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Protection de l’environnement : Cinéma gouvernemental pour une journée sans CO2

Publié le lundi 7 juillet 2008 à 12h50min

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La scène est assez inhabituelle pour ne pas être commentée encore longtemps. Notre Faso a beau être une grande capitale africaine des deux roues, il n’en reste pas moins que des ministres qui vont à leur Conseil à vélo, ça n’y arrive pas toutes les semaines. Pourtant, c’est à ce spectacle, pour le moins insolite, qu’ont assisté journalistes et autres témoins dans la matinée du 3 juillet 2008 à la Présidence de Koulouba.

C’était à l’occasion de la journée sans CO2, initiée par le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie. Plaisant à voir, était le film de ces dignitaires de la République, fièrement juchés sur leurs nouvelles montures et pédalant paisiblement sous les zoom amusé des photographes. Certains de leurs collègues, pour honorer le symbolisme de cet événement, ont fait usage du premier moyen de locomotion que Dieu leur a gracieusement offert, leurs pieds, pour arriver dans le saint des saints des amphis.

Les membres du dernier groupe, eux, ont joué aux "sans-véhicules-fixes", en s’engouffrant, à plusieurs, dans une seule voiture ministérielle. Blaise Compaoré himself a préféré marché. Une manière originale de rejoindre le Conseil des ministres. Avouons que, de mémoire de Burkinabè, c’est la première fois, la période révolutionnaire mise à part, que la journée sans CO2 est ainsi fêtée. Et il y a de quoi : à l’échelle mondiale, la pollution a atteint des proportions inquiétantes. Et comme ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, chacun, à son petit niveau, se doit de faire quelque chose pour la protection de l’environnement. Certes, nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions à ce sujet, puisque les donneurs de leçons eux-mêmes, c’est-à-dire les Occidentaux, ne nous facilitent pas du tout la tâche, pour ne pas dire qu’ils ne s’illustrent pas en bons exemples.

Pendant que le citoyen lambda est assailli par des pubs et des slogans sur l’urgence de la situation, les grands pollueurs, comme les constructeurs automobiles par exemple, persistent à proposer des voitures inutilement lourdes, rapides et puissantes, donc énergétivores. Globalement, les voitures vendues en Europe ont encore pris du poids, consommant en grande quantité le carburant tout en émettant plus de CO2, même si certains constructeurs, sentant sûrement la menace, envisagent de revoir leur copie dans le domaine. Nous sommes désolé, et on nous comprendra mais, dans ces conditions, il est difficile de croire aux bobards verts de l’industrie. Sans compter l’émergence de certains pays asiatiques, qui constituent désormais de principales armes de destruction massive de l’environnement. L’époque des vieilles statistiques est révolue, car, aujourd’hui, la Chine dépasse de loin les Etats-Unis dans la production de CO2.

N’empêche ! Il ne faut tout de même pas rester les bras croisés face au problème. Et le récent geste, assez fort, de Tertius et de son équipe a été positivement apprécié par bien des habitants du pays des hommes intègres, même si certains ont plus vu son côté folklorique, qui faisait quelque peu clownesque. Pour une première initiative, on ne devait pas s’attendre à ce que tout aille, comme sur des roulettes ! Cependant, le gouvernement, notamment le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, devra, à l’avenir, revoir le côté communicationnel de cette célébration. En effet, il y en avait, même au sein de l’équipe dirigeante, qui disaient n’être pas au courant de la mesure. Que dire alors du citoyen lambda, qui a d’autres chats à fouetter et peine, par ces temps qui courent ? Alors, la prochaine fois, il faut, comme on dit, mettre tout le monde dans le coup.

Même si le combat sera de longue haleine, parce qu’il y a un côté culturel qu’il faut bousculer : au Burkina, aller à pied est souvent perçu à tort comme un signe de déchéance. Tout à fait le contraire chez nos voisins ivoiriens, pour ne prendre que cet exemple. Et, curieusement, pour le vélo, c’est encore pire ! Son usage n’est toléré que pour les tout-petits qui vont à l’école. Combien de fois, s’est-on, en circulation, apitoyé sur une connaissance qui marche ? Si fait que de nombreuses formules ironiques pullulent sur cette manière de se déplacer : gratter, prendre le bus n° 11, Ouaga sans char…

Et pourtant ! Sous d’autres cieux, c’est loin d’être le cas. A ce sujet, il nous revient cette anecdote que nous a racontée un ami, qui était parti pour un séminaire en Allemagne. Chaque matin, son compatriote allait le déposer en voiture. Et presque à chaque fois, ils dépassaient un monsieur avec son attaché-case en main, qui cheminait tranquillement vers son lieu de travail. En bons Burkinabè, et percevant cela comme un martyr, ils insistaient systématiquement pour le déposer. A force pour eux de s’y mettre, le monsieur finit par accepter un jour de se faire transporter. Arrivé à destination, il leur remit sa carte de visite. Et, tenez-vous bien, c’était le PDG d’une usine pharmaceutique.

Il est évident que ce ne sont pas nos chers dirigeants, avec leurs véhicules à pots catalytiques, qui polluent le plus l’environnement. Par ailleurs, pour une question de climat, il n’est pas toujours aisé, en costume-cravate, d’être sur un vélo pendant le mois d’avril. Pour ne donc pas donner l’impression que c’est du cinéma, pour une journée sans CO2, que le gouvernement nous a servie, nous espérons que les VTT, fournis pour l’occasion aux ministres, ne seront pas définitivement rangés dans les magasins et ressortis un jour pour une vente aux enchères. Si la mesure gouvernementale se répétait, un moment viendrait assurément où la voiture et la moto seraient démystifiées.

Car, y a-t-il meilleure publicité pour une bicyclette que de voir un ministre dessus ? Par ailleurs, si, de temps en temps, Blaise Compaoré prenait le bus n° 11 pour aller à son service, il y aurait pour lui trois avantages : une meilleure santé de ses artères, une plus grande popularité, et l’assurance de faire la promotion de la marche. En effet, la vie chère semble s’être installée. Et les Burkinabé, qui avaient fait le deuil du vieux slogan révolutionnaire « Produisons et consommons burkinabè », sont en train de revenir à de meilleurs sentiments envers. Pourquoi donc ne pas changer aussi leurs habitudes en matière de déplacement ? En prenant, de temps en temps, les transports en commun ou en marchant sur les petites distances, par exemple ? Marcher peut bien user les souliers. Néanmoins, ça participe à la protection de l’environnement, de même que ça préserve le contenu de la poche, avec un grand avantage pour celui qui s’y donne. Ce qui, nous ne ferons pas l’insulte de vous le rappeler, fait du bien à notre organisme.

La rédaction

L’Observateur

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