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SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

Publié le jeudi 22 juin 2023 à 22h15min

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SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

A quoi sert le Salon international du coton et du textile (SICOT), initié par le ministère burkinabè en charge du commerce, si l’Etat tourne sciemment le dos à certaines opportunités offertes par des pays étrangers, notamment le Japon, pour développer le secteur du coton et du textile au Burkina ? Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte ? Ce sont les questions que se pose François Oubida, ancien ambassadeur du Burkina Faso au Japon. Dans cette tribune, il égrène les occasions manquées par le Burkina pour booster ce secteur.

Le compte rendu du conseil des ministres tenu le 24 mai 2023, indique en son point II.5. (Communications orales) que « Le ministre du Développement industriel, du commerce, de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises a fait au Conseil une communication relative à l’organisation de la 3ème édition du Salon international du coton et du textile (SICOT), prévu pour se tenir les 26 et 27 janvier 2024 à Koudougou, dans la région du Centre-Ouest ».

La 3ème édition du Salon international du coton et du textile se tiendra sous le thème : « La transformation locale du coton : quels modèles d’industrialisation pour l’Afrique dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ? ».

Cette édition du SICOT servira de plateforme d’échanges et de réflexions et réunira les professionnels de la chaîne de valeur du coton autour des préoccupations et des opportunités de développement de la filière coton et du textile. Le SICOT est une tribune de promotion et de valorisation du coton africain et burkinabè et du savoir-faire des créateurs du continent.

En regardant un peu l’historique de cette importante manifestation, j’ai pu noter aussi que « le Salon international du coton et du textile (SICOT) est une initiative du gouvernement burkinabè qui vise à faire la promotion du secteur du coton et tirer le secteur vers le haut. La première édition de cet évènement s’est tenue les 27 et 29 septembre 2018 à Koudougou sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré ».
A l’évidence, tel qu’ainsi présenté, il se dégage l’impression que le SICOT traduit une volonté de nos autorités de promouvoir le secteur coton, surtout à travers toute sa chaine de transformation dans l’optique de faire bénéficier aux laborieux producteurs, d’une valeur ajoutée sur le fruit de leurs efforts.

Pourtant, que d’occasions perdues. En jetant un coup d’œil rétrospectif, il me semble que cette activité a été lancée sans aucune considération des initiatives passées. Par ailleurs, à terme, l’on est en droit de se demander pourquoi l’initiative viendrait du gouvernement si en réalité les perspectives ne vont pas au-delà de l’évènementiel.

Pour illustrer mon scepticisme, je me contente de rappeler les quelques faits qui suivent :

1. En 2008, suite au premier sommet Turquie-Afrique, le gouvernement turc a pris la décision de renforcer sa coopération avec l’Afrique dans plusieurs secteurs parmi lesquels le commerce et les investissements. En réaction, notre pays a saisi rapidement la perche, convaincu que dans ces genres de situation, la promptitude est généralement mieux récompensée. Dans ce sens, l’établissement d’une commission mixte de coopération a été proposée à la partie turque, aboutissant à la tenue effective de la première session en 2009. Cette approche a amené les milieux turcs à s’intéresser au coton burkinabè, notamment la perspective de reprise de Faso Fani et autres activités de la chaine.

Malgré l’envoi de plusieurs missions turques au Burkina Faso, force a été de constater qu’elles n’ont abouti à aucun résultat visible.

Paradoxalement, en 2017, un ancien conseiller à la présidence du Faso a organisé une mission d’étude en Ethiopie afin de s’imprégner de l’expérience de ce pays en matière de transformation du coton. Le drame en est que l’expérience éthiopienne a été bâtie par les hommes d’affaires turcs qui s’y sont repliés après l’échec des négociations avec le Burkina Faso.

2. A l’occasion de la TICAD VI qui devait se tenir pour la première fois en Afrique les 27 et 28 août 2016, le Gouvernement japonais a fortement encouragé le secteur privé de son pays à prendre des initiatives pour accroître ses investissements en Afrique. L’objectif était de saisir l’occasion de la tenue de ce sommet sur le sol africain, pour faire la différence, par la signature de plusieurs accords d’investissement.

