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ZONE INONDABLE DE DAPOYA : Amertume et colère des habitants

Publié le mercredi 21 octobre 2009 à 06h34min

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Suite aux inondations qui ont causé d’énormes dégâts dans certaines localités du Burkina, notamment à Ouagadougou, le 1er septembre 2009, et pour prévenir d’éventuelles situations du genre, le gouvernement a finalement décidé que les habitants des zones inondables devront être délogés et conduits vers des trames d’accueil. Mais les mesures d’accompagnement pour le relogement proposées par le gouvernement ne semblent pas avoir l’assentiment de tous. C’est le cas des habitants du secteur 12 de Ouagadougou que nous avons rencontrés dans la matinée du lundi 19 octobre 2009.

Au regard des immenses dégâts causés par les inondations du 1er septembre 2009, le gouvernement a décidé de ne plus laisser les gens se réinstaller dans les zones inondables. Comme alternative, il a pris, entre autres, la mesure suivante : "Des trames d’accueil seront aménagées dans la commune de Ouagadougou, précisément dans l’arrondissement de Sig-noghin, dans les villages de Yagma, Basséko et si besoin, de Dar-es-Salam. Des parcelles y seront dégagées et attribuées en priorité aux ménages qui habitaient les 23 000 maisons tombées en zones inondables, dont 1 500 sont en zone lotie et 11 500 en zone non lotie". Les ménages bénéficiaires de parcelles devraient être dotés de matériaux de construction d’une valeur de 280 000 F CFA. Les populations dans les zones inondables devraient donc être délogées. Et sur les sites où elles seront relogées, elles auront droit individuellement à des parcelles d’environ 200 m2.

Ce sont justement ces mesures d’accompagnement proposées par le gouvernement qui suscitent à l’heure actuelle des gorges chaudes au sein des sinistrés des quartiers Dapoya et Paspanga. Ils estiment insuffisantes les propositions du gouvernement. Nous avons rencontré les principaux plaignants, dans la matinée du lundi 19 octobre 2009, pour mieux comprendre leur problème. Il s’agit de vieux habitants du quartier qui y sont depuis des lustres, à l’image de Clément Tiendrébéogo qui est du reste conseiller municipal de la zone "C" du secteur 12. Il vit dans le quartier depuis 35 ans, d’après ses propres dires. Abou Dramane Zampaligré, responsable des anciens du quartier et Nicolas Tiendrébéogo, sont les deux autres membres du trio qui nous a reçu ce matin-là.

Le premier élément qui a provoqué le courroux de nos interlocuteurs, c’est la dimension des parcelles que le gouvernement leur propose : 200 m2, alors que les parcelles qu’ils habitent présentement couvrent, pour la plupart, environ 600 m2. En plus, leurs familles sont si grandes que les nouvelles parcelles seraient, estiment-ils, trop petites pour héberger tout le monde. Alors, ils trouvent qu’il serait plus juste pour eux que le gouvernement leur octroie, à défaut des 600 m2, au minimum des parcelles de 400 m2. Le deuxième élément que contestent les sinistrés, est exprimé par le responsable des anciens du quartier : "On nous a promis la somme de 280 000 F CFA et des matériaux pour nous aider à construire nos maisons là-bas (ndlr, au niveau des futurs sites d’accueil), mais ils n’ont pas voulu dire la composition de ces matériaux". En réalité, le gouvernement ne propose pas d’argent aux propriétaires de maison, mais uniquement des matériaux de construction d’une valeur de 280 000 F CFA. Les sinistrés qui étaient sous le régime de location devraient bénéficier d’un appui en numéraire de 50 000 F CFA.

"600m2 contre 200m2"

Des parcelles trois fois plus petites que leurs premières parcelles et uniquement des matériaux à 280 000 F CFA : de quoi enrager Abou Dramane Zampaligré qui se dit déçu du Premier ministre (c’est lui qui, lors d’une conférence de presse jeudi 15 octobre dernier, a annoncé les mesures que le gouvernement a prises concernant le relogement des sinistrés). "Quand il arrivait, nous croyions que le Premier ministre Tertius Zongo était venu pour nous sauver. Mais, nous nous rendons compte que ce n’est pas le cas", s’insurge-t-il. M. Zampaligré n’est pas prêt à "brader" (sic) sa parcelle de 600 m2 contre un minuscule lopin de terre de 200 m2. Plus modéré, Clément Tiendrébéogo, lui, propose une autre solution qui, espère-t-il, pourrait même désengager l’Etat si par malheur il arrivait un autre sinistre. La maison de Clément Tiendrébéogo se situe dans une zone que la mairie n’a jamais accepté de lotir du fait de sa proximité avec le barrage de Tanghin. Il propose que l’Etat, au lieu de les déguerpir, leur permette de rester là où ils sont, en leur faisant signer un cahier de charges, une sorte de protocole qui situerait leur responsabilité en cas de catastrophe. Mais, concernant cette option, les habitants du quartier ne se font pas trop d’illusions : l’Etat ne va pas accepter. Ce désespoir s’expliquerait surtout par leur conviction que depuis toujours, longtemps même avant les récentes inondations, le gouvernement convoitait la zone pour, disent-ils, y implanter un projet.

Du coup, ils trouvent superflu le prétexte tendant à faire croire que la zone est dangereuse pour que l’on y habite. Pour prouver cela, le conseiller municipal Clément Tiendrébéogo montrera les maisons construites en matériaux définitifs, notamment en ciment, qui n’ont nullement été endommagées par les inondations. Comme quoi, ils sont prêts à en faire autant si l’on leur permettait de rester dans leur ancien quartier et pour peu que les autorités reconnaissent aussi leur responsabilité et font curer le barrage et les caniveaux. Abou Dramane Zampaligré revient à la charge : "On ne peut pas nous déguerpir comme ça. Eux (ndlr, les autorités) savent pourquoi l’eau nous a bouffés (sic). Depuis des années, nous crions que le barrage, tout comme le canal qui traverse le quartier, sont bouchés. Ils ne pensent même pas à les faire curer." Au total, les habitants de Dapoya reprochent aux autorités de ne les avoir pas associés à la gestion du sinistre. "Ceux qu’ils rencontrent ne sont même pas des sinistrés. Les vrais sinistrés, ce ne sont pas ceux qui sont sous les tentes là-bas, c’est nous. Mais, ils ne sont jamais venus pour discuter avec nous", s’insurge à nouveau Zampaligré.

Par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

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