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Débâcle des Etalons au mondial cadet : « Des sanctions pourraient tomber si … » (Colonel Yacouba Ouédraogo, ministre des Sports)

Publié le mardi 19 juillet 2011 à 02h30min

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Trois mois après sa nomination à la tête du département des Sports, le colonel Yacouba Ouédraogo veut faire bouger les choses à sa manière. Les sujets que nous avons abordés avec lui ne manquent pas d’intérêt et il pense qu’un championnat des cadets est devenu une nécessité pour repartir sur de nouvelles bases. Le mondial des moins de 17 ans, il l’a vécu au Mexique et des sanctions, selon lui, pourraient tomber s’il y a eu des légèretés dans le traitement des documents administratifs.

Vous vous appelez Yacouba Ouédraogo ; colonel de l’armée de votre état, vous Yac pour les intimes. D’où vous vient ce surnom ?

• Je voudrais d’abord dire que c’est un plaisir pour moi de voir l’Observateur Paalga m’ouvrir ses colonnes. Cela dit, passons à votre question. Je me rappelle que ce surnom YAC m’a été donné par des amis quand j’étais en 6e à l’école militaire préparatoire technique de Bingerville à Abidjan. Lors des matches de football, je me faisais remarquer par les passes et les dribbles. A chaque fois que j’avais le ballon, j’entendais : « Yac, je suis là ». Je comprenais tout de suite qu’un partenaire attendait que je lui fasse une passe. A l’issue du match, on me disait que YAC, tu as bien joué. J’étais moi-même surpris et c’était peut-être pour couper le nom Yacouba qu’on l’a raccourci en YAC. En plus du football, j’ai aussi pratiqué les sports de main, notamment le basket-ball.

C’est à Bingerville que vous aviez commencé à jouer au foot ?

• Avant mon départ pour Bingerville, je jouais déjà au foot dans la région du Centre-Sud. Quand je me suis retrouvé à Abidjan, j’étais à l’internat, où j’ai profité pour toucher à d’autres disciplines sportives telles que le basket-ball, le volley-ball, le handball, mais à l’école militaire préparatoire technique de Bingerville (EMPT), le basket était la plus en vue et je m’étais adonné entièrement à ce sport. L’autre passion, c’est naturellement le football, et des amis d’enfance étaient surpris de ne m’avoir pas vu évoluer dans un club de D1 au Burkina et en équipe nationale. A notre époque, on était doué pour le football.

Yac jouait à quel poste avec ses camarades de l’EPMT ?

• J’étais avant-centre et cela, depuis l’école primaire à Nobéré sur la route de Pô. L’ancien DAAF du ministère des Sports et des Loisirs Issaka Congo, avec qui j’avais joué quand nous étions dans la région de Manga, peut vous le confirmer.

On vous a aussi vu jouer au handball dans le cadre du championnat national dans les années 90. Qu’est-ce qui vous a guidé dans cette reconversion ?

• Quand je suis rentré au pays après ma formation, j’ai constaté que le basket n’était pas très en vue. Le handball était au premier plan et je n’ai pas eu de difficulté à m’y adapter. J’ai même été sélectionné en équipe nationale de basket-ball et en celle du handball. Mais j’ai opté pour la deuxième discipline parce que qu’elle conduisait au Koweït pour un tournoi. Les basketteurs, eux, devaient se rendre à Niamey. J’ai choisi le Koweït pour la simple raison que je voulais découvrir ce pays, surtout qu’on devait passer par la France.

C’est donc le voyage dans un pays lointain qui vous attirait le plus ?

• Evidemment ! A ma place, vous n’auriez pas hésité (rires). Qui ne rêve pas de voir Paris ? Je crois que c’était une belle occasion, et cela m’a vraiment le plus attiré vers le hand.

Quand vous êtes revenu d’Abidjan, vous n’étiez pas tenté de jouer avec l’équipe militaire de football ?

• J’avais plus de 23 ans quand je suis revenu au Burkina et mon point d’ancrage était les sports de main. Le foot, je le voyais comme un sport de masse. Par contre, dans les sports de main, l’ambiance me plaisait le plus et le hand était une de mes disciplines préférées.

