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Col Mamadou Djerma , Grand chancelier : "Ceux qui critiquent les décorations sont des aigris"

Publié le jeudi 25 janvier 2007 à 08h46min

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Col Mamadou Djerma

Parmi les sujets qui ont défrayé la chronique en cette fin d’année 2006 figuraient sans conteste les décorations attribuées à l’occasion de la fête nationale du 11 décembre. Au coeur de la polémique ne cessait de revenir la question du mérite des distinctions par les récipiendaires.

Mais de là à remettre en cause la valeur des décorations, il n’y a qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir. Pour comprendre ce qui se passe autour de ces décorations annuelles, nous sommes allé à la rencontre du Grand chancelier des Ordres burkinabè, le colonel Mamadou Djerma, dont l’institution, la Grande chancellerie, a en charge la question.

"Le Pays : Combien de types de distinction y a-t-il au Burkina ?

Mamadou Djerma : Il y en a deux : les ordres nationaux et les ordres spécifiques.

Y a-t-il une hiérarchie entre les ordres ?

Oui, il existe une hiérarchie entre eux. Les ordres nationaux qui récompensent le mérite personnel et les services éminents, civils ou militaires rendus à la Nation, sont les distinctions honorifiques les plus élevées. Ensuite viennent les ordres spécifiques qui récompensent les personnes qui se sont distinguées dans leurs domaines par leur dévouement, leur valeur professionnelle, la durée et la qualité de leurs services.

Les décorations coûtent - elles aux récipiendaires ?

Pas tellement. Je prends par exemple le cas du chevalier de l’ordre national. Cette médaille coûte 89 500 F CFA hors taxes. Mais avec les taxes comprises, elle nous revient à 130 000 F CFA. Et la personne qui est décorée dans cette catégorie ne paie que 7 500 F CFA. Entre 130 000 F et 7 500 F, il y a une grande différence. Les récipiendaires ne paient qu’une somme forfaire, mais pas les médailles.

Combien sont-ils au total les Burkinabè à avoir été décorés lors de la dernière fête nationale ?

1 808, toutes distinctions confondues.

Peut-on en savoir davantage sur les critères sur lesquels tous ces citoyens ont été sélectionnés pour recevoir les décorations ?

Les propositions pour décorations se font sur la base d’un certain nombre de critères : l’ancienneté (15 ans de service en temps de paix), l’âge (avoir 18 ans révolus), être d’une bonne moralité et jouir de ses droits civiques. Toutefois, il existe des cas exceptionnels où les récipiendaires ne remplissent pas les conditions requises d’âge, de durée de service ou d’ancienneté de grade. Ces personnes sont décorées pour s’être particulièrement illustrées par des services extraordinaires.

Et qu’en est-il de la procédure ?

Chaque année, nous transmettons aux gouverneurs de région, présidents d’institution et aux ministres, une circulaire. Dans cette circulaire, nous leur demandons de nous faire des propositions de personnes à décorer dans les différents ordres. Le dernier délai de réception des propositions est fixé au 15 juillet. Une fois les propositions reçues, les conseils des ordres se réunissent pour examiner chaque proposition.

C’est à l’issue des réunions des conseils des ordres (chaque ordre a un conseil composé de 8 personnes) que l’on peut connaître les noms des personnes qui seront décorées à l’occasion de la fête nationale.

Imposez-vous des quotas à ceux qui sont habiletés à vous faire les propositions ?

Il y a des quotas que les ministres, présidents d’institution et les gouverneurs sont tenus de respecter.

Ces quotas sont-ils respectés ?

Ceux qui proposent sont tenus de respecter les quotas. S’ils ne le font pas, nous rejetons le surplus de propositions. Comme je vous l’ai dit tantôt, nous ne sommes pas seul à examiner les dossiers. C’est tout un conseil qui se réunit dans chaque ordre pour étudier chaque dossier afin de savoir qui remplit les conditions et qui ne les remplit pas. Pour être retenu, il faut avoir au minimum 15 ans de service, être bien noté, avoir un casier judiciaire vierge, etc. Si un dossier respecte tous ces critères, il est retenu. Dans le cas contraire, il est rejeté.

A vous entendre, toutes les décorations sont méritées ...

