir livré tous ses tenants et aboutissants. Alors que l’on continue de s’interroger sur les circonstances exactes de la mort du Guide Mouammar Kadhafi, c’est l’homme fort de Khartoum, Omar El Béchir, qui crée l’événement en annonçant le mercredi dernier que son pays a contribué à l’armement des éléments du Conseil national de transition dans leur impitoyable croisade contre l’ancien régime. Selon le président Béchir, les armes et les munitions fournies par le Soudan ont été d’un fort appui aux révolutionnaires du CNT. Que ce soit à Tripoli, à Misrata, à Zawiyah, dans les montagnes de Djebel Nefoussa ou dans les autres points chauds du conflit libyen.

La victoire a plusieurs pères, dit-on. Et le président soudanais est dans son bon droit de faire savoir à l’opinion qu’il a aussi apporté sa pierre dans l’œuvre de destruction du pouvoir Kadhafi. Seulement les motifs évoqués par Omar El Béchir ne situent pas tout sur cette main forte prêtée au CNT. L’élan humanitaire et l’esprit de vengeance vis-à-vis du défunt Guide accusé à tort ou raison d’avoir soutenu des rebellions dans la province occidentale du Darfour et au Sud-Soudan sont des raisons valables pour Khartoum d’agir en Libye.

Ainsi, par l’intermédiaire du CNT le Soudan a réussi à régler ses comptes avec Kadhafi qui aurait contribué à son morcellement avec l’indépendance du Sud-Soudan. Mais, pour le président Omar El Bechir, inculpé depuis mars 2009 par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, les enjeux de l’aide au CNT, à bien analyser les choses, peuvent aller au-delà du simple règlement de compte avec l’ancien régime libyen ou de normalisation des relations entre Khartoum et Tripoli. C’est connu, les amis de mes amis sont mes amis. Dans cette perspective, le CNT va-t-il servir de pont entre Khartoum et les puissances occidentales, considérées à tort ou à raison comme les instigatrices de la CPI contre les dirigeants africains audacieux ?

En d’autres termes, Béchir va-t-il devenir fréquentable pour les Occidentaux avec l’avènement du nouveau pouvoir libyen ? Rien n’est moins sûr sur cette question. En effet, si le président Soudanais et les dirigeants de l’Occident par le biais de l’OTAN ont œuvré pour la même cause en Libye, à savoir la chute du pouvoir de Kadhafi, il n’est pas du tout exclu qu’ils s’entendent par la suite. Les relations entre les nations sont loin d’être immuables. Béchir a beau être sur le coup d’une inculpation de la CPI, un retournement de situation est toujours envisageable, pour peu que le numéro un soudanais fasse preuve d’une bonne volonté de tourner la page et mette le prix qu’il faut. Et si le CNT joue, comme on pourrait l’imaginer, un rôle de rapprochement entre les deux parties, l’on ne devrait pas s’étonner un jour de voir la coopération de l’Occident reprendre avec le Soudan.

A ce propos, le cas de la Libye sous Mouammar Kadhafi est suffisamment illustrateur. Sous embargo pendant plusieurs années, le pays avait fini par renouer avec la communauté internationale. N’eût été l’effet du printemps arabe, Kadhafi et son régime seraient peut-être, toujours des partenaires de l’Occident. Comparaison n’est pas raison, certes. Mais, les dés de la coopération soudano-occidentale ne sont peut-être pas totalement pipés. En tous les cas, après plus de deux ans de ni victoire ni paix de cœur pour l’un ou l’autre camp, chaque partie gagnerait à mettre de l’eau dans son vin. Le président Bechir a beau faire le pied de nez à la communauté internationale en effectuant de temps en temps des voyages à l’extérieur en dépit du mandat d’arrêt lancé contre lui ; il reste un homme inquiet à chacun de ses déplacements à l’étranger.

Pour la CPI et son procureur général Luis Moreno Ocampo, cela ne sert pas à grand-chose de délivrer des mandats d’arrêt internationaux les uns après les autres, s’ils n’ont manifestement pas les moyens de les faire exécuter. Ainsi, dix jours après la chute de Syrte, Seif al Islam Kadhafi court toujours.

Grégoire B. BAZIE

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