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Technologie et propriété intellectuelle : Le point de vue d’un expert

Publié le mardi 13 septembre 2011 à 03h10min

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Dans cet article, M. Mahamadi TASSEMBEDO, Conseiller des Affaires Economiques spécialisé en droit de la propriété intellectuelle en service au Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, fait une analyse sur le thème de la présence journée.
Le Burkina Faso à l’instar des autres pays membres de l’Organisation Africaine de la propriété Intellectuelle (OAPI) célèbre ce mardi 13 septembre 2011 la 12ème journée Africaine de la Technologie et de la Propriété intellectuelle. Cette journée, instituée à Alger en 1999 par l’Union Africaine (anciennement Organisation de l’Unité Africaine) vise à mettre en exergue l’importance de la technologie et de la propriété intellectuelle pour le développement du continent africain.

Pour cette 12ème édition, le thème central retenu est « La technologie et la propriété intellectuelle comme sources de création de richesses ». La propriété intellectuelle qui se subdivise en deux branches est l’ensemble des règles qui protègent les œuvres de l’esprit. La première branche qualifiée de propriété industrielle renvoie aux œuvres applicables à l’industrie notamment les brevets d’invention, les marques de fabrique et de services, les indications géographiques etc.

La seconde branche est constituée du droit d’auteur (droit qui protège les œuvres littéraires et artistiques telles que les écrits, les œuvres musicales, les œuvres d’art … ) et des droits voisins (droit qui protège les intérêts juridiques de certaines personnes physiques ou morales qui contribuent à rendre les œuvres accessibles au public). Dans un contexte d’économie mondialisée et libéralisée, comment la technologie et la propriété intellectuelle peuvent-elles contribuées la création de richesses dans les pays membres de l’espace OAPI ?

L’activité industrielle et commerciale à travers le monde a connu ces dernières années une profonde mutation avec l’avènement de l’économie du savoir ou l’économie de l’immatériel considérée de nos jours comme le moteur déterminant de la croissance économique. Les critères essentiels du dynamisme économique des Etats, autrefois basés sur la richesse des matières premières, sur les industries manufacturières et sur le capital matériel ont évolué et ont fait place au talent, à la connaissance et au savoir. Les Etats se distinguent économiquement de nos jours par leur capacité à innover, à créer et à produire de nouvelles idées. Ainsi, la réussite industrielle dans un domaine donné n’est plus basée uniquement sur les critères techniques mais plutôt sur la marque, le concept, le service après-vente ainsi que la technologie intégrée. L’heure n’est plus à l’imitation mais à l’amélioration de l’existant et aux nouvelles créations. Cette situation entraine un déplacement de la production dans les pays à bas coût

de main d’œuvre et une spécialisation des pays développés dans les technologies de pointe, les économies de services, la construction de l’offre commerciale et la création ou la grande maîtrise du design.

En dépit de l’évolution de l’architecture industrielle et commerciale au niveau mondial, force est de constater que les économies africaines en général et celles de l’espace OAPI en particulier reposent toujours pour l’essentiel sur l’exploitation et la commercialisation à l’état brut des immenses ressources naturelles sans aucune valeur ajoutée. Pourtant présentée comme le moteur du développement économie et de la création de richesse, la propriété intellectuelle n’est pas encore utilisée partout de manière optimale, en particulier dans les pays en développement comme les nôtres. Cette discipline a toujours été reconnue comme le moteur des révolutions industrielles.

Les pays développés tels que les USA, l’Angleterre, le Japon, l’Allemagne doivent leur réussite industrielle et économique à la place qu’ils ont accordé à la propriété intellectuelle. L’intégration de la propriété intellectuelle dans les politiques de développement de certains pays qui partageaient presque les mêmes réalités économiques avec les pays africains dans les années 1960 ont pu décoller ces dernières années et même aller jusqu’à défier les nations anciennement développés sur certains segments du marché mondial. Sont de ces pays la Chine, la Corée, le Brésil, l’Inde etc.

Quant à la technologie, elle est aussi considérée comme un facteur déterminant du progrès scientifique et technique. Elle constitue également un moyen d’instaurer des conditions plus propice à l’émergence et au développement de nouvelles entreprises, lesquelles contribueront à la création d’emplois et de revenus par la création et la diffusion de biens et services nouveaux.

Ainsi, la technologie et la propriété intellectuelle peuvent et doivent être de véritables sources de création de richesses dans les pays membres de l’espace OAPI. A l’heure de la mondialisation et de l’explosion des nouvelles technologies, la propriété intellectuelle permet aux entreprises de maintenir ou de renforcer leurs avantages compétitifs en leur accordant des droits exclusifs et en leur assurant une protection contre l’imitation et la contrefaçon. Elle permet en outre aux entreprises de disposer d’un portefeuille de brevets, de marques ou de dessins et modèles, contribuant ainsi à enrichir leur capital immatériel, lequel capital est générateur de revenus soit par l’exploitation, la cession ou la concession de licences de ces différents titres. Le capital immatériel permet aussi d’accroître le pouvoir de négociation des entreprises et leur image de marque. La technologie permet le passage des idées, des inventions aux biens nouveaux et innovateurs permettant ainsi d’inonder les marchés de produits de .qualité et en quantité suffisante. Ainsi, les entreprises caractérisées par un esprit de créativité et d’innovation verront accroître de façon substantielle leurs marges bénéficiaires.

Fort de ce qui précède, la réflexion sur la contribution de la technologie et de la propriété intellectuelle à la création de richesses ne doit laisser indifférent les différents acteurs de la vie économique, politique, économique et culturelle.

Afin de permettre à la technologie et à la propriété intellectuelle de contribuer efficacement à la création de richesses dans nos pays, un vaste mouvement de reformes cohérentes s’avère nécessaire. Il s’agit entre autre de :
• Promouvoir d’avantage la recherche, l’invention et l’innovation et assurer une meilleure défense des droits de propriété intellectuelle ;
• Assurer un financement public adéquat aux institutions et centres de recherche ;
• Renforcer les incitations à la collaboration entre l’université et l’industrie ou à la collaboration entre les entreprises elles mêmes ;
• Renforcer et élargir le contenu de l’enseignement professionnel et technique d’une part et réorienter les missions de nos universités d’autre part ;
• Accroître l’effet de levier par le recours au partenariat public-privé ;

• Instaurer un environnement propice à l’émergence de la demande et à la création d’emplois dans les nouveaux secteurs de croissance ;

L’économie mondiale a changé et une nouvelle composante s’impose aujourd’hui comme le facteur clé des économies développées. Celle de l’immatériel. Cette réalité ne plus être occultée par les pays africains en général et ceux de l’espace OAPI en particulier. Il s’avère nécessaire pour nos Etats de se tourner résolument vers la promotion des créations immatérielles dans tous les secteurs d’activités par l’utilisation de manière efficace et stratégique de la propriété intellectuelle qui a n’en pas douter produira des avantages sociaux, économiques et culturels. Ces différentes actions permettront aux inventeurs et créateurs de gagner de leur vie, aux entreprises de créer, d’innover et d’être plus compétitives, aux chercheurs de bénéficier des fruits de leurs recherches et enfin aux Etats d’améliorer le bien-être économique de leurs populations.

Mahamadi TASSEMBEDO
Conseiller des Affaires Economiques
Spécialisé en droit de la propriété intellectuelle
Tél : 70 25 37 78
E-mail : ( t_mahamadi@yahoo.fr)

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2011 à 19:02, par Alexio En réponse à : Technologie et propriété intellectuelle : Le point de vue d’un expert

    Voila une tematique qu8e les africains ont ignorer depuis des millenaires d annees ont est soumis a consommer tuout ce qui est inventer par l occident sans cherher autour de nous-memes des teknologies dites artisanales copier par les touristes et developper en europe sous brevet protege.Jeg voudrais poser une question a l auteur de cette rubrique.Ou en Afrique peut-on enregistrer son brevet d invention ?

  • Le 14 septembre 2011 à 15:43, par Kelgue En réponse à : Technologie et propriété intellectuelle : Le point de vue d’un expert

    Très belle analyse. Rien à ajouter. Mais je trouve que le fonds aurait pu être amélioré. J’aurai bien aimé que l’auteur de l’article nous disent davantage sur ce qui est fait au Burkina, sur ce qui peut être amélioré, puisqu’il est conseiller des Affaires Economiques. Son écrit tel qu’il est ne nous avance pas énormément et aurait pu être écrit par tout spécialiste des questions de propriété intellectuelle de n’importe quel pays sous-developpé.
    Ceci n’est pas une attaque personnelle. Je suis sûr que l’auteur a écrit avec bonne foi et son écrit, comme je l’ai dit, est solide. Mais cette façon de parler en général, sans jamais ou en tout cas rarement, s’enraciner dans le concret est une façon de procéder qui nous ruine, au Burkina et partout en Afrique Francophone. Quand on écoute un premier ministre Burkinabé parler de politiques économiques, vous avez l’impression que dans un an le pays serait un pays émergent. Mais au fond, c’est souvent un discours plein de généralité, difficilement controlables et vérifiables.
    Pour revenir à l’écrit ci-dessous, si l’auteur avait été concret, son écrit aurait, par exemple, pu répondre à la question posée par le post précédent : à savoir où protéger son invention. Je crois bien que qu’un inventeur/ Burkinabé, peut protéger son invention/oeuvre directement au Burkina ou directement à l’OAPI à Yaoundé.
    Honnêtement, s’il y a bien quelque chose que je déplore dans le discours des gouvernants au Burkina, c’est bien ce type de discours et de dissertation qui ne répondent pas aux questions concrètes.
    Que l’auteur de cet écrit ne prenne donc pas cette réaction de façon personnelle, j’ai l’impression qu’il n’a fait qu’écrire conformément à une tradition bien rôdée dans le pays. Mais je me permets juste de dire que c’est une façon de faire les choses qui, à mon sens, gagnerait à être révisée si nous voulons avancer.

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