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Trame d’accueil des sinistrés de Yagma : Le coup de semonce d’une pluie

Publié le vendredi 14 mai 2010 à 03h15min

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Le sort s’acharne-t-il sur les sinistrés du 1er septembre 2009, relogés à la trame d’accueil de Yagma ? On est bien tenté de répondre par l’affirmative après le passage de la pluie dans la nuit du mardi (11 mai) à mercredi : des abris et classes de fortune emportés ; des tôles des nouvelles constructions délabrées, des sacs de ciment mouillés dans des tentes inondées, et nous en oublions. L’amertume et le désarroi se lisaient sur tous les visages lors de notre visite ce mercredi 12 mai 2010 sur ledit site.

« Je cherche quelqu’un qui peut confectionner des briques ». C’était le leitmotiv de Salimata Bikienga qui a laissé ses enfants pour faire le tour des communes (il y en a cinq sur ce site à l’image de la ville de Ouagadougou) à la recherche d’un « sauveur », celui qui l’aidera à transformer ses sacs de ciment mouillés en briques car dit-on, si ton bien s’enfonce et que tu n’y peux pas grand- chose sauve ce qui peut l’être en te saisissant de la queue. Modeste Nikièma est dans la même situation : « L’eau est très chère sur ce site. On attendait les premières pluies pour confectionner nos briques, et commencer vite la construction et voilà qu’elles viennent tout gâter ; tous mes sacs de ciment sont mouillés ».

Félix Nikièma, aidé par sa femme, a eu plus de chance et le coup de semonce de cette pluie l’amène à accélérer la construction de sa maison de 20 tôles “hier nuit (NDLR : nuit du mardi à mercredi) notre tente se soulevait au gré du vent et deux principaux bois ont cédé ; c’est dire que nous avons été inondés par l’eau de ruissellement, c’est pourquoi je me suis fixé pour dernier délai d’ici la fin de la semaine pour achever ma construction”, nous confie-t-il.

Des huit (8) tentes de l’école de la trame d’accueil, implantées depuis le 26 janvier 2010, une seule a pu résister au vent privant ainsi de classes, les 456 élèves du CP1 au CM2. Celle qui a résisté fait office du bureau du Directeur, Madi Ouédraogo. Celui-ci a dû dans l’urgence transformer son bureau en salle de classe pour les 17 élèves du CM2 qui affronteront bientôt les examens. Parmi eux figure justement celui-là qui avait demandé au Premier ministre, Tertius Zongo, comment devenir chef de gouvernement et qui se retrouve ainsi à la rue momentanément ; comme quoi les portes du bonheur se retrouvent de l’autre côté du désert.

« Toute la hiérarchie a été informée ; nous avons arrêté les cours pour les autres élèves en attendant que des mesures soient prises pour nous permettre de boucler l’année », nous dit Madi Ouédraogo, l’air inquiet. Son collègue du CE1, Zongo Sébastien, adossé au mur du forage, n’a que ses yeux pour déplorer les dégâts : “Tous les cahiers de composition, les livres et documents de guide sont mouillés, nous les avons exposés au soleil dans l’espoir d’en récupérer quelque-uns, les pauvres enfants me font pitié”, lance-t-il en laissant transparaître ses sentiments d’éducateur.

La présidente des mères éducatrices, Alimata Ouédraogo, rend grâce à Dieu pour ce que cette pluie n’a pas trouvé les élèves en classe, car cela aurait été catastrophique, selon elle, puisque les tentes ont été déportées à des dizaines de mètres. Envoyés en mission par l’inspection de Sig-Nonghin, Alphonse Toé du Service de la cantine scolaire et Pascale Valéa du Service de la Statistique, ont fait le constat des dégâts.

Selon eux, il faut renforcer rapidement les cordes et les piquets des tentes car, pensent-ils, cette pluie est une alerte. Ils ont promis de faire le point à qui de droit pour que les élèves puissent boucler les deux (2) mois restants en attendant que des classes dignes de ce nom soient construites. L’infirmier, Moïse Siboné, lui, déplore la déportation des salles de consultation et d’observation ainsi que l’inondation des armoires qui contenaient les registres de consultation et les produits d’urgence.

Mais pourquoi cette première pluie a causé tant d’amertume pour ces sinistrés de l’année dernière qui pensaient enfin être au bout de leur peine ? Un des responsables des sinistrés de Bogodogo (à ne pas confondre avec l’arrondissement de Bogodogo) Moumouni Ouédraogo croit en savoir les raisons, nous explique-t-il : “L’eau est une denrée rare sur ce site qui compte 5 communes et seulement 2 forages ; beaucoup ont eu les 30 sacs de ciment, les 20 tôles et la somme de 50 000 F CFA pour la reconstruction, mais ils attendaient les eaux de pluie pour confectionner les briques et faire le reste.

Nombreux sont ceux qui se sont retrouvés avec des sacs trempés. Il y en a aussi qui, dans cette attente, n’avaient pas de quoi se nourrir et ont soit dépensé les 50 000 F CFA soit vendu le ciment en se disant qu’ils pourront construire une maison en banco. Il faut relever que tous ceux qui ont pu se construire les maisons de vingt (20) tôles en parpings ont dû injecter au moins 150 000 F CFA pour d’autres dépenses.

C’est dire qu’ils avaient un peu de moyens et ceux qui n’en n’ont pas ne peuvent pas s’en sortir dans ces conditions. Pour la qualité du matériel, il n’y a à redire, les tôles 22 qu’on nous sert sont très faibles ; faites le tour, vous en verrez pas mal qui ont été déchirées alors qu’elles venaient d’être fixées. Pour l’inondation, ça se comprend aisément ; il n’y a ni voies, ni caniveaux, comment voulez-vous que la moindre pluie ne fasse pas de dégâts ?

L’Etat a fait certes des efforts, mais nous vivons ici la peur au ventre, ignorant ce que la saison pluvieuse nous réserve. J’aurais aimé que les autorités assistent au spectacle ; pendant la pluie, les pères de familles et les enfants d’un certain âge luttaient avec les tentes pour empêcher le vent de les emporter tout en recevant des torrents d’eau sur leur tête”. Cette pluie a valeur d’alerte pour les pensionnaires de cette trame d’accueil et les autorités compétentes sur les dégâts matériels et humains que pourraient causer les pluies de la saison qui s’annonce. Vivement que chacun joue sa partition pour prévenir des situations malheureuses, notamment un 1er-Septembre bis.

Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga

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