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Licence d’affaires : Le Burkina compte environ 500 licences sectorielles

Publié le mardi 4 avril 2023 à 13h25min

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Licence d’affaires : Le Burkina compte environ 500 licences sectorielles

Au Burkina Faso, l’exercice de certaines activités économiques et commerciales est conditionné par une demande de licences d’affaires. L’objectif est de réguler et organiser les secteurs d’activités. Cependant, des démarches jusqu’à l’obtention de la licence, beaucoup de difficultés sont constatées. Pour aplanir ces difficultés, l’Etat et ses partenaires ont engagé des reformes. Quelles sont ces réformes ? Que comprendre d’abord par licence d’affaires ? Quels sont ses avantages ? Ce sont là, entre autres questions abordées par le secrétaire permanent chargé du suivi des reformes des licences d’affaires (SP/SRLA), Daouda Ouédraogo, dans cette interview. Lisez-plutôt !

Lefaso.net : Présentez-vous svp

Je suis Daouda Ouédraogo, secrétaire permanent chargé du suivi des réformes des licences d’affaires.

Lefaso.net Qu’est-ce qu’une licence d’affaires ?

Daouda Ouédraogo : On entend par licences d’affaires au sens large toute autorisation à priori nécessaire pour le démarrage et le fonctionnement de toute activité commerciale ou économique. Il s’agit notamment de toutes les licences, les autorisations, les certificats, les permis, les prélèvements, les redevances et autres taxes imposées sur les activités commerciales ou économiques par toute autorité de réglementation à l’échelle nationale, sectorielle, provinciale et communale. C’est cela la licence d’affaires.

Donc, est qualifié de licence d’affaires, un acte qui a dans ce sens-là et qui remplit les cinq conditions suivantes : l’acte doit être une autorisation écrite par l’Etat ou de ses démembrements ; un acte préalable au démarrage ou au fonctionnement de l’activité ; un acte nécessaire ; un acte institué par l’autorité de règlementation ; un acte qui vise une activité économique ou commerciale. Ceci dit, les actes délivrés par les entités privées, dans le cadre de leur organisation, de leur fonctionnement ou même de leurs activités, ne peuvent pas être considérés comme des licences d’affaires. Par exemple, les associations, les coopératives qui délivrent en leur sein des cartes de membres, ne sont pas une licence. Ce sont des documents qui permettent à ces entités de pouvoir s’organiser.

Lefaso.net : Quels rôles joue le SP-SRLA ?

D.O : Il faut dire que la mission et les rôles du SP-SRLA sont définis par son décret de création et par l’arrêté portant organisation et fonctionnement. Ainsi, sa mission principale est l’amélioration du climat des affaires à travers des réformes sur les licences d’affaires. En termes d’attributions, le Secrétariat permanent est chargé, entre autres, de suivre les réformes opérées en matière de licences d’affaires ; proposer des réformes et des innovations sur les licences d’affaires ; informer et sensibiliser les acteurs à tous les niveaux sur les principes d’amélioration du climat des affaires ; communiquer sur les réformes opérées sur les licences d’affaires ; collecter, traiter et diffuser la documentation en matière des licences d’affaires ; orienter les usagers en quête de licences d’affaires vers les services appropriés ; recueillir la perception des acteurs sur la délivrance des licences d’affaires et les besoins de réformes ; assurer la concertation entre le secteur privé et l’administration sur les licences d’affaires.

Lefaso.net : Le Burkina Faso compte combien de licences d’affaires ?

D.O : On distingue les licences d’affaires sectorielles délivrées par les ministères et les institutions et les licences d’affaires communales délivrées au niveau des communes. Dans chaque commune, il y a des licences. Ah oui ! C’est à travers ces licences que M. le maire ou le président de la délégation spéciale arrivent à règlementer les activités économiques, à percevoir des recettes. Maintenant pour répondre à votre question, il faut rappeler que depuis 2007, un inventaire réalisé dans le cadre du programme Doing Business par la Société financière internationale (IFC) avait identifié plus de 130 licences d’affaires dans 15 secteurs d’activités. Actuellement, le Burkina Faso compte plus de 500 licences d’affaires sectorielles. Mais 410 sont inscrites dans le répertoire version juin 2022 produit par le SP-SRLA. Cela s’explique par le manque, voire l’absence d’informations sur certaines licences et la relecture en cours sur d’autres. Ce chiffre n’est donc pas exhaustif car au regard de la définition du vocable « licences d’affaires » et au fur et à mesure de la disposition des informations, l’actualisation du répertoire qui ambitionne d’être annuelle pourra prendre en compte d’autres licences. Mais une étude inventaire pourrait donner le nombre exact des licences d’affaires.

