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Renouvellement des sections de la Ligue des consommateurs du Burkina : Chronique d’une élection controversée

Publié le mercredi 3 septembre 2008 à 03h38min

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Le nouveau bureau exécutif de la section provinciale du Houet de la Ligue des consommateurs du Burkina, élu dans des conditions, pour le moins controversées.

Annoncée comme une assemblée générale de tous les dangers, la réunion statutaire de la section provinciale du Houet de la Ligue des consommateurs du Burkina Faso aura tenu toutes ses promesses. Ce sont les modalités du renouvellement du bureau exécutif qui ont constitué la pierre d’achoppement. Avec parfois des risques d’affrontements physiques, les membres de l’assemblée sont parvenus, après moult tractations, à la mise en place d’un nouveau bureau, en l’absence du bureau exécutif sortant et de ses militants qui ont claqué la porte, faute de compromis.

9 heures d’horloge. De mémoire de journaliste bobolais, jamais assemblée générale n’a autant duré. L’ordre du jour ne laissait pourtant pas présager les tiraillements et les tractations souvent violents qui ont émaillé le déroulement de l’assemblée : examen et adoption du rapport moral et financier, celui du commissaire auxcomptes et le renouvellement du bureau. Le bureau sortant, composé de cinq membres, dirigé par Brahima Traoré, avait été mis en place depuis 1998, et n’a depuis lors jamais été renouvelé, ni tenu d’assemblée générale si fait que suite aux affectations et contingences diverses, les membres se sont réduits à deux seulement. Certains militants avaient donc beaucoup de récriminations contre le bureau sortant et, attendant le moment fatidique pour le faire savoir, ont vite fait d’adopter les rapports présentés sans tergiversations.

Pendant que le bureau exécutif défendait le bilan les activités menées pendant 10 ans de 1998 à 2008, certains rongeaient les freins. Les premières critiques sont venues du commissaire aux comptes qui, dans son rapport, a déploré “ des dépenses circonstancielles ” non exécutées suivant un plan d’action et des manquements aux statuts de l’association en matière de répartition des droits d’adhésion et des cotisations. Pourquoi un bureau de cinq membres au départ se réduit à deux sans que l’on trouve à redire ? Pourquoi attendre dix années avant de songer à renouveler le bureau ? Le président tente une explication “insuffisante ” pour certains intervenants convaincus que le bureau sortant “ cassait son sucre sur le dos des autres membres ”. Les esprits s’échauffent et le vice -président de la Ligue des consommateurs chargé des sections, Abdoulaye Mossé, présent à l’assemblée générale (accompagné du secrétaire de la Ligue, Lazare Zoungrana et du responsable à la communication, Boris Edson Yaméogo) en tant qu’observateur tente d’apaiser la tension. Le secrétaire général de la Ligue nationale commet l’imprudence de reprocher au président sortant un cumul de mandats, car celui-ci serait également président de la section provinciale du Houet du Mouvement burkinabè des droits humains et des peuples (MBDHP). Vif, rectificatif des lieutenants du président : il n’est pas président de la section du MBDHP, mais un simple salarié du mouvement.

Le président sortant crie au complot

Ils remettent du coup en cause la neutralité des trois observateurs venus de Ouagadougou, qu’ils accusent d’être de mèche avec les pourfendeurs du président. Celui-ci s’engouffre dans la brèche “ des informations qui me reviennent, on veut m’évincer de force, j’ai vu des véhicules Peugeot bâchées transporter des militants ici ce matin pour voter. D’autres détiennent des cartes avec des signatures et des cachets qui ne sont pas les miens pour voter. Je porte plainte contre ceux qui seraient tentés d’utiliser ces fausses cartes ”. Il tempête, les yeux rougis, et crie au complot. Certains de ses lieutenants ne tiennent plus en place, comme ce militant de longue date qui crie à tue-tête : “ des groupes se sont organisés pour venir aux élections. Il y a des cartes sans signature.

Nous n’accepterons pas que du bétail électoral vienne voter des gens qui vont plomber l’association”. Il est midi, les choses s’enveniment et tout le monde est renvoyé à la pause : le calme avant la tempête électorale qui s’en suivra. En réaffirmant leur neutralité, les membres du bureau exécutif national présents en veulent néanmoins au bureau sortant, officiellement pour sa gestion durant des années par deux personne et aussi pour l’absence de restitution à Bobo-Dioulasso des travaux auxquels prend part la section du Houet, à qui ils imputent le fait que les Bobolais soient étrangers au mouvement consumériste. Officieusement, il est reproché à Brahima Traoré d’appartenir à plusieurs conseils d’administration de sociétés et de s’accrocher à la tête de l’association en proclamant qu’il n’y a rien dedans. Entre midi et 13 heures, on assiste à des engueulades à la limite de la politique.