A ce titre, notre gouvernement a été approché par la société MARUBENI pour la conclusion d’un accord par lequel le Japon doterait le Burkina Faso, clé en main, d’une usine de transformation du coton avec des perspectives d’appui pour l’exportation du produit fini. Le Ministère en charge du commerce a reçu le projet d’accord mais l’a tout simplement rangé dans les tiroirs, incriminant la forme aussi bien que le fond. Il n’a en aucun moment non plus, songé à tenir l’Ambassade du Burkina Faso au Japon informée de la démarche.

Informée durant le sommet de la TICAD VI à Nairobi par la partie japonaise qui a souhaité savoir pourquoi le Burkina Faso n’avait pas montré d’intérêt, l’ambassade a, à l’issue du sommet, relancé le dossier et, après bien de tergiversations de la part des autorités en charge du commerce, l’accord a été conclu et signé en 2018. Le montant de l’investissement que le Japon se proposait d’injecter était évalué à environ 700 millions de dollars américains, soit environ 400 milliards de nos francs.

Comme le dit si bien un proverbe populaire sous nos cieux, « chassez le naturel et il revient au galop ». Après la signature, le ministère du commerce a purement et simplement rangé l’accord sous le prétexte que selon des normes dont il est signataire à l’international, le gouvernement burkinabè ne peut pas s’impliquer dans un projet d’investissement à caractère industriel, compétence exclusivement dévolue au secteur privé.

3. Après le sommet de Nairobi, le Gouvernement japonais, représenté par le ministre de l’agriculture, a par ailleurs informé notre Ambassade à Tokyo, au cours d’une audience expresse, que le Burkina Faso a été choisi pour bénéficier de l’appui japonais en matière de promotion de la chaine des valeurs pour ses produits locaux. Enthousiaste, l’ambassade a tenu le ministre burkinabè en charge de l’agriculture informé, avec des propositions concrètes en vue d’activer la décision. Aucune réaction n’a été enregistrée.

En conclusion, à quoi sert ce Salon international du coton et du textile (SICOT), initié par le ministère en charge du commerce en 2018, année de signature de l’accord avec le Japon et après tant d’opportunités auxquelles il a sciemment tourné le dos ? L’international peut-il encore avoir confiance en notre pays ? Les juristes ne se plaisent-ils pas très souvent à nous rappeler que ‘’nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude’’ ?

Mon propos serait peu constructif si je n’attirais l’attention de l’administration sur la nécessité de mettre au centre de chacune de ses initiatives, l’intérêt national. Le SICOT, tout comme les multiples évènements qui mobilisent les ressources humaines et financières de l’Etat, devrait être la résultante d’une stratégie de promotion du secteur concerné, avec des objectifs clairs et une approche rationnelle. Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte ? Il est aussi de notoriété publique que notre administration donne peu d’importance au travail des ambassadeurs burkinabè, contrairement à celui de leurs homologues étrangers accrédités dans notre pays. Cet état de d’esprit doit positivement évoluer pour le bénéfice de notre pays.

François OUBIDA
Ancien Ambassadeur du Burkina Faso au Japon

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2023 à 16:23, par Serge KAMBIRE En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

    Bravo Excellence, M. l’Ambassadeur OUBIDA.
    vous soulevez-là des questions très pertinentes
    c’est l’une des problématique majeure de notre sous développement
    ce ne sont ni l’œuvres des français, ni des asiatiques, ni des américains voir des européens. C’est une stratégie très subtile de notre propre élites pour s’octroyer plus de frais de missions plus de dividendes dans nos caisses publiques.
    Enfin, je suis très à l’aise que ces propos sont tenu par un homme de haut rang

  • Le 22 juin 2023 à 16:32, par Bob En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

    2008, 2017, 2023…. Que cherchez-vous au juste ? Vous savez que l’administration burkinabé n’a ni archives bien organisées ni mémoire, si bien que si vous voulez être utile approchez vous des autorités concernées pour leur donner un coup de main. Mais quand Blaise COMPAORE était au pouvoir beaucoup de projets ont été morts nés parce que les proches de Blaise COMPAORE n’avaient pas suffisamment été intéressés par les investisseurs. Même un projet comme le FONER a subi la prédation des proches de Blaise. Au lieu d’écrire un pamphlet, aidez ces responsables du ministère qui ne sont peut-être pas au courant de ces opportunités et possibilités. Par paresse ils n’ont peut-être pas fouillé les archives ou par orgueil n’ont-ils pas interrogé les personnes ressources du ministère.