Lefaso.net : Quels sont les documents à réunir pour se procurer une licence d’affaires ?

D.O : A ce niveau, il faut préciser qu’il n’y a pas de dossier type pour toutes les licences d’affaires. Parce que chaque licence est spécifique, chaque licence comporte un certain nombre de documents qu’on demande. Il faut dire que ce sont des documents qui varient d’une licence à une autre. Mais pour l’essentiel, ce qu’on demande, ce sont les documents d’identité du promoteur ou bien de la personne morale, une demande timbrée ; la copie du RCCM ; la carte nationale d’identité ; des photos d’identité ; des diplômes ou attestations ; l’attestation de situation fiscale ; un casier judiciaire, etc. Donc, voici un peu les documents demandés. Mais c’est comme j’ai dit, d’une licence à une autre, les documents demandés varient. Sur ce point justement, nous sommes en train de travailler à réduire même le nombre de pièces demandées au maximum et ne demander que des pièces qui sont essentielles. Souvent, lors de nos travaux, on tombe sur des licences ou on constate qu’il y a beaucoup de pièces qui sont redondantes.

Lefaso.net : Quels sont les avantages à obtenir une licence d’affaires ?

D.O : La licence est importante pour l’Etat, d’une part, et pour les acteurs économiques, d’autre part. Pour l’Etat, elle permet de réguler les activités économiques de même que les secteurs d’activités. Quant aux acteurs économiques, la licence d’affaires, au lieu qu’elle soit vue comme étant une contrainte, elle permet aux acteurs de se formaliser vis-à-vis de la règlementation. Elle leur permet aussi de pouvoir profiter des opportunités parce que lorsqu’un partenaire d’affaires veut rentrer en relation d’affaires avec vous et que vous n’avez pas de documents de reconnaissance, cela n’est pas avantageux. Aujourd’hui, grâce aux licences d’affaires, on arrive à réduire les importations de tel ou tel produit.

Lefaso.net : Pouvez-vous revenir sur les raisons qui ont amené l’État et ses partenaires à engager des réformes dans la procédure d’obtention des licences d’affaires ?

D.O : Il faut d’abord dire que c’est sur la base des sollicitations des acteurs du secteur privé. Vous voyez, au niveau du ministère du Commerce, il y a un cadre annuel, notamment le cadre secteur privé et gouvernement. A chaque édition, le secteur privé fait des doléances. Donc, pour répondre à votre question, c’est dire que c’est sur la base des sollicitations des acteurs du secteur privé et sur la base de l’étude, une étude inventaire exhaustive de l’ensemble des licences d’affaires au Burkina Faso, réalisée en partenariat avec la SFI. L’inventaire a pris en compte les informations sur les bases légales, les procédures, les revenus, les taxes et les frais pour chaque licence individuelle et une évaluation approximative de l’efficacité et de la pertinence de chaque licence.

Cela a permis de déceler que les textes réglementaires instituant ces licences d’affaires comportent des insuffisances qui entravent les investissements, et dont les principales sont : l’inadaptation de la forme de la demande de la licence au contexte ; l’absence de précision sur les lieux de dépôt de la demande et de retrait de la licence ; l’inadaptation ou le caractère superflu des pièces à fournir ; l’absence de précision et le niveau trop élevé des coûts de délivrance des licences d’affaires ; l’absence de précision et les longs délais de traitement des dossiers de demande de licences d’affaires ; la redondance de certaines pièces exigées dans les demandes de licences d’affaires. En matière d’investissement, l’appréciation qui est faite de l’environnement ou du climat des affaires est capitale. Plus votre climat des affaires est attrayant, plus il est plus facile de faire des affaires dans le pays, plus vous aurez des investisseurs. Plus il est difficile et moins attrayant, plus ces investisseurs iront voir ailleurs. Donc les réformes sont indispensables afin d’encourager les IDE et les investisseurs nationaux.

Lefaso.net : Quelles sont les propositions qui ont été faites ?

D.O : Comme je l’ai dit un peu plus haut, l’objectif de ces reformes est de faciliter l’obtention des licences d’affaires par les usagers. Cela passe par une simplification des procédures de délivrance à traves la réduction des délais de traitement, la réduction des coûts, la suppression de pièces ou documents jugés non indispensables. Des actions et dispositions ont été réalisées. Premièrement, on peut citer l’adoption de deux décrets, notamment le décret n°2013-1151/PRES/PM/MICA/MRAH/MCT du 04 décembre 2013 et le décret n°2014-546/PRES/PM/MICA/MEF du 23 juin 2014 portant respectivement détermination des délais préfixés de 109 licences et de 63 licences d’affaires.

Une licence à délai préfixé est une licence dont l’obtention est soumise à un délai dans lequel l’administration a l’obligation de se prononcer diligemment sur l’octroi ou non de la licence. Faute de réaction de l’administration dans le délai de traitement imparti, la licence est acquise de plein droit et le promoteur peut exercer son activité sans être en porte à faux avec la loi. L’adoption le 06 décembre 2016 du décret n°2016-163/PRES/PM/MJDHPC/MINEFID portant création, organisation et fonctionnement du registre des sociétés civiles, des professions et des métiers ; la prise d’une note de service au niveau du SP-GUCI pour faire passer le délai de traitement interne des demandes de Déclaration préalable d’importation (DPI) de 24 heures à 8 heures au maximum ; la prise d’une note de service informant les demandeurs des Autorisations spéciales d’importation (ASI), de la réduction du délai de traitement des demandes de 72 heures à 48 heures ; la prise d’une note de service informant les demandeurs des Autorisations spéciales d’exportation (ASE), de la réduction du délai de traitement des demandes de 72 heures à 24 heures ; la délégation de signature du visa de publicité du ministre au directeur des enseignements privés au niveau du MENAPLN pour réduire le délai de délivrance.

Il faut noter qu’au cours de l’année 2022 un bon nombre de propositions de réformes faites par le SP-SRLA ont été adoptées et sont en train d’être mises en œuvre actuellement. Pour la phase pilote réalisée sur toutes les licences du MDICAPME, 41 licences ont été examinées et 18 licences sont en cours de réforme ou de rationalisation. Pour l’année 2023, trois ministères et une institution sont concernés. Ce sont : le Ministère de la Communication, de la culture, des arts et du tourisme (MCCAT) ; le Ministère de la Jeunesse, des sports et de l’emploi (MJSE) ; le Ministère des Infrastructures et du désenclavement (MID) ; le Conseil supérieur de la communication (CSC). La collecte des textes et informations est déjà en cours.

Lefaso.net : Les réformes sur les licences d’affaires connaissent une certaine léthargie du fait des difficultés rencontrées dans le processus. Est-ce que vous pouvez revenir sur ces difficultés ?

D.O : Il faut dire que la léthargie qui est constatée au niveau des reformes des licences d’affaires s’explique par un certain nombre de difficultés. Je vous ai dit que, dans le ministère, il y a des structures qui délivrent les licences d’affaires de même que dans les institutions et les communes. Donc, au niveau des structures de délivrance là, on constate souvent, et c’est même le cas, un manque d’autonomie pour engager des réformes sur les textes instituant certaines licences d’affaires. C’est le cas par exemple des licences instituées par les textes interministériels ; au niveau communautaire, sous régional et régional, etc.

La difficulté se situe au niveau des démarches pour l’obtention d’une licence d’affaires. Quand cela concerne un seul ministère, c’est plus facile mais si c’est un acte qui est délivré par un arrêté conjoint de deux ou trois ministères, cela devient compliqué. Et quand la licence, au niveau communautaire, pour arriver à faire une reforme au niveau national, cela devient également compliqué. L’autre difficulté, c’est la complexité relative à la baisse des coûts. Pour les représentants des structures, toute réforme tendant à réduire les coûts de délivrance a un impact sur les recettes publiques au profit du budget de l’Etat. Il est difficile pour certaines structures d’engager toute réforme visant à réduire les coûts de délivrance des licences d’affaires car les textes autorisant la perception de ces recettes sont pris en conseil des ministres.

Toute initiative ayant pour effet la diminution des ressources de l’Etat devrait apporter une solide argumentation et des motifs très pertinents. Au niveau du SP-SRLA, il y a le manque de ressources financières pour la conduite des activités de réformes ; le faible engagement de la part de certaines structures en charge de la délivrance des licences d’affaires ; le manque de matériel roulant pour le déplacement de l’équipe technique du SP-SRLA. En plus des licences sectorielles au niveau des ministères, il y a les licences communales qui nécessitent aussi des déplacements dans les communes pour les travaux de rationalisation.

Lefaso.net : Nous sommes au terme de notre entretien, est-ce que vous avez un dernier mot ou un appel à lancer ?

D.O : C’est de remercier le gouvernement pour avoir validé et adopté l’activité des reformes sur les licences d’affaires. Le conseil des ministres a instruit de poursuivre l’activité. Nous sommes là-dessus et cela va se poursuivre. Un dernier mot, c’est aussi demander la disponibilité des acteurs pour que l’opération se déroule bien. Parce que quand les différents acteurs ne sont pas disponibles, les activités peuvent prendre un coup. Je dis également merci à toute l’équipe du Lefaso.net en commençant par son fondateur, pour l’opportunité que vous m’offrez de parler de ce sujet.

Entretien réalisé par Obissa Juste Mien

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