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Gabriel Magma Konaté, artiste comédien malien : « Pour être artiste, il faut avoir un cœur de tourterelle, un estomac d’autruche et surtout une peau de crocodile »

Publié le mercredi 14 septembre 2011 à 03h31min

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Gabriel Magma Konaté, artiste comédien ; connu sous le nom du commissaire Balla dans un de ses rôles ou N’golo Diarra dans les rois de Ségou ; était de passage à Bobo-Dioulasso. Profitant de son séjour, il a bien voulu nous parler de ses débuts, faire son appréciation de la profession en Afrique et a surtout lancé un appel aux autorités pour une relance du métier en Afrique.

Grand comédien de renommée internationale, vous pouvez nous dire comment vous êtes venu dans ce monde des arts ?

Avant toute réponse, je dis merci à votre journal, l’Express du Faso qui me donne l’occasion de parler de moi-même. Il faut reconnaître que j’ai commencé par l’école des prêtres qui m’a beaucoup aidé. Pour qui connaît l’Enseignement privé catholique, déjà à la fermeture des classes, il y avait une remise de prix aux élèves méritants. Ces remises de prix occasionnaient des pièces de théâtres. C’est par là que j’ai commencé à jouer depuis l’école primaire. Ensuite je suis allé au lycée et puis j’ai joué dans les troupes régionales, notamment celle de Kayes. En 1980, j’ai été détaché pour le Théâtre national du Mali. Par la suite je suis allé apprendre la théorie du théâtre à l’Institut national des arts de Bamako. Enfin je suis allé faire l’ingénierie culturelle au Togo plus précisément au Centre régional d’action culturelle. Quelques années après, je suis allé à la faculté des Sciences culturelles, juridiques et politiques, pour faire une maîtrise en droit privé des affaires. Voilà grossomodo comment c’est parti.

A vous entendre, c’est depuis votre tendre enfance que vous êtes dans le monde des comédiens. Alors pensez-vous avoir fait le bon choix ?

Mais oui ! Si c’était à recommencer je choisirai cette même profession. Vous savez, quand j’étais tout petit, je rêvais d’être avocat ou médecin. A l’époque on avait des repères qui venaient nous entretenir sur leur profession. Chaque année, je rêvais de devenir ministre ou juge parce que c’est un de ces corps qui est venu nous entretenir sur sa profession. Quand j’ai embrassé cette carrière, ça m’a permis d’être tout ceci en même temps. Il y a des rôles où je suis président, des rôles où je suis avocat, roi ou planton…Le fait de pouvoir être en même temps tous ces personnages, ça me comble car mon rêve d’enfant est ainsi réalisé.

Sous nos cieux on a coutume de dire que l’art ne nourrit pas son homme. Est-ce la même appréciation que faites-vous ?

Vous savez, les gens voient ce que nous faisons en espèces sonnantes et trébuchantes. Moi je ne vois pas la chose de la sorte. C’est pourquoi, je dirai que l’art nourrit son homme en Afrique. Vous savez, je suis au Faso, c’est pour rendre visite à mon ami Souleymane Sériba. Un de votre journal m’a vu et il a dit, « ah tient, c’est lui l’acteur là. J’aimerais faire une interview avec vous. Ça c’est de l’or en bas et moi je ne peux pas quantifier cette richesse. Votre interview me permet d’être davantage connu par vos lecteurs partout dans le monde. Vous êtes sur le net et c’est une richesse pour moi. Une fois de plus, je dis que l’art nourrit son homme, c’est une question d’organisation. Moi j’ai la chance d’être fonctionnaire de l’Etat. En dehors de ça, il faut que les artistes sachent qu’il n’y a pas de sots métiers ! Martin Luther King l’a dit, « soit le meilleur quoique tu sois ».

Et Jules Proudhon l’a dit, « si tu es balayeur de rue, soit le meilleur balayeur et fait de sorte qu’après toi, ceux qui viendront s’arrêtent et disent, ici a vécu un grand balayeur ! » C’est ce qu’on retiendra de toi. Quand tu fais bien, c’est une richesse intarissable. Cet après-midi, je suis arrivé dans une boutique au Faso. Je voulais un produit. Le vendeur m’a dit que ça fait 20.000 FCFA. Je le regarde il dit, « mais c’est toi l’acteur là ? Non je te le donne prend le. Tu joues bien dans le film les rois de Ségou ou tu es N’golo Diarra que nous suivons sur TV5. C’est magnifique ce que vous faites. Prenez le produit je vous le donne ». Vous pensez qu’on ne peut pas vivre de cet art ? Partout où je passe en Afrique, les gens me facilitent les choses. L’anecdote que je vais te raconter, est que je suis arrivé à Paris, je faisais la queue à Roissy Charles De Gaulle avec un ministre de marque de mon pays. L’agent qui était au guichet m’a appelé pour me dire : « C’est vous commissaire Balla ? » J’ai dit oui. Il dit, « mais vous, vous pouvez passer ! » Je lui ai dit que je suis avec mon ministre. Il me dit, « mais je m’en fou ! Il fait la queue comme tout le monde ».

