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Emplettes de fin d’année : « Même le Père Noël est frappé par la crise »

Publié le mercredi 24 décembre 2008 à 02h08min

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La période des fêtes de fin d’année est celle par excellence où tout le monde fait ses emplettes pour célébrer, chacun en fonction de sa bourse, le nouvel an et la Noël. Cette année, entre vie chère, crises financière internationale et alimentaire, les consommateurs regardent beaucoup plus à la dépense et effectuent moins d’achats que les années précédentes. Selon certains d’entre eux, même le Père Noël (personnage légendaire chargé de distribuer des cadeaux aux enfants pendant la nuit de Noël) est frappé par la conjoncture actuelle.

Tabaski, 48e anniversaire de l’indépendance, réveillon de Noël, Nativité, St-Sylvestre sans compter le jour de l’an…, décembre 2008 est, à n’en pas douter, le mois des dépenses festives pour les Burkinabé.

Cette année pourtant, les fêtes de fin d’année se déroulent en pleine période de récession économique, accrue par la vie chère, les crises alimentaire et financière. Au nombre de ceux qui râlent, Innocent Belem, cadre de banque, qui, à 11 h ce dimanche 22 décembre 2008, charge, aidé par un garçonnet, des guirlandes et des jeux de lumière dans le coffre de sa voiture, garée non loin du ciné Burkina.

Pour lui, les emplettes constituent un véritable casse-tête chinois, car « même le Père Noël est touché par la crise financière internationale ». Ce qui le réconforte, c’est que les enfants sont bien conscients de la conjoncture actuelle.

Il en veut pour preuve Steve, son fils de 09 ans, à ses côtés, qui au départ voulait un équipement complet de football, et au finish n’en est plus qu’à demander le maillot de son club fétiche, Arsenal FC. « Cela m’a beaucoup plu ; alors j’ai décidé de lui offrir, en plus, la voiture et la figurine de son héros de bande dessiné préféré, Batman », nous confie fièrement son père.

Pourquoi Steve s’est-il résolu à revoir à la baisse ses cadeaux pour Noël ? « Papa dit tout le temps à la maison qu’il n’a plus d’argent à cause de la crise (il prononce plutôt « trise »). J’ai déjà un ballon et des madres de foot ; alors je lui ai demandé le maillot seulement maintenant, et le reste pour mon anniversaire en février ».

Si la valeur n’attend point le nombre des années, la sagesse non plus. Malheureusement pour bon nombre de parents, l’exemple de Steve n’est pas des plus communs. Abdoul Karim Zoungrana, agent de l’Onatel, lui, affirme faire de son mieux malgré la crise actuelle et la baisse du pouvoir d’achat pour faire plaisir à ses deux enfants.

Choisissant des jouets dont une poupée dans les rayons de Burkina pas cher, il dit regarder davantage à la dépense, cette année. Même son de cloche chez Lazare Tarpaga, qui a amené ses deux bambins choisir ce qu’ils veulent en face de la pharmacie nouvelle. Il se montre philosophe : « Il y a la santé, c’est l’essentiel ». Jouets, parfums, montres, décoratifs et sapins de Noël, ce sont là les articles prisés pour l’instant par les clients de l’alimentation d’Issaka Tapsoba.

« Ils viennent doucement, mais beaucoup d’entre eux crient misère à chaque fois et discutent pour rabaisser les prix », explique-t-il. Qu’ils soient déjà décorés, couverts de neige, lumineux ou simples, les sapins de Noël se vendent comme des petits pains. Leur prix va de 6 000 pour une taille de 90 cm à 25 000 FCFA pour 240 cm.

Le Père Noël serait-il réellement touché par la crise, du haut de son chariot volant tiré par des rennes ? Une chose est sûre, les Ouagalais achètent moins de cadeaux à leurs proches que les années précédentes. Odette Nassouri, emballeuse de cadeaux devant Marina Market du centre-ville, dénombre moins de clients et se demande s’ils n’attendent pas à la dernière minute ou tout simplement n’ont pas fait une croix sur les présents par manque de sous.

Pour l’heure, elle n’écoule que ses cartes de vœux, obligée qu’elle est de tourner à la recherche de la clientèle, qui, malgré un forfait de 100 à 300 F CFA, trouve le moyen de négocier toujours une petite remise. Noël étant le jour de la naissance de Jésus-Christ, le marché des crèches, lui, est des plus prospères en cette période. Installés le long du mur de l’aéroport, du côté de la poste, Vladimir Compaoré et ses deux amis ne cessent d’en fabriquer, sur commande ou non.