Pourquoi pas ? Ne connaissant et ne proposant personne, nous (la Grande chancellerie) faisons confiance à ceux qui nous font les propositions, c’est-à-dire aux ministres, présidents d’institutions et aux gouverneurs. Il faut leur faire confiance. Si on n’a pas confiance à un ministre, ce n’est pas la peine qu’il soit ministre. Il en est de même pour les présidents d’institution et les gouverneurs. Nous devons leur faire confiance.

Avez-vous déjà été saisi par quelqu’un remettant en cause des personnes décorées ?

Je n’ai jamais reçu une réclamation concernant des récipiendaires. Comme je vous l’ai dit, nous ne faisons pas de propositions. S’il y a des plaintes à faire, c’est au niveau des ministres, présidents et des gouverneurs, mais pas chez nous. Par exemple, vous êtes un journaliste. Si votre ministre dit que vous êtes un bon élément et qu’il vous propose, nous ne pouvons que lui faire confiance parce que nous ne vous connaissons pas.

Une personne sous poursuites judiciaires peut-elle bénéficier d’une décoration ?

Non. Mais il faut nuancer. Si elle est proposée, son dossier sera rejeté ; si elle est déjà décorée, nous suspendons la décoration par décret, une fois que le tribunal qui l’a condamnée nous fait part de sa condamnation. Mais dans ce dernier cas, il faut que la peine soit de plus de trois mois.

Parmi les cas qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salive lors des dernières décorations figure celui d’Issaka Korgo qui a été décoré malgré le fait qu’il était sous le coup de poursuites judiciaires. Il a même été récemment déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Est-vous informé de ce cas ?

Oui, nous en avons été informé et nous avons pris un décret pour suspendre sa décoration. Et comme sa condamnation excède 3 mois, nous avons introduit un autre décret à la Présidence du Faso qui sera incessamment signé par le Président du Faso. La signature du décret va définitivement consacrer l’exclusion de M. Korgo des membres des ordres burkinabè.

Que dites-vous à ceux qui estiment que la plupart des décorations que vous donnez ne sont pas méritées, et que tout cela contribue à dévaloriser les médailles, et partant, votre institution ?

Nous ne sommes pas de leur avis. Pour nous, les personnes décorées sont celles qui sont à la hauteur, parce que nous faisons confiance aux ministres, présidents d’institution et gouverneurs qui nous font les propositions. Des gens se plaignent parce qu’ils n’ont pas été proposés. S’ils étaient proposés, ils ne se seraient pas du tout plaints. Ce ne sont que des égoïstes et des aigris.

Qu’est-ce qui a été à l’origine du remplacement, en 1985 pendant la période révolutionnaire, des ordres voltaïques par ceux en vigueur aujourd’hui ?

Ce sont des raisons essentiellement politiques qui étaient à l’origine du changement. Les ordres actuels sont ceux de la IVe République. Et les acteurs de la Révolution ont voulu avoir les leurs quand ils sont arrivés au pouvoir. D’où le changement d’ordre en 1985.

Y avait-il, en dehors des aspects politiques, des choses reprochées aux ordres prérévolutionnares ?

A ma connaissance, non. La preuve, c’est qu’il y a des équivalences entre les médailles des différentes périodes. Par exemple, la médaille de bronze pendant la révolution correspond aujourd’hui, à la médaille du chevalier de l’Ordre national. C’est vrai qu’on peut déplorer le fait que les révolutionnaires, à leur arrivée, aient rangé complètement les médailles voltaïques dans les tiroirs. Mais il existe une correspondance entre les médailles de la IVe République et celles de la Révolution.

Mais compte tenu des critiques que suscitent aujourd’hui les décorations, ne faut-il pas envisager un nouveau changement d’ordres ?

Cette question relève d’une décision politique et, à ce titre, dépasse la compétence de la Grande chancellerie. Mais, ce que je peux vous dire, c’est que des changements ont été opérés pour tenir compte d’un certain nombre de situations. C’est par exemple le cas du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) qui, dans l’ancien système, comptait 30 à 40 000 instituteurs pour 30 places . C’était difficile. C’est pour cela que nous avons créé les ordres spécifiques pour que les meilleurs agents qui n’ont pas la chance d’être décorés dans les ordres nationaux, puissent l’être dans les ordres spécifiques. Pour les instituteurs, c’est l’Ordre de la palme académique.

Voudriez-vous ajouter quelque chose pour clore cet entretien ?

