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Procès d’étudiants de l’U.O. : Un verdict pédagogique

Publié le vendredi 27 juin 2008 à 11h37min

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Comme on le sait maintenant, après les manifestations violentes qui ont secoué l’université de Ouagadougou le mardi 17 juin 2008, une fournée d’étudiants a été interpellée et 35 d’entre eux appelés à la barre pour un procès marathon les 24 et 25 juin courant.

Ils étaient jugés pour avoir, selon les termes de la citation à comparaître, « par action concertée, commis des violences, des voies de fait ou causer des destructions ou dégradations aux biens meubles ou immeubles privés ou publics ou s’être introduits dans une manifestation avec le dessein d’y commettre ou faire commettre par les autres participants des violences, voies de faits, destructions ou dégradations de biens immobiliers ou mobiliers, en l’espèce la destruction des locaux de la présidence de l’université…d’avoir dans les mêmes circonstances de lieu et de temps porté volontairement des coups à des gendarmes… »

Comme il fallait s’y attendre, un tel jugement ne pouvait se dérouler sans une certaine passion, avec cette coloration politique qu’une partie de l’opinion est encline à lui conférer. Dans cette espèce de guérilla politico-judiciaire, qui a cours au Faso entre les tenants du pouvoir et leurs contempteurs, on a vite fait de voir dans l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB), la meneuse de la lutte estudiantine, un poste avancé de la subversion. Il faut pourtant dire que les problèmes soulevés par les pensionnaires de Zogona sont réels, tant les conditions de vie et d’études des étudiants se sont considérablement dégradées ces 20 dernières années, malgré les ravalements périodiques de la façade universitaire par les autorités, qui disent faire ce qui est dans leurs possibilités.

Dans ce dialogue de sourds, qui s’est souvent installé entre les deux parties, l’enseignement supérieur burkinabè, lequel a quelquefois frôlé l’abîme, a régulièrement été dans une zone de turbulences, dont les incidents du 17 juin ne sont que les derniers avatars. Les accusés ont-ils été pris, comme l’a affirmé le parquet, « parce qu’ils s’acharnaient avec une violence inouïe, jamais égalée, sur les biens dans les locaux de la présidence de l’université de Ouagadougou » et qu’ils étaient animés « d’une folie meurtrière avec l’intention de porter atteinte à l’intégrité physique des gens » ? Les mis en cause ont, en tout cas pour la plupart, nié en bloc les charges qui pesaient sur eux, et pour leurs avocats, le dossier était vide en fait et en droit.

Comme dans toute action judiciaire, où chacun voit midi à sa porte, quitte à nier l’évidence, difficile de dire qui a raison et qui a tort, tant les arguments des uns annulent bien souvent ceux des autres. Il ne reste donc qu’à s’incliner devant l’autorité de la chose jugée, pour emprunter au jargon judiciaire. Il faut néanmoins se féliciter d’une chose : alors que le ministère public réclamait des peines de prison allant de 18 à 36 mois, le tribunal, présidé par un certain Wenceslas Ilboudo, a finalement décidé de condamner quatre (4) des 35 prévenus à 6 mois de prison avec sursis, une amende de 5000 FCFA et le payement de 1 franc symbolique à l’Etat. Tous les autres, soit 31 personnes, ont été relaxés.

S’agissant d’un procès d’étudiants, c’est ce qu’on pourrait appeler un verdict pédagogique. Tout semble indiquer, en effet, que pour le principe et pour marquer le coup, il fallait traîner les incriminés à la barre, question de leur montrer qu’étudiants qu’ils sont, ils peuvent ou même doivent, à l’image de tous les justiciables, répondre devant la justice des actes qu’ils sont censés avoir posés. Sans pour autant que les magistrats aient la main particulièrement lourde même si l’action judiciaire, en elle-même, pourrait, par ailleurs, être interprétée comme une tentative d’intimidation, dans la mesure où, à l’avenir, les croquants de Zogona pourraient hésiter, par deux fois, avant de tenir le moindre rassemblement, fut-ce au restaurant universitaire.

A quoi ça aurait d’ailleurs servi de renvoyer ces pauvres étudiants à la MACO, sinon qu’à en faire des martyrs de la cause estudiantine, voire des prisonniers politiques pour certains, ce qui, au passage, pourrait contribuer à pourrir davantage l’atmosphère universitaire, qui est déjà suffisamment délétère. Avec les conséquences qu’on peut imaginer pour la validité de l’année académique, dont le calendrier a d’ailleurs être récemment réaménagé. Sentence d’apaisement donc du juge Wens, celui-là même qui a été, pendant de longues années, le magistrat-instructeur du dossier Norbert Zongo avant de lâcher la patate chaude en accordant, en juillet 2006, un non-lieu à l’adjudant Marcel Kafando, jusqu’alors le seul inculpé dans l’affaire.

Agnan Kayorgo

L’Observateur

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