Président de l’OLAO depuis 2000 et président de la section football de l’USFA en 2009, vous êtes aujourd’hui ministre des Sports et des Loisirs. Comment vous sentez-vous dans votre nouvelle fonction ?

• L’émotion passée après ma nomination, je me suis dit que je dois accomplir une autre tâche quotidienne. Mais je ne me sens pas perdu où le devoir m’a appelle. Je suis dans mon cadre, surtout que je viens de l’Office de liaison de l’Afrique de l’Ouest (OLAO) et du Conseil international du sport militaire, qui regroupe 14 pays. Cette structure compte une vingtaine de disciplines sportives. C’est pour vous dire que je sais où je me trouve. Mais ce ministère est un autre pallier parce qu’il faut appliquer la politique sportive du gouvernement et surtout du président du Faso pour laquelle il a été élu. En un mot, je suis dans mon milieu comme les poissons dans l’eau (rires).

Le travail est-il différent de celui que vous faisiez auparavant à l’OLAO ?

• Alors là, c’est vraiment un autre travail avec un concept différent. Tenez, il y a beaucoup plus de signatures qu’à l’OLAO. Le ministère, par exemple, travaille beaucoup avec les différentes fédérations sportives nationales et entretient des relations avec les autres ministères des Sports des pays étrangers. En outre, il y a des problèmes personnels et privés à résoudre pour trouver le jute milieu. Je crois que c’est l’OLAO en grand et le travail est colossal. On m’a donné une lettre de mission et il m’appartient avec mes collaborateurs de faire en sorte qu’à la fin de l’année, nous puissions donner satisfaction au Premier ministre et au président du Faso.

Quelle était l’une de vos priorités dès votre prise de fonction ?

• Tout le monde sait dans quelles conditions ce nouveau gouvernement a été mis en place. Le pays, comme vous le savez, a traversé une crise qui inquiétait de plus en plus les populations. Le président du Faso, qui a jugé utile de recadrer les choses, m’a fait appel avec d’autres hommes et femmes par l’entremise du Premier ministre pour apporter un sang neuf à l’action gouvernementale.

La tâche la plus importante était de faire baisser la tension et je crois que le thermomètre est en train de revenir à la normale grâce à la volonté de tous. Vous savez, c’est dans la paix qu’on construit un pays, et le désordre retarde le développement. C’est ma conviction, et quand la population se retrouve, elle ne peut que se mettre au travail. Le sport est un facteur de rapprochement, et au département des Sports, nous ne ménagerons aucun effort pour que la paix devienne véritablement une réalité au Burkina, que nous aimons tous.

Vous arrivez au moment où les Etalons sont en bonne position pour la phase finale de la CAN 2012. La qualification, selon vous, est-elle possible ?

• La qualification est à notre portée au vu des résultats enregistrés jusque-là. Si nous ne terminons pas en tête de notre groupe, nous avons des chances de figurer parmi les meilleurs deuxièmes. Il nous reste un dernier match à jouer à Banjul contre la Gambie pour valider notre ticket pour la CAN 2012. Les joueurs, d’ailleurs, savent qu’ils sont à 90 minutes du bonheur et je suis sûr qu’ils se battront en octobre prochain pour terminer les éliminatoires en beauté.

Si l’espoir est permis, il y a cette enquête de la CAF sur Hervé Zengué après le match contre la Namibie à Windhoek, qui inquiète un peu les inconditionnels du onze national. Cela ne trouble-t-il pas aussi votre sommeil ?

• Il n’y a pas lieu de s’inquiéter et nous croyons que tout ira bien pour les Etalons. Concernant cette réserve, il est tout à fait normal pour la Namibie de faire ce qu’elle estime quand elle a des doutes sur tel ou tel joueur. Quant à nous, il est aussi de notre droit de fournir des preuves. La Fédération m’a assuré que tous les documents ont été envoyés à la CAF et nous attendons la décision de l’instance du football africain. C’est ce que je peux dire pour le moment sans ajouter autre chose.

Le gardien de but brésilien, Nilson Corréa, qui est au Portugal depuis des années, avait donné son accord pour jouer avec les Etalons. Mais il a fini par renoncer sous la pression de son club. Qu’en pensez-vous ?

• Quand j’ai demandé à voir le dossier de Nilson, j’ai vu qu’il fallait du temps pour mettre à jour sa licence. Avec la Fédération, les entraîneurs et d’autres techniciens, nous avons échangé et, au vu des documents, j’ai décidé qu’on attende que les choses soient claires à son niveau. Je l’ai fait après mûre réflexion pour éviter les problèmes comme le cas actuellement de Zengué. Le problème de la naturalisation en football est un domaine complexe et il faut s’entourer de toutes précautions.

Pourtant, le joueur affirme, dans une lettre, que son contrat est menacé…

• A Windhoek, j’ai appris qu’on voulait l’aligner, mais la veille de la rencontre je me suis opposé à ce qu’il joue. Nilson a dû aussi apprendre qu’il ne serait pas dans le onze de départ et il lui fallait peut-être des arguments pour dire ce que tout le monde sait. A dire vrai, son club n’y est pour rien et il a lui-même compris en repartant au Portugal qu’on n’avait pas besoin de lui en équipe nationale. Les techniciens m’ont dit que nous avons de bons gardiens à qui on peut faire confiance. Faire venir Nilson peut créer d’autres problèmes et troubler effectivement notre sommeil. Quand un dossier n’est pas clair, je ne m’y engage pas.

On attendait les Etalons cadets au Mexique, et ce fut un cuisant échec. Vous qui avez suivi leur prestation, quels commentaires en faites-vous ?

• Quand on parle d’une équipe cadette, cela sous-entend que ce sont des jeunes, qui sont fragiles. Avant le début du tournoi, ils ont appris que Banaba, leur défendeur central, n’était pas qualifié pour jouer. On leur a dit qu’il y avait des erreurs sur les passeports et les actes de naissance. Vous comprenez bien qu’on prend un coup au moral surtout que le groupe s’était préparé ensemble depuis longtemps. Et puis, il y avait une tension entre les entraîneurs et les joueurs eux-mêmes. Je crois qu’ils étaient un peu perdus et ils n’ont pas pu se concentrer lors de leur premier match. Face au Paraguay, ils ne se sont pas retrouvés jusqu’à la fin du match. Ce que je retiens de notre participation à cette coupe du monde, c’est que la compétition manquait aux joueurs et j’ai dit que nous devons revoir notre copie.

Quand vous voyez les Allemands ou les Français, on sent que leurs joueurs ont plus de 200 matches dans les jambes alors que nous, nous avons sélectionné nos éléments à partir des centres de formation. Je le dis et le répète, cela ne suffit pas et il faut dès maintenant songer à mette en place un championnat des cadets. C’est la seule voie pour donner de la compétition aux joueurs et sélectionner ceux qui méritent d’être retenus dans une équipe nationale cadette. Il le faut absolument pour repartir sur des nouvelles bases et surtout éviter que chacun vienne avec son joueur. Je pense que cet échec devrait nous faire réfléchir et il n’est pas tard pour corriger les erreurs.

Est-ce le seul joueur qui était concerné par les documents administratifs ?

• Romaric Pitroipa n’avait pas lui non plus ses papiers en règle et c’est quand même surprenant qu’on n’ait pas réglé tout cela avant le début de la compétition. J’ai été nommé il y a quelques mois et je suis venu trouver que les choses étaient déjà en marche. L’équipe était handicapée et les résultats sont vraiment décevants. Je pense que la Fédération a donc intérêt à expliquer cette situation au peuple afin de calmer la tension qui règne en ce moment autour de notre football.

On sait que vous avez demandé à la Fédération de vous faire un rapport sur ces problèmes de passeports et les actes de naissance. L’avez-vous reçu ?

• J’attends toujours cette lettre d’explication, mais je dois dire que c’est pour qu’on puisse voir ensemble ce qui n’a pas fonctionné afin que notre football avance, de même que les autres disciplines sportives.

Avez-vous donné un délai à la Fédération pour s’expliquer ?

• Il n’y a pas de délai et, en principe, on n’a pas besoin de prendre trois ou quatre mois pour faire ce qu’on vous a demandé. La Fédération peut prendre tout le temps qu’il faut, mais nous attendrons aussi.

Comptez-vous prendre des sanctions s’il arrivait qu’il y ait eu incompétence quelque part ?