Je suis content que vous soyez venu à la Grande chancellerie pour bien vous renseigner sur les décorations. Nous demandons aux gens de ne pas se fier aux critiques qui sont émises çà et là à l’encontre de la Grande chancellerie par rapport aux décorations. Nous, nous ne connaissons et ne proposons personne. Nous ne faisons, en collaboration avec les conseils des différents ordres, qu’examiner et avaliser des dossiers qui nous sont transmis par des personnes compétentes. Bien sûr que nous sommes sensible aux critiques, notamment celles qui sont objectives et constructives, mais pas celles qui ne reposent sur aucun fondement.

Donc, que ceux qui ont besoin de renseignements sur les décorations, viennent. Nous sommes tout à fait disponible pour leur fournir les informations nécessaires.

Une fois encore, nous remercions votre organe Les Editions "Le Pays" pour cette initiative.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 janvier 2007 à 09:51, par Passakziri En réponse à : > Col Mamadou Djerma , Grand chancelier : "Ceux qui critiquent les décorations sont des aigris"

    C est vraiment malheureux quand de hauts responsables d un pays repondent à des critiques par des arguments similaires à ceux utilisés par Mr le Chancelier. On peut sûrement dans un pays qui veux avancer sans être aigri.Quand on se donne le luxe et l amateurisme de décorer des personnes poursuivies par la justice au vu et au su de tous, alors, il ne faut pas revenir pour affirmer que critiquer la methode de travail de l’institution responsable des décorations rélève de l’amateurisme.Ces genres de contrearguments ne sont pas de nature à faire bouger les choses, et ne feront pas bon exemple, car n’importe qui peux se référer à l’aigreur des autres pour réfuser d’analyser toute critique( on en entend de toutes les facons tous les jours ), et ne soyons pas étonner qu’à force de fermer l’oeil sur tout, les choses tournent mal un jour......

    Passakziri

  • Le 25 janvier 2007 à 10:42, par Bonona En réponse à : > Col Mamadou Djerma , Grand chancelier : "Ceux qui critiquent les décorations sont des aigris"

    Mon Colonel,
    Vous avez fait un faux pas. Voyez-vous, ce que vous semblez ignorer est que beaucoup de Burkinabe vous porte dans leurs coeurs, meme la majorite de ceux qui critiquent les decorations. Pour ma part, vous m’avez toujours inspire respect et dignite. mais j’avoue etre decu de vos propos. Vous avez l’age d’un grand-pere, et me sembliez consequement sage, c’est-a-dire au dessus de la melee politicienne et des politicailleries des burkinabe. Vous auriez du ne pas passionne pratiquer ce manicheisme que les politiciens ont utilise pour mettre en mal notre unite nationale chancellante. Vous etes une institution (Grand Chancelier). Il revient a une autre institution au dessus de vous de requerir la decoraation de X ou Y, cela ne vous engage en rien. Est-ce pour autant que les citoyens doivent etre d’accord avec les decisions de decorer X, Y, Z ? Non, Papa Djerma. Meme vous, sans le dire vous avez honte d’avoir delivre une medaille a un des derniers de vos laureats et medaillers, le Sieur Issaka Korgho qui en principe est actuellement au gnouf, non pour ses idees, mais pour malversations et crimes economiques contre notre faible economie. Peut-etre, me trouveriez-vous aigris de rappeler cela ? Puisque c’est une critique.Ceci n’est qu’un tout petit bout de l’Iceberg.
    Regardez dans la listes de tous les medaillers, sans staistiques fiables, j’ose croire que plus des trois cars Chevalier de l’Ordre ne sont pas propres comme Juda. Beacoup d’entre eux ne savent meme pas ce que veut dire une medaille, n’aillant rien fait pour la meriter. Regardez aussi les ministres du gouvernement de la 4e Republique. Presque, ou tous ont ete decores simplement pour avoir ete nommes au gouvernement ou avoir aime Blaise Compaore a un moment. Regardez presque tous les directeurs de Societes d’etat qui ont essaye de mettre a genou leurs societes sont decores. regardez aussi la tranche d’age des decores, seuls ceux au-dela de la 40taine, ou les jeunes en politique moins de 40 ans comme Gilbert Ouedraogo, ou ce hero de la lutte antiSida lui-meme vivant avec le VIH l’ont ete. Il ya des personnes, qui ont merite leurs medailles et ces medailles moi je les respecte. Je vis en Occident et sais ce c’est qu’une distinction. Les medailles que l’ont vous fait partager cpmme des cacahuettes aux amis politiques de votre mentor n’ont rien d’honporifique, Veuillez m’excuse du ton.
    De vous a moi, J’HONNORE MILLE FOIS LA DISTINCTION DU lARLE NABA par Sdwaya que les petits trucs vides de contenus que vous donnez a la plupart de vos distingues qui au fait n’ont rien montre. Moi je ne pense pas etre aigri. Je peux me foutre de ce qui se passe au Faso et si je veux avoir 2 medailles en 2 ans je peux le faire. Il me suffit de supporter le CDP aux legislatives prochaines avec une petite dizaine de millions de CFA (mais en quoi cela aurrait avance mon pays ?). Je suis tres decu de votre eculubrations, et la grande estime que j’ai toujours eu pour vous depuis que je vous ai connu est partie en fumee, meme si je vous respecte toujours a cause de votre age.
    Votre sagesse, et le caractere impersonnel de votre action jusque la appreciee devrait plutot vous amener a vous demander : "Pourquoi les gens critiquent-ils les decorations ? Qu’en disent-ils ? Que peut envisager mon institution ?" Seules apres reponses a ce genre de questions pourriez-vous avoir la notion du contenu des critiques des ces "aigris". Vous n’aidez ni votre institution, ni la nation. Vous avez recemment accuse la croissance de l’incivisme et j’etais d’accord avec vous. Apres vous avoir lu, j’ai contacte mon ambassade et me suis procure d’un fanion dans mon salon et un autre dans ma voiture. Mes enfants se ventent et expliquent aux autres enfants africaains et non americains l’origine de du nom de son pays. Pour votre information presque personne de ceux que je rencontre ici n’a deja entendu ce nom. A l’epoque de votre plainte de la decroissance du civisme je m’etais murmure qu’il vous fallait en chercher les causes. Votre reaction passionnee manque de sagesse, excuse mon outrecuidance, et pourrait generer plus d’incivisme. N’oubliez pas que l’attitude citoyenne des sujets est la resultante de leur confiance aux gouvernants. S’il vous plait ne divisez pas le pays en bons contre mauvais, en heureux contre aigris, ca fait des histoire (Rappelez vous que des militaires aigris vous ont coupe le sommeil en fin d’annee. Essayons d’ecoute, meme si on n’a pas les moyens de toujours apporter solutionne. Dieu vous en revaudra, surtout que vous m’avez l’air tres religieux.
    Si vous voulez vraiment aider votre institution qui n’a plus de valeur qu’a vos yeux et aux yeux de vos coquins, je veux dire copains, ressaisissez-vous et corriger le tir. Vous n’etes pourtant pas de rectifier le tir, surtout que les militaires au Faso n’ont jamais tord, et je me rappelle que vous en etes un, et meme un de la vieille garde, alors Garde a Vous, Mon Colonel.

  • Le 26 janvier 2007 à 16:06, par maimi En réponse à : > Col Mamadou Djerma , Grand chancelier : "Ceux qui critiquent les décorations sont des aigris"

    J’espère que cette fois ma contribution pourra paraître.

    Je ne veux pas entrer dans une polémique mais je dois reconnaître que moi-même je suis un peu frustrée par toutes ces décorations qu’on distribue comme des cacahuètes au Pays des hommes intégres. Je le reconnais le choix ne se fait pas au niveau de la Grande Chancellerie. Je me dis que cela est un peu dû au nombre des décorations qu’on attribue dans les ordres spécifiques. 30 places pour 40 000 agents c’est vraiment insignifiant mais il ne faut pas aussi banaliser les décorations. Quant j’étais enfant, j’étais émerveillée par ceux qu’on décoraient et ils représentaient un modèle pour moi. Aujourd’hui j’ai vraiment l’impression (je me trompe peut être) que les raisons des décorations sont plus subjectives et souvent même politiques.

    Pendant qu’on y est, quand le peuple critique, on n’est pas obligé de tenir compte de ses critiques ou de rectifier le tir mais soyez sûr que le Peuple peut décider un jour de rectifier le tir comme l’a fait notre Grande muette. Ne laissons pas cette manière de faire devenir une habitude ou une voie de revendication officielle.

    Ceci dit, je crois que Grande Chancellerie gagnerait à revoir un peu le nombre des médailles accordées et les personnes désignées par les structures qui les proposent.

    Merci et bonne Année 2007.

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