Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Le prix Pritzker 2022, la plus prestigieuse distinction en architecture au monde, a été décerné au Burkinabè Francis Kéré, pour son engagement pour la justice sociale et l’utilisation de matériaux locaux. Dans cette interview, nous avons donné la parole au président du Conseil de l’Ordre des architectes du Burkina Faso, Aristide Bazié. Il est revenu sur le sacre de M. Kéré, la profession d’architecte au Burkina Faso ainsi que les préjugés autour du secteur.
Lefaso.net : Comment est-ce que vous avez accueilli la distinction de Francis Kéré ?
Aristide Bazié : Nous avons accueilli cette nouvelle avec beaucoup de fierté. Au-delà de la personne de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes africains en général et du Burkina Faso en particulier. Pour mémoire, c’est la toute première fois que ce prix est décerné à un Africain. C’est légitimement un sentiment de joie, de fierté qui nous anime en ce moment. Il a porté haut le flambeau national. Nous voulons que ce genre d’ambassadeurs se multiplie pour que notre pays ait une meilleure visibilité
Qu’est-ce qui lui a valu ce sacre ?
C’est un ensemble d’éléments. Francis Kéré est engagé dans beaucoup d’activités. La plupart de ses projets est fait à base de matériaux typiquement africains. Sans être exhaustif, il a réalisé des infrastructures dans son village, à Gando. Toutes ses infrastructures ont été réalisées avec la participation de la population. Parce que c’est leur périmètre. En les associant à ses projets, cela permet de valoriser leurs habitats.
Concrètement, que représente ce prix pour les architectes Burkinabè ?
Un prix de ce genre est une occasion pour ouvrir une fenêtre sur les architectes. Parce que, quoi qu’on dise, jusqu’à présent dans notre pays, et de manière générale en Afrique, l’architecture n’est pas vraiment connue. Ce prix qui a une portée mondiale met en lumière les architectes locaux, l’ordre des architectes du Burkina et l’ensemble des activités des architectes.
Outre l’impact positif de ce prix, qu’est-ce qui est fait au plan national pour mettre en valeur le talent des architectes ?
Dans les premiers moments, les architectes ne faisaient pas la publicité autour d’un certain nombre d’éléments. Aujourd’hui, les choses ont changé. Nous mettons plus l’accent sur la communication. Il y a certains évènements qui sont déjà sur place comme la semaine de l’architecte, les journées de l’habitat. Lors de ces événements, les architectes sont mis en exergue. Une manière pour nous de prouver aux citoyens que nous ne sommes pas si inaccessibles. Mieux, nous sommes disposés à les accompagner quels que soient leurs projets.
Sur le terrain, l’on constate une concurrence entre ceux qui exercent illégalement la profession et les architectes ?
C’est une triste réalité. En plus de cette concurrence, il y a parfois des publicités mensongères qui sont faites sur les réseaux sociaux. Nous avons traité de cas où des citoyens ont été arnaqués par des personnes qui ne sont pas de la profession. Cela nous a amené à multiplier nos actions de communication. Il s’est agi de montrer à la population en quoi consiste le métier d’architecture et comment accéder ou avoir des conseils d’un architecte. Nous sommes dans une dynamique où il faut que les petits moyens des citoyens puissent être dépensés de manière judicieuse.
Est-ce que l’Ordre des architectes se porte-bien ?
L’Ordre se porte très bien. Il faut préciser que c’est une institution qui travaille à préserver les intérêts des architectes. En outre, elle veille à la bonne pratique de tout ce qui est architecture dans notre pays. Nous essayons d’accomplir cette mission avec le maximum d’honnêteté, de probité et de confraternité. L’année passée, nous avons instauré des stages obligatoires d’une durée de deux ans aux nouveaux architectes. L’objectif étant de les encadrer pour que l’œuvre nationale et utile qu’ils vont faire, soit un service de belle facture.
Que répondez-vous à ceux qui disent d’une part, que l’architecture est réservée aux élites fortunées et d’autre part, que les architectes burkinabè manquent d’imagination ?
L’architecture est réservée aux élites ; c’est une mauvaise compréhension. Quels que soient sa condition sociale, son niveau de vie, chaque citoyen a droit aux conseils d’un architecte. Quand on construit une maison, vous y habitez pour des années. Elle est mal faite vous y restez, elle est bien faite c’est vous qui en profitez. Il y a beaucoup d’éléments qui rentrent en ligne de compte. Une maison mal disposée sur un terrain ou qui reçoit du soleil peut provoquer un certain inconfort à l’intérieur du bâtiment. Que ce soit le plus riche ou le plus démuni, tout le monde a besoin d’être dans un bon confort pour pouvoir être utile à la nation plus tard.
Dire que les architectes manquent d’imagination je ne sais pas sur quoi les gens se basent pour affirmer cela. L’architecte est pluriel. Le spécialiste et le citoyen ordinaire n’ont pas la même vision. Il y a des éléments qui permettent de juger un projet notamment le confort intérieur, l’agencement de l’espace et ce que le commun des mortels voit de l’extérieur. Il convient de signaler qu’au cours du traitement d’un projet, les architectes s’arrangent à ce qu’il ait une fonctionnalité maximale. Si vous êtes dans votre maison et que vous ne vous sentez pas bien à l’intérieur, cela signifie que l’architecte a failli. Mais, je reste convaincu que tous les architectes se battent pour qu’il y ait une bonne présentation des projets à l’intérieur de la ville. Notons que l’État est notre plus gros pourvoyeur de marchés. Malheureusement au Burkina Faso, l’architecte est encore précaire contrairement à d’autres pays.
