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Togo : Comme le 15-Octobre au Burkina, un 13-Janvier à polémique

Publié le mercredi 16 janvier 2008 à 12h21min

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Gilchrist Olympio

Quatre ans après, jour pour jour, le 13 janvier 1967, il reprenait le pouvoir pour s’y installer pendant ... 38 longues années. L’histoire retiendra que le coup d’Etat du 13 janvier 1963 fut le 9e réussi en Afrique, mais le premier au cours duquel un chef d’Etat perdait la vie.

La mort du premier dirigeant togolais restera pendant longtemps sur le cœur du chef de l’Etat ivoirien Félix H.-Boigny (ami de Sylvanus), qui tiendra ainsi durant des années Eyadéma en aversion. Ironie de l’histoire, c’est pourtant le même Eyadéma qui sera l’un des derniers à s’entretenir avec Houphouët sur son lit de mort, en 1993.

Alors, que le timonier togolais ait célébré pendant des décennies l’anniversaire de sa prise du pouvoir par les armes, rien d’anormal, mais pourquoi viendrait-il à l’idée de son successeur de fils de perpétuer cette tradition ?

Une comparaison avec le Burkina ne serait pas superflue : le 15 octobre 2007, Blaise Compaoré fêtait "20 ans de renaissance démocratique". A l’opposé, les sankaristes commémoraient les 20 ans de la mort de Thomas Sankara. Une date, deux événements et une grande polémique.

En effet, si pour les "Blaisistes" cet anniversaire se justifiait parce que cela faisait deux décennies que grâce à un homme, la démocratie a refait surface et s’est ancrée, pour les partisans du père de la Révolution burkinabè, il était indécent de célébrer de cette façon l’assassinat de leur idole.

Est-ce l’influence de son Pygmalion burkinabè qui a dicté cette conduite à Faure Gnassingbé, le jeune président togolais ? En tout cas ce 13 janvier 2008, c’est par une commémoration festive, au goût de certains, que le pouvoir en place à Lomé a marqué le 45e anniversaire de l’arrivée au pouvoir du chef de la fratrie Gnassingbé.

Défilé, fanfares, remise de 100 000 francs CFA à chaque militaire, discours pour magnifier ce que Eyadéma père a réalisé ont été au cœur de cet événement que le chef de l’Etat togolais a voulu justifier par une volonté d’unité entre tous les Togolais.

Il va sans dire que l’opposition, en particulier l’opposant n°1, Gilchrist Olympio, ne l’entend pas de cette oreille : ce 13 janvier 2008 marque les 45 ans de l’assassinat de son père Sylvanus, le dirigeant de la lutte pour la conquête de l’indépendance nationale, et premier président démocratiquement élu lors des élections du 9 avril 1961. Du reste, dans ce camp, ce sont des exposés, des conférences-débats, notamment sur "la vie et le combat de Sylvanus Olympio" qui ont été les principales activités de ce triste anniversaire.

Mieux, comme chaque 13 décembre au Burkina depuis des années, l’UFC, le principal parti de l’opposition, a rassemblé ses militants autour de la tombe du premier président togolais à Agoué (Bénin) et le "Mia Dégnigba" a encore retenti pour signifier que la lutte continue.

Qui avait donc dit que Faure Gnassingbé n’a gardé des habitudes de son père que sa levée aux aurores ? Il faudra donc ajouter également le culte du 13-Janvier. Et pourtant l’attachement à cette date a intrigué à plus d’un titre.

On comprend difficilement que celui qui prône un autre discours, celui de la "rupture", pour employer un mot à la mode, qui essaie chaque jour d’exister en tant que Faure Gnassingbé, et non en tant que fils de... qui a fait, reconnaissons-le, de nombreuses concessions au point d’exaspérer les faucons qui l’entourent toujours, puisse poser un tel acte.

On le comprend d’autant moins que le Togo vient de vivre des législatives, qui mettent un terme à une transition et surtout à un long sevrage économique. Le scrutin du 14 octobre 2007, censé boucler la boucle, met aussi une fin à un éternel boycott de l’opposition, ce qui déjà était un grand pas vers cette unité. Certes, à l’Assemblée nationale et au gouvernement, le RPT règne en maître, mais force est de reconnaître que le jeune président a effectué un tournant positif de 180°.

Il lui faudra continuer à brûler les scories "éyadémiste" de ces 40 dernières années s’il veut réellement inscrire sa rupture dans la durée. Qu’il fête désormais le 26 avril de chaque année, nul ne lui tiendrait rigueur, car c’est le 26 avril 2005 qu’il a été élu, de façon controversée, mais élu tout de même.

Car à force de vouloir perpétuer certains actes de son père, Faure adopte une posture bancale, de celui qui est écartelé entre un passé rejeté par de nombreux Togolais et un avenir qu’il veut unitaire. En l’espèce donc, l’équilibrisme ne saurait prévaloir surtout qu’il veut incarner un nouveau Togo.

Autant dire que courageusement, certaines dates devraient passer à la trappe, ce qui ne signifie nullement qu’on est frappé de cécité par rapport à l’histoire, mais la commémoration de tels événements s’apparente à remuer un couteau dans la plaie. La dénomination des rues et avenues ou boulevards (tel celui du 13-Janvier) peuvent demeurer, mais des manifs festives sur des dates polémiquées font mauvais ménage avec la volonté de rassembler tous les Togolais.

Et la "fête de ce 13 janvier 2008 est inopportune surtout qu’elle intervient l’année même de la commémoration des 50 ans de la victoire électorale de "l’Ablodé" (2) le 27 avril 1958. Cela aurait été politiquement correct si le pouvoir en place avait attendu avril prochain pour célébrer l’événement, ce qui aurait sans doute suscité moins de rejet.

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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