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Protection de l’environnement : La pression humaine menace les aires protégées du Nahouri

Publié le jeudi 5 mai 2011 à 00h53min

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Le Parc national Kaboré Tambi (PNKT) et la forêt classée du ranch de gibier de Nazinga constituent des réserves forestières importantes au Centre-Sud du Burkina Faso. Malheureusement, ces aires protégées subissent une pression due à l’action humaine. Braconnage, déforestation, pâturage (pour ne citer que ceux-là), y sont monnaie courante. Le comble est que les initiatives visant à éradiquer les mauvais comportements se heurtent souvent à l’opposition des riverains qui estiment qu’on veut leur « faire la force ».

D.H. est un berger. En ces temps de chaleur, sous le soleil accablant du mois de mars, D.H et son troupeau de bœufs se retrouvent dans la brousse, à la recherche d’herbes fraîches. Le hic est que l’endroit choisi par le berger est une forêt classée, à savoir le Parc national Kaboré Tambi (PNKT). Il s’agit d’une des aires protégées de la province du Nahouri dans la région du Sud-Ouest du Burkina Faso.

A la question de savoir pourquoi il a opté de faire paître son bétail dans cette zone protégée, le pasteur répond : « Je fais brouter mes animaux au parc, parce que je n’ai pas le choix. Il n’y a pratiquement plus de forêts dans la zone où l’on peut avoir de l’herbe fraîche, en ce moment précis ». Des comportements comme celui de D.H ne sont pas rares dans les aires protégées de la province du Nahouri. Il y a même des actions plus graves. Ainsi, l’on assiste à l’utilisation abusive des ressources des forêts protégées, à des défrichements d’espaces pour l’agriculture, à des actes de braconnage, etc.

Encore dénommé « forêt de Pô », le PNKT jouxte le cours du fleuve Nazinon. Il forme, avec la forêt classée du ranch de gibier de Nazinga, deux complexes forestiers importants du Burkina. Malheureusement, depuis un certain moment, des actions de déforestation se multiplient et inquiètent. Il en ressort que les pressions viennent de partout, même du Ghana voisin. Cependant, la pression la plus visible et la plus inquiétante est celle provoquée par les populations riveraines.

« Les mauvaises pratiques des populations riveraines sur les aires protégées touchent à la fois, le couvert végétal, la diversité floristique et les espèces animales les plus protégées », a déploré le chef d’unité du ranch de gibier de Nazinga, Dieudonné Yaméogo. Pour lui, le simple fait que des populations se soient installées à proximité de la zone protégée, joue sur la disparition de certaines espèces. « De nos jours, des espèces animales comme le lion, sont devenues rares. Le lion risque même de disparaître à la longue, si rien n’est fait, puisque c’est un animal qui aime la tranquillité », soutient M. Yaméogo.

Sur le terrain, les traces de l’action humaine sont visibles. Des arbres abattus par-ci, des traces de vieux champs, par-là.

Devant une telle menace de ces zones protégées, les initiatives ne manquent pas pour parer au pire. Ainsi, les autorités ont entrepris de déloger des zones protégées, les personnes illégalement installées. L’initiative se heurte souvent au refus et à l’opposition des incriminés. Néanmoins, depuis l’année écoulée, des effets concrets peuvent être constatés.

La bataille contre les installés illégaux

Samuel Atiana, la soixantaine environ, est un des anciens habitants de la zone interdite. Assis en compagnie d’autres camarades d’âge, il raconte qu’il a vécu dans la zone durant une vingtaine d’années. Le vieux explique qu’il s’y est implanté, grâce à la complicité du chef de Tiakané, village situé à huit kilomètres de Pô, sur l’axe menant au ranch de Nazinga.

« Quand je suis arrivé de la Côte d’Ivoire dans les années 90, c’est là-bas que j’ai atterri. J’ai bâti deux maisons de 20 tôles que les gestionnaires de la forêt ont détruites, l’année dernière (NDLR : 2010) », relate-t-il. En effet, les deux maisons de M. Atiana ont été touchées par le corridor reliant le PNTK et le ranch de gibier de Nazinga. L’ancien résidant de la zone interdite regrette le fait qu’il n’ait pas été indemnisé par ceux qui l’ont délogé.

Kouma Anatiabou a été, lui aussi, chassé de l’aire protégée. A l’heure actuelle, les deux hommes sont désemparés. Ils se posent la question de savoir où vont-ils cultiver désormais, pour nourrir leur famille respective ?

Des agriculteurs ont été également, déguerpis de la Zone villageoise d’intérêt cynégétique (ZOVIC), à proximité du ranch de gibier. « L’an dernier, un matin, des agents de sécurité sont arrivés, ont arrêté des paysans et sont allés les garder au commissariat de police de Pô », a déclaré M. Anatiabou. Et d’ajouter que les parents des personnes arrêtées ont déboursé des sommes d’argent, avant de voir leurs proches libérés.

Afin de protéger les aires réservées, des structures locales de gestion ont vu le jour. Pour les responsables de ces structures, les causes de la forte pression sur les aires protégées sont diverses. L’une des raisons selon eux, est la forte migration vers ces endroits. « Le nombre de riverains des zones interdites a presque triplé, à cause des populations qui sont venues et qui continuent de venir d’ailleurs », a avoué le président de l’association Go-bi-Yazura (la forêt, c’est la santé), Boniface Zibaré. Il a soutenu que lorsque les « étrangers » arrivent, ils corrompent les chefs de terres qui leur octroient des terres cultivables, même dans les zones interdites, à savoir les ZOVIC.

Une autre raison demeure la pauvreté des populations à laquelle l’on peut greffer des clivages sociologiques. « Le comportement inadéquat des riverains peut aussi s’expliquer par le fait que ceux-ci pensent qu’ils ne bénéficient pas de la forêt classée, alors qu’elle occupe leurs terres, le territoire de leurs ancêtres », a expliqué M. Zibaré.

Le coordonnateur de l’association Weogo-la-viim (la forêt, c’est la vie), Kuilga Yili, abonde dans le même sens. Il précise qu’il y a une pression foncière qui oblige nécessairement, les agriculteurs à se rabattre sur le parc. Pour lui, le manque de fédération digne des structures de lutte contre la déforestation dans la localité, fait que les acquis ne sont pas pérennisés.

Intégrer la population dans la lutte

« Les projets qui s’inscrivent dans la gestion du PNKT n’intègrent pas le phénomène de la population riveraine par rapport à la problématique de la gestion. C’est ce qui fait que les acquis disparaissent, une fois le projet à terme », a poursuivi Kuilga Yili. Il regrette le fait qu’avant l’arrivée des projets, les enquêtes d’implication des populations riveraines aient été faites, mais que lors de l’exécution des projets, ces populations n’aient pas été prises en compte.

Le chef d’unité du ranch de Nazinga, Dieudonné Yaméogo, est d’avis que les aspects surveillance et protection intègrent les riverains. « Le personnel forestier travaille, en étroite collaboration avec les populations riveraines des réserves. Cela lui permet d’être davantage opérationnel », a-t-il dit. Monsieur Yaméogo trouve, par exemple, qu’une bonne collaboration peut permettre de minimiser les effets des feux de brousse tardifs. Il suggère que les feux de brousse soient mis de façon précoce. « Les feux tardifs déciment beaucoup la végétation et constituent un facteur de dégradation de la biodiversité », justifie le chef d’unité.

Au nombre des propositions, les responsables d’associations de gestion des espaces protégées préconisent des activités d’appui à la protection, telles que les reboisements. Ils suggèrent également, les activités de maraîchage pour générer des revenus au profit des populations riveraines. A entendre l’un des responsables, « il faut des projets pour accompagner les populations riveraines du PNKT. C’est une communauté qui vit au rythme de cet environnement, qui compte sur les retombées de celui-ci ».

Antoine AKOANDAMBOU

Sidwaya

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