Les prestations sont taxées de chères...
Il y a une notion de relativité à ce niveau. Lorsque les citoyens ordinaires ont la possibilité de discuter avec un architecte, ils finissent toujours par s’entendre. De manière générale, notre objectif, c’est de faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir un abri avec une touche architecturale. Il y va du confort de l’individu mais de l’ensemble de la ville. Toutefois, il faut souligner que l’architecte ne travaille pas en vase clos. Il y a d’autres personnes comme les électriciens, plombiers, informaticiens. Par rapport à la stabilité du bâtiment, l’ingénieur apporte également sa touche. En conclusion, je peux dire que c’est une méconnaissance du métier qui fait qu’on parle du coût élevé. Quand vous avez un bâtiment qui est construit dans de bonnes conditions et que vous y habitez avec le maximum de confort, vous avez une bonne vie devant vous.
Est-ce que vous avez un appel à l’endroit de ceux qui ne demandent pas les services d’un architecte ?
Nous demandons à la population d’avoir confiance aux architectes. Il n’y a pas de petits projets pour nous. Notre vision actuelle, c’est de faire en sorte que chacun puisse avoir accès aux conseils d’un architecte afin d’avoir une maison bien implantée sur son terrain et qui respecte les normes : être distant d’un mètre par rapport à chacun des voisins, et de trois mètres par rapport à la rue principale. Ces normes sont faites en tenant compte de certains critères comme les cas d’incendie. Contrairement aux affirmations de certaines personnes, nous ne sommes pas inaccessibles. Chacun peut avoir son prix en allant vers un architecte.
Quels conseils avez-vous à l’endroit de ceux qui nourrissent cette passion ?
Il ne faut pas venir dans ce métier en ayant à l’esprit qu’il y a de l’argent. L’architecture est avant tout une question de passion. Et tous les projets qu’on fait avec le cœur, quelle que soit leur durée, réussissent toujours.
Quel est votre dernier mot ?
Nous souhaitons avoir régulièrement ce cadre d’échanges pour véhiculer des messages à la population. Nous disposons d’une base de données pour tous ceux qui voudraient contacter un architecte.
Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
Vos commentaires
1. Le 19 mars 2022 à 11:39, par Ed51 En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Il y a de grands talents au Burkina. Aucun doute.
C’est une fierté du Burkina.
La plus grande question. Qu’est-ce qu’il a apporté au Burkina à part à sa ville natale ?
Construire en terre en voutes nubiennes est possible depuis longtemps. Cela évite les tôles. C’est une stratégie à développer en formant des guides locaux.
2. Le 19 mars 2022 à 12:24, par Nabila En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Je suis un jeune architecte mais je pense que l’ordre doit avoir le courage de secouer le mammouth. Le Francis Kere que le monde entier applaudit, n’a jamais eu un projet financé par le gouvernement du Burkina. Tous les projets qu’il a réalisés ici sont faits à partir de l’extérieur. La corruption est trop développée dans la profession et les coups tordus sont fréquents. Le même Francis KERE a participé a 2 concours ici. Son 1er concours c’était pour la réalisation d’une salle de conférence à Ouaga 2000. Il est arrivé 6eme. Son 2eme concours c’était pour le musée de Thomas Sankara et il est arrivé dernier du concours présidé par Zerbo Souleymane architecte. Comme quoi c’est pas facile d’exceller ici.
3. Le 19 mars 2022 à 15:21, par Passakziri En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
C’est bien d’être fier de lui , mais est-ce que lui est fier du monde de l’architecture burkinabè du 21e siècle ? Vous semblez manquer de rigueur quand on constate le nombre d’infrastructures de mauvaise qualité. L’architecte ne construit pas , mais il veille à ce que son idée soit matérialisée dans la construction je suppose en concours avec les spécialistes de la statique etc. Mais au Faso , vous faites des plans et les laissez à des débrouillards. C’est désolant.
Passakziri
4. Le 19 mars 2022 à 22:00, par Zimm En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
@Nabila :
Le jour où un compatriote rentre dans l’Histoire (avec H) ce n’est pas un jour de polémique. Vous donnez l’impression d’être frustré, aigris et jaloux et cela ne vous rapporte rien.
Vaut mieux pour vous de prendre le BON exemple sur Kéré et percer au national et à l’international.
Le 21 mars 2022 à 10:05, par MaxN En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Le gars relate des faits et je pense comme lui parce que le Burkina ne lui a accordé aucun projet pour qu’il puisse s’exprimer. Tous les appels d’offres au Burkina dans tous les domaines sont sur du faux et tout le monde le sait. Ses réalisations au Burkina sont des projets privés et personnel. Si on ne lui avait pas fait confiance pour lui permettre de s’exprimer au Mali, au Benin, au Kenya, en Europe et ailleurs, il n’aurait pas eu ce prix. Quand j’ai visité le Zoo de Bamako en 2006 et que j’ai vu le nom d’un Burkinabè comme concepteur Architect, j’étais fière et me suis toujours demande pourquoi on ne lui confie pