C’est en 2006 que l’école inclusive Siloé a accueilli ses premiers élèves. Ses effectifs se composent d’enfants avec déficience visuelle et d’enfants voyants, d’où son caractère inclusif. Avec un effectif estimé à une cinquantaine d’élèves venant de plusieurs villes du pays et internés sur place, Siloé comporte toutes les classes du cycle primaire, c’est-à-dire du Cours primaire 1ère année (CP1) au Cours moyen élémentaire 2ème année (CM2). Les élèves y suivent le programme normal d’enseignement et mènent des activités de vie journalière qui leur permettent d’être indépendants (lessive, vaisselle, activités de toucher, etc.).

En plus des élèves du primaire, l’école reçoit aussi des élèves du secondaire, qu’elle accompagne dans le suivi, le décodage et la transcription de leurs devoirs. « Lorsqu’il y a un devoir, nous récupérons le sujet auprès de l’école, nous le transcrivons en écriture braille et nous le remettons au professeur. Le jour du devoir, l’élève compose et nous récupérons le devoir déjà composé que nous décodons pour permettre au professeur de pouvoir corriger au même moment que les autres copies », explique Josette Ouédraogo/Naré, directrice générale de l’école Siloé. Les adultes en situation de handicap visuel bénéficient aussi de formation dans le domaine agro sylvo-pastoral et de cours d’alphabétisation.

Josette Ouédraogo/Naré, directrice de l’école inclusive Siloé, déplore la cherté du matériel didactique utilisé par les élèves

Plus de 600 enfants issus des rangs de l’école Siloé

L’école fonctionne grâce à l’appui de l’association et aux personnes de bonnes volontés qui font des dons (églises, ONG). L’Etat burkinabè accompagne également l’école, en y affectant des enseignants intégrés à la fonction publique. Sur un effectif de sept enseignants, on dénombre deux personnes malvoyantes. Certains enfants bénéficient de parrainages de structures et de personnes physiques, ce qui facilite la prise en charge de leurs besoins. Josette Ouédraogo/Naré soulève cependant le fait que plusieurs parents n’honorent pas leurs engagements de s’acquitter des frais de scolarité. Face à de telles situations, l’école se voit obliger de mobiliser les ressources nécessaires au bien-être de ces enfants.

Depuis la création de l’école, c’est un peu plus de 600 enfants qui y ont forgé leurs armes. Martin Kologo fait partie d’eux. Aveugle depuis la naissance, il a fait ses études primaires au sein de l’école Siloé et a été accompagné durant son cursus au secondaire jusqu’à l’obtention du baccalauréat en 2022. A ce jour, il est étudiant en première année de droit à l’université Thomas Sankara et ambitionne de devenir magistrat. Au cours des trois dernières années scolaires, c’est un taux de 100% qui a été enregistré au Certificat d’études primaires (CEP). De quoi encourager les enseignants mais aussi les parents d’élèves qui s’investissent dans l’éducation des enfants.

Martin Kologho, ancien élève de l’école Siloé, est désormais étudiant à l’université Thomas Sankara

Le coût du matériel didactique et son indisponibilité sur le marché pose problème

Si l’éducation constitue un véritable sacerdoce pour l’équipe dirigeante de Siloé, il convient de noter que les difficultés ne manquent pas et sont essentiellement d’ordre didactique. A en croire la directrice de l’école, Josette Ouédraogo/Naré, le matériel braille ne se trouve pas sur la place du marché, il faut en faire la commande depuis la France. Le coût de ce matériel est également élevé. En effet, les tablettes avec le poinçon sur lesquelles les élèves écrivent et qui leur servent d’ardoises sont à 18 500 FCFA l’unité.

Les cubas rites qui permettent aux élèves de faire des calculs et déposer les opérations sont à environ 50 000 FCFA l’unité. Les feuilles brailles qui sont des feuilles cartonnées que les élèves utilisent pour écrire sont aussi coûteuses. A cela s’ajoute le fait que certains élèves sont délaissés par leurs parents, une fois installés au sein de l’école. La directrice affirme qu’ils sont peu nombreux, ceux qui reçoivent des visites de leurs parents. Ce qui joue selon elle sur le moral des enfants.

Pasteur Lucien Naré, président de l’Association pour le salut des personnes handicapées de la vue du Burkina

L’école inclusive Siloé a été créée par l’Association pour le salut des personnes handicapées de la vue du Burkina. Une association qui a vu le jour en 1993 et est reconnue officiellement en 1994 avec des représentations à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Selon le pasteur Lucien Naré son administrateur, l’association a pour objectif de lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap visuel, l’analphabétisme et de créer un cadre d’épanouissement pour ces personnes.

Elle s’investit dans l’éducation pour tous à travers notamment l’école inclusive Siloé, l’ouverture de centres d’alphabétisation et la formation professionnelle de personnes handicapées dans le domaine agro-pastoral. Elle organise en plus des séances de sensibilisation à l’endroit des parents des enfants handicapés, pour les inciter à scolariser leur progéniture afin de leur offrir un avenir meilleur. L’association compte à ce jour plus de 300 membres répartis sur le territoire national.

Armelle Ouédraogo/Yaméogo
Lefaso.net