A partir d’un plan dessiné par lui-même, en découpant des modèles sur du carton, ils confectionnent des crèches, qui, une fois, collées, mastiquées et enduits de gomme arabique et de granite, constituent un abri sûr pour le petit Jésus. Ces vendeurs de chaises en plastique au niveau des feux tricolores de l’avenue Kwamé-N’Krumah disent profiter de la Noël pour monnayer leur talent en confectionnant des crèches qui vont de 6 000 à 32 500 FCFA en fonction de la taille et surtout du « standing » (ils ont de crèches de trois étages).

Le menu, à la diète également

La tradition dans certains foyers gourmets veut que l’on y déguste une dinde farcie à Noël. Là aussi, foi d’Issa Compaoré, boucher à Marina Market de Gounghin, les quantités vendues ont diminué. Tandis que l’an passé, il vendait au moins dix dindes par jour à cette époque, il en écoule difficilement deux ou trois aujourd’hui. Il faut dire qu’à raison de 7500 CFA le kilo, ses clients amateurs de dindes doivent débourser près de 40 000 FCFA pour en avoir une de 5kg 300 sur leur table. Issa Compaoré reste néanmoins confiant, car les Ouagalais qui préfèrent les dindes, les canards et les cochons de lait déjà farcis pour le réveillon de Noël viendront les chercher au dernier moment.

A quelques pas de lui, les bouchers du marché de Gounghin, ses « modestes collègues », eux, ne partagent pas son optimisme. C’est le cas de Michel Tapsoba, qui présente une mine des mauvais jours parce qu’il n’arrive plus à vendre 3 moutons par jour, contrairement aux années passées où il en écoulait une dizaine. Il lui faut pourtant débourser près de 15 000 FCFA pour en acquérir un, en plus du transport de l’abattoir frigorifique et des redevances au marché.

Le kg de viande varie, chez eux, entre 1750 et 2000 FCFA. Le délégué des bouchers, Ernest Kaboré, nous explique que cela est dû au fait qu’ils subissent en cette période une forte concurrence venant des pays voisins qui, eux, trouvent la matière première à l’intérieur du pays en achetant les meilleurs bœufs. « Ça ne bouge pas du tout, cette année. Après la Tabaski, il nous a fallu près de trois jours pour épuiser la viande que nous avions stockée dans nos frigos et que nous n’avons pas pu vendre », nous relate-t-il.

Pour ces fêtes, les gallinacés sont également à l’honneur et selon les vendeurs, leur consommation s’est accrue ces dernières années. « Avec la vie chère, le nombre des poulets va diminuer cette année à la maison », relève, avec humour, Eléonore Couldiaty, sociologue, venue faire ses achats. Mais déjà, les revendeurs de gallinacés du marché de Gounghin se frottent les mains, car certains consommateurs viennent acheter de jeunes coqs qu’ils vont conserver au frais, en prévoyance d’une augmentation des prix à l’approche des fêtes.

Les pintades coûtent 2000 FCFA et les poulets vont de 2000 à 2250 FCFA. Parmi ces vendeurs, Soumaïla Tapsoba et Gaston Kaboré, eux, dénoncent pourtant une pratique peu orthodoxe de leur clientèle : « Y a pas l’argent, c’est vrai ! Mais les clients tombent eux-mêmes dans leur propre piège. Croyant faire de meilleures affaires, ils interceptent les éleveurs de poulets lorsqu’ils viennent nous faire livraison ; cependant ceux-ci les leur vendent plus cher qu’à nous à environ 2500 FCFA.

Actuellement les éleveurs ne veulent plus nous approvisionner en volaille mais en vendent directement aux consommateurs, car c’est nettement plus rentable pour eux ». A malin, malin et demi ! Ils sont nombreux les Burkinabé qui « se mettront sur leur 31 » (s’habiller chic).

Quand des vendeurs de chaussures, comme Ila Ouédraogo, prétendent manquer de mocassins et de souliers « pointinini » actuellement du fait d’une forte demande, Mahamadi Kaboré, lui, ne compte pas plus de 05 clients par jour. Sa clientèle se compose essentiellement de tailleurs qui viennent chercher le nécessaire pour leur couture, et il n’arrive à écouler que les tissus pour pantalons et les pagnes religieux. Afin de réaliser de bonnes affaires, les commerçants redoublent de promotions, de remises et de soldes…

Les poches et les bas de laine (à l’intérieur desquels sont disposés les cadeaux selon la tradition) vides ; ou les marmites à moitié remplies et les tables modestement garnies… ; le moins que l’on puisse souhaiter aux Burkinabé, c’est de passer de joyeuses fêtes de fin d’année en bonne santé.

Hyacinthe Sanou (stagiaire)

l’Observateur Paalga

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