Il fallait décider qui des militants est habilité à voter. Réponse de Brahima Traoré : “les membres de la section de Bobo enregistrés et à jour de leurs cotisations à Bobo-Dioulasso seulement ”. Il espère ainsi contrecarrer les cartes soit disant “ frauduleuses ”. Des observateurs répliquent alors : “ Tout membre de la Ligue affecté à Bobo-Dioulasso et à jour de ses cotisations pour peu qu’il ait la carte, doit voter ”. Les congressistes sont renvoyés encore une fois à des concertations. Les tendances deviennent de plus en plus lisibles. D’un côté, les “ pro bureau sortant”, qui soutiennent le maintien de l’équipe sortante, quitte à lui adjoindre d’autres personnes par un consensus. De l’autre ceux qui souhaitent voir Brahima Traoré passer le flambeau à quelqu’un d’autre après dix ans de “ règne ”.
Dès lors, il fallait un consensus. On est tombé d’accord pour que les deux camps trouvent un compromis.
En coulisse, le consensus semble sérieusement emballer les uns et les autres.

L’assemblée a rejeté le consensus

Des noms d’éventuels partants pour les mêmes postes à pourvoir commencent même à circuler. Mais une fois en salle, les positions se cristallisent de nouveau et chacun campe sur ses positions. C’est d’ailleurs l’assemblée générale qui a rejeté, à 14 heures, le consensus suite à des débats. A 17 h, la lassitude gagne les participants, mais il n’y a toujours pas d’accord, de consensus ou de vote. Le bureau sortant claque la porte, en proclamant le report de l’assemblée générale. Mais que nenni ! Quatre personnes surgissent de la foule, l’une d’entre elles se proclame président de séance et se propose de conduire l’élection du nouveau bureau section provinciale de la Ligue des consommateurs. La chose ne semble pas improvisée ! Des bouteilles de jus de fruits commencent à circuler parmi les participants, les observateurs assistent, applaudissent activement que les boycotteurs du bureau aient appelé “la mise en place d’un bureau fantôche ”, avec la bénédiction des trois membres “ neutres ” du Bureau exécutif national (BEN). “ Faisons vite ”, souffle quelqu’un au fond de la salle.

La composition du nouveau bureau

Le secrétaire de séance, un certain Abdoulaye Aziz Ouédraogo lance l’appel aux éventuels volontaires pour le poste de président de la section provinciale de la Ligue des consommateurs du Houet. Les masques commencent à tomber, les postulants sont tous issus de ceux qui ont combattu, il y a quelques minutes, jusqu’à triompher, le bureau sortant. Wanki Bognini, seul candidat, entrepreneur de profession, est élu au poste de président à l’unanimité par 49 voix. Aussi Kassia Pamelé Roland, seul volontaire au poste de secrétaire général passe avec 49/49.

Mahamoudou Bangré obtient la majorité (38) pour le poste de secrétaire chargé des finances, la responsabilité à l’information et la communication échoit à Bakary Sanou (41 voix), celle de l’organisation à Mlle Mana Sanogo, le suivi des plaintes, une nouvelle responsabilité revient à Hervé Zagré, un des meneurs de la fronde “ anti bureau sortant ” (47 voix). Le commissariat aux comptes atterrit dans les mains de Sayouba Compaoré (32 voix).
A 18 h le nouveau bureau est constitué et reçoit dans la foulée les félicitations du chef de la délégation des observateurs venus de Ouagadougou, Abdoulaye Mossé qui les a assuré qu’ils recevront une lettre de félicitations du Bureau exécutif national (BEN).

Il se ravise pourtant, lorsque nous lui posons la question de la régularité de la validité du vote. Celui-ci soutiendra que c’est “au BEN de trancher sur la base des rapports que leur feront d’une part, le bureau sortant qui a reporté les votes, et d’autre part, ceux qui ont tenu à mettre en place un nouveau bureau ”. En tout état de cause, il y a eu des fraudes ou tentatives de fraudes, manifestes. Nous avons vu des confrères détenant des cartes antidatées de militants de la Ligue des consommateurs qu’ils disent avoir reçu d’un candidat à la présidence juste avant le vote.

Les jeunes filles ignorant jusqu’à l’existence de la Ligue disent "être venues pour voter ” et attendaient dehors. Il est très regrettable que les intérêts des consommateurs, raison d’être de l’association soient mis entre parenthèse pour des échanges de propos orduriers, entre adultes, une bataille rangée pour le leadership. On aura compris jusqu’où pouvaient descendre les hommes dans la “ lutte postale”, comme le président Blaise Compaoré disait au sujet du combat de l’opposition burkinabè.
Certains membres du nouveau bureau sont répartis à bord de la fameuse Peugeot bâchée que dénonçait justement le président sortant.

Mahamadi TIEGNA
(camerlingue78@yahoo.fr)
Bakary Ouattara
(stagiaire)

Sidwaya

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