    • Le 23 juin 2023 à 10:24, par kwiliga En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

      Bonjour Bob,
      " Par paresse ils n’ont peut-être pas fouillé les archives ou par orgueil n’ont-ils pas interrogé les personnes ressources du ministère."
      Heu, la paresse ou l’orgueil vous semblent-elles des excuses valables ?
      En outre, je ne sais de quel sommet de Nairobi il s’agit ici, mais le dernier s’est tenu en 2022.
      Pour une fois qu’une personne au cœur du pouvoir, se permet de dénoncer un système, met en lumière l’origine de notre sous-développement, vous avez visiblement du mal à accepter la réalité et vous permettez de l’engueuler.
      Et pendant ce temps, le circuit infernal du coton burkinabè se poursuit : acheté sur pied par les chinois, il sera transformé au Sri Lanka ou au Bengladesh, les T-shirt et autres polos, seront parés de logos de marques prestigieuse en Turquie ou en Europe de l’est, pour être revendus à prix d’or au monde occidental, qui finira par nous renvoyer notre coton sous forme de "youg yougou"... à qui profite le crime ?

    • Le 23 juin 2023 à 10:39, par Yssif En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

      Mon cher Bob

      Que n’avez-vous pas compris dans cet écrit de haut vol ? Comment pouvez-vous lui demander de s’approcher des gens qu’il n’a pu convaincre alors qu’il était en poste ? Son écrit est pourtant clair. Nos gouvernants, en tout cas ceux passés (remarquez la période et imaginez ceux qui trônaient là), ont démontré que derrière la stratégie d’enfumage qui nous était servie, ils se moquaient de notre développement. On peut comprendre aisément que ce que les turcs et les japonais proposaient ne leur permettait pas à eux gouvernants de faire leur business sur notre dos. C’est pourquoi, ils ont usé de subterfuges pour rejeter ces offres salvatrices au profit de traficotages qui leur ont permis de meubler leurs comptes en banque.

    • Le 23 juin 2023 à 12:31, par caca En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

      Mon cher Bob : quel est votre âge ? A vous lire, on pourrait se demander si vous connaissez l’histoire réelle du Burkina avant le régime Compaoré que vous diabolisez. L’ancien ambassadeur qui parle ici a été envoyé au Japon par quel régime ? Si le sous- développement résumait seulement de la seule responsabilité de Blaise Compaoré et ses partisans, on peut se réjouir maintenant car depuis 8 ans Il n’est plus une personne ressource du pays. Vous savez que l’administration burkinabé n’a ni archives bien organisées ni mémoire, si bien que si vous voulez être utile approchez vous des autorités concernées pour leur donner un coup de main. Mais quand Blaise COMPAORE était au pouvoir beaucoup de projets ont été morts nés parce que les proches de Blaise COMPAORE n’avaient pas suffisamment été intéressés par les investisseurs. Même un projet comme le FONER a subi la prédation des proches de Blaise.C’est dommage car les proches de Blaise Compaoré ne pourront jamais vous répondre, mais en rappel c’est sous le régime Compaoré que le Burkina était devenu le premier producteur africain de coton avant d’être quatrième aujourd’hui. C’est sous ce régime que le coton africain a été bien défendu mondialement par un burkinabé. Le Burkina souffre à cause des gens comme vous !

  • Le 23 juin 2023 à 12:53, par Pimus En réponse à : SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte », s’interroge François Oubida

    Ce genre de comportement est coutumier de nos administrations. N’allons pas chercher loi les causes du classement de notre pays parmi les derniers du monde. Nous nous contentons le plus souvent de l’évènementiel au détriment de l’essentiel. C’est ainsi que les autres viennent s’inspirer auprès de nous pour nous surclasser dans l’action, pendant que nous nous satisfaisons des feux de paille, incapables de maintenir l’effort sur la durée.

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