• A priori, il n’appartient pas au ministère de prendre des sanctions. Si je reçois la lettre d’explication, je rends compte à qui de droit et bien entendu si on constate qu’il y a eu des légèretés dans le traitement des documents, des sanctions seraient naturellement prises.

Revenons à ce championnat des cadets auquel vous tenez tant. Il sera financé par qui ?

• La Fédération est dans son rôle et le ministère avisera. La saison prochaine, il faut que ce championnat des cadets soit une réalité et il en est de même pour les juniors. Nous essayerons d’appuyer la structure fédérale, et il faudrait qu’à ce niveau on évite la tricherie. Un championnat des cadets, ce sont les moins de 17 ans et il ne faut pas aller au-delà. C’est très important parce que c’est là qu’on prépare l’élite de demain. Je viens d’arriver et je crois qu’on suivra ce qui va se faire sur le terrain. Le financement dépend de ce que nous voulons et le moment venu, vous en saurez davantage.

D’où viendront les moins de 17 ans ?

• Nous avons des équipes de D1 qui participent au Faso foot et justement, ça devrait être automatique. Un club sérieux et ambitieux doit avoir des minimes, des cadets et des juniors. Au fil des saisons, on fait monter ceux qui progressent et petit à petit, ils accéderont à l’équipe première. De mon point de vue, c’est comme ça qu’on prépare la relève, et les équipes nationales sont constituées de ces joueurs qui s’aguerrissent. Nous allons bien sûr en collaboration avec la Fédération échanger avec les présidents des clubs pour qu’ils préparent des équipes cadettes en vue de leur championnat. Je sais que tout cela demande des moyens et nous réfléchirons ensemble. Sortir un bon noyau qui défendra les couleurs nationales passe par ce championnat et bien entendu avec une bonne organisation.

Les centres de formation peuvent-ils prendre part à ce championnat ?

• En Europe, les centres de formations appartiennent aux clubs, ce qui n’est pas le cas chez nous. Là-bas, on a une autre vision des choses et la différence est nette. Je pense qu’il faut éviter de pratiquer l’amalgame ; et les centres de formation qui sont gérés par des particuliers ne sont pas concernés par ce championnat des cadets. Si un club à un centre, le problème ne se pose même pas.

Vous êtes souvent au stade pour assister à des matches de championnat et il vous arrive de promettre des primes à telle ou telle équipe qui marquerait le premier but. Est-ce une façon d’innover au ministère des Sports ?

• Ah non, ce n’est pas une innovation au ministère. Cela ne fait pas partie de ma feuille de route et ce n’est pas dans mes priorités. C’est une innovation personnelle et je n’ai pas attendu d’être ministre des Sports pour donner des primes à des équipes. C’est une habitude qui est ancrée en moi depuis longtemps et cela remonte à ma cinquième. Quand je revenais pour mes vacances au village, je déposais tantôt un short comme prime pour le premier buteur et tantôt 100 F pour encourager les joueurs. Et mieux, quand je suis arrivé à l’OLAO, j’ai continué dans ce sens. Pour moi, c’est une façon d’encourager les équipes pour que le match soit vivant et que le public ne s’endorme pas. Je sais qu’il y a des gens qui critiquent ce geste, mais cela ne me décourage pas.

D’aucuns pensent que ce genre de geste est bon pour les tournois de maracana ou les matches dans les villages

• Si ces gens-là me suivaient, ils sauraient que je le fais dans les quartiers et même dans les villages. Quand je ne suis pas au stade, je suis quelque part où je suis les matches des enfants pour les galvaniser à faire du spectacle.

Le public sportif est toujours aux côtés de nos équipes nationales quand elles se produisent au stade et même hors du pays. Avez-vous rencontré les deux comités de soutien ?

• Aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul comité de soutien. Dès ma prise de fonction, j’ai rencontré le député El Mahamadi Kouanda, avec qui j’ai discuté pour qu’il dissolve son comité et c’est ce qui a été fait. Je peux même vous montrer une copie, laquelle a été adressée au ministère de l’Administration territoriale, qui en a déjà pris acte. Je pense que Kouanda est prêt à travailler avec l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE) pour que nos équipes nationales soient bien soutenues. Il est membre d’honneur avec des membres de son bureau. C’est bon pour la cohésion et c’est tous unis que nous obtiendrons ce que nous désirons.

Entretien réalisé par Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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