Le fait d’être populaire constitue pour vous un passeport qui vous facilite tout. Mais est ce qu’il n’y a pas de problèmes en étant populaire ?

Pas du tout ! Au contraire ça fait plaisir d’être populaire dans nos sociétés. Quand je dis nos sociétés, que ce soit au Faso ou au Mali c’est la même chose pour moi. Je sais qu’on ne peut pas m’agresser ici ! Dans d’autres sociétés, on se serait fait entourer de loubards. Pourtant que ce soit au Faso, au Mali, en Côte-d’Ivoire ou ailleurs en Afrique personne ne peut m’agresser tant qu’il n’y ait quelqu’un pour me défendre. Parce que nous avons la même sensibilité sociale. Ce passeport comme tu l’as dit, confirme l’intégration africaine.

Vos propos témoignent de l’intérêt et du crédit que vous accordez à votre profession. Quels conseils avez-vous à donner à vos jeunes frères qui embrassent le métier avec moins de rigueur ? Et que dites-vous à ceux qui pensent que la comédie est la profession de ceux qui ont échoué à l’école ?

Là, c’est une des meilleures questions que vous me posez ainsi. Vous savez, comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens. Il n’est pas donné à tout le monde d’être artiste. Pour l’être, il faut avoir beaucoup d’abnégation et être intelligent. Amadou Hampaté Bâ l’a dit, « pour être artiste, il faut avoir un cœur de tourterelle, il faut avoir un estomac d’autruche et puis il faut et surtout avoir une peau de crocodile ». Pour couper court, il faut que la jeune génération accepte de souffrir. Les gens ont coutume de dire qu’en Afrique on ne gagne rien, il y a ceci, il y a cela. Les Molière, Les Racine… ce sont des gens qui ont soufferts pour finir dans la misère ! Mais il a fallu ça pour que leurs successeurs puissent en bénéficier. Est-ce que vous savez que Jean Molière a consommé de la vache folle et il est mort sur scène. Ils sont combien les jeunes qui le savent ? Il faut que les gens acceptent de souffrir avant d’espérer être millionnaires. Il faut bosser, travailler et travailler dur ! Il ne faut jamais croire qu’on peut tout avoir cuit. On ne peut rien avoir sans travailler dur.

Pensez-vous à la relève ? Pour qu’on puisse dire un jour que ça, c’est un pur produit de Gabriel Magma Konaté ?

La relève ? Non et non. Je voudrais plutôt être un repère pour la nouvelle génération. Qu’elle s’inspire de ce que je suis en train de faire comme travail. On n’est jamais parfait et il faut continuer d’apprendre. Quand je dis que j’ai la maîtrise en droit, j’ai appris ! A cet âge si je continue de chercher, c’est qu’on doit toujours apprendre. Vous savez, quand j’ai joué le commissaire Balla, j’ai constaté que j’ai des faiblesses en droit et c’est ainsi que je suis allé en faculté pour apprendre. C’est pour te dire qu’on doit toujours se former. Il ne faut pas attendre d’être formé. Moi j’ai eu des repères, il y a des gens, sur qui je me suis appuyé comme repères !

Comme qui ?

Quelqu’un comme Balla Moussa Keita. Lui il est une référence en République du Mali ! Ce sont des gens qui ont donné la beauté du travail que nous, nous sommes en train de faire aujourd’hui. On a eu pas mal de repères comme Harouna Sow et bien d’autres qui nous ont donné de beaux exemples.

Quel rôle vous a le plus marqué de tous les rôles que vous avez eu à jouer ?

Haa…Beh, ce n’est pas facile à répondre ! Moi je veux être honnête. Quelqu’un te dira que c’est tel, ou tel rôle. Je dis non. Tous les rôles que j’ai joués, je les ai beaucoup appréciés et avec plaisir j’ai joué. Quand tu me proposes ton scénario, je prends soin de le lire. Quand je ne trouve pas la dedans ce qui met en valeur la culture africaine, je suis en mesure de refuser quel que soit le cachet. Je mets l’accent sur les rôles qui contribuent à faire valoir la culture africaine. C’est vrai il y a des rôles qui me sont collés. Mais j’ai toujours joué mes rôles avec le même engagement. Pour moi il n’y a pas de petit rôle. Même si c’est un simple passage, passe de sorte qu’on te félicite.

Un appel à l’endroit de vos millions de fans ?

C’est de leur dire merci et qu’ils continuent de nous aimer, car les comédiens africains de talents on en trouve partout. Au Burkina ici j’ai des amis qui sont très talentueux, comme Albert Chrysostome. Quand je vais à Ouaga c’est chez lui que je loge. Il y a Alain Héma et Kady Jolie. Tout ça c’est des potes à moi qui font du bon boulot. En Côte-d’Ivoire, c’est la même chose, au Niger, pareil. Maintenant il faut que nos autorités soutiennent les productions africaines, car notre gros problème c’est le manque de soutien. Au lieu de payer les « télénovellas », qui affectent négativement nos mœurs, les décideurs feraient mieux d’investir dans les productions locales. Cela nous permettrait de mieux éduquer nos populations.

Interview réalisée Par Souro DAO

L’Express du Faso

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