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An I de la Flamme de la paix : Finie la guerre, place aux manoeuvres politiques

Publié le jeudi 31 juillet 2008 à 11h17min

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Il y a un an que le coup d’accélérateur de la dynamique de sortie de crise en Côte d’Ivoire a été officiellement donné. L’un des symboles forts en est la Flamme de la paix dont l’an I a été célébré hier, à Yamoussoukro, en présence des chefs d’Etat particulièrement concernés par la crise, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré.

Quelle année ! Un pays qui semblait bloqué et condamné par la crise vit, dans une formidable accélération de l’histoire, s’accumuler les raisons d’un espoir légitime. La Côte d’Ivoire était, depuis des années que l’on comptait douloureusement, frappée par une crise qui affectait gravement son unité territoriale, le fonctionnement régulier de ses institutions, le dynamisme de son économie et l’harmonie qui doit caractériser la coexistence entre des citoyens d’un même pays, des fils d’une même nation.

Et, bien entendu, cette grave situation avait des conséquences désastreuses sur la sous-région dans son ensemble. Pendant des années, les médiations ont succédé aux médiations, les accords aux accords, sans pouvoir faire jaillir l’étincelle de la paix. Les esprits semblaient avoir définitivement pris le parti de la discorde, et le désir de vivre ensemble avait, selon toute apparence, quitté les coeurs. Or, en une année, la configuration politique a complètement changé : l’état de guerre peut être considéré désormais comme appartenant au passé ; les esprits sont tournés vers des échéances de paix qui consacreront, du point de vue institutionnel, la fin complète et définitive de la crise.

Bien entendu, la dynamique de la paix n’a pas été ce long fleuve tranquille qu’on aurait voulu. Une crise aussi ample et aussi profonde ne pouvait pas mourir sans spasmes et sans soubresauts. La marche vers la paix ne pouvait pas se faire d’une façon rectiligne. L’attentat contre Guillaume Soro, les critiques intempestives de Simone Gbagbo, les mutineries au sein des Forces nouvelles, sont emblématiques des difficultés qui ont émaillé la sortie de crise. Mais, pour l’essentiel, quand Laurent Gbagbo déclare à Ouagadougou qu’il est venu annoncer la fin de la guerre, il ne s’agit pas d’emphase injustifiée.

Le fait est que des pas décisifs ont été accomplis en direction de la paix. De cela, on peut paradoxalement prendre comme un témoignage, la préoccupation actuelle que le facilitateur Blaise Compaoré ne va pas manquer de prendre en charge. Ce n’est pas la crise politico-militaire qui est la source des préoccupations des acteurs aujourd’hui, mais plutôt la crise sociale et politique née de la flambée des prix des produits de première nécessité et sa gestion par le gouvernement.

Ce qui fait l’actualité, ce sont les démêlés entre le président Gbagbo et l’opposition rassemblée au sein du mouvement dit des Houphouétistes. Ce que le chef d’Etat ivoirien reproche à l’opposition, c’est de manquer à son devoir de solidarité avec un gouvernement auquel il participe, du fait des arrangements autour de l’accord de Ouaga. En effet, l’opposition houphouétiste critique les mesures gouvernementales et soutient les syndicats qui protestent contre ce qu’ils considèrent comme des fausses solutions. Selon Laurent Gbagbo, les Houphouétistes ne peuvent pas à la fois être dans le gouvernement et critiquer publiquement les mesures que ce dernier prend. Il y a, selon lui, un principe de collégialité qui organise la critique en interne et commande la solidarité au dehors. L’efficacité de l’action gouvernementale dépend de la cohésion de l’équipe qui ne doit parler que d’une même voix en direction du public. Il somme, par conséquent, les Houphouétistes d’être cohérents avec leur statut de mouvement membre du gouvernement ou d’en sortir. L’opposition, comme on s’y attendait, ne veut renoncer ni à sa participation au gouvernement, ni à sa liberté critique.

Ce qu’il y a de réconfortant, ici, c’est que l’on a affaire à un désaccord politique, qui s’exprime de façon régulière. Il ne s’agit pas d’un conflit qui traduirait l’exacerbation de forces sociales et s’exprimerait par des manifestations violentes. Qui plus est, il s’agit d’un problème compréhensible de positionnement politique dans la perspective d’échéances électorales dont on peut penser par conséquent qu’elles sont considérées par les acteurs comme proches. En effet, il est clair que les Houphouétistes sont dans une position compliquée et malaisée : ils ne peuvent pas quitter le gouvernement sans se couper d’une source d’informations stratégiques ; ils ne peuvent pas non plus endosser toutes les mesures gouvernementales s’ils veulent cultiver une particularité qui les recommanderait comme alternative auprès des électeurs. Qui ne comprend pas que dans une situation normale, la meilleure tactique aurait consisté pour les houphouétistes, si la crise sociale est importante, à en profiter pour quitter le gouvernement, marquer leur différence et creuser le trou. Mais d’une part, il est permis de penser que la crise sociale n’est pas suffisamment profonde ; d’autre part, quitter le gouvernement, n’est-ce pas renoncer à être un partenaire de la dynamique de paix ?

La situation est encore compliquée par le fait que la crise institutionnelle est source d’une certaine confusion : le président Gbagbo et le Premier ministre Soro ont-ils vraiment la légitimité pour décider en de telles circonstances ? Il est clair que, malgré les affirmations répétées de ses partisans, Laurent Gbagbo n’est pas un président constitutionnel dont les prérogatives seraient inattaquables. Cette situation d’exception explique la tendance des acteurs à se tourner vers le facilitateur dont la charge s’en trouve alourdie. On comprend donc aussi la nécessité d’aller, le plus rapidement possible, aux élections qui, en clarifiant le paysage institutionnel, permettra au jeu politique de se normaliser et d’acquérir un supplément de clarté.

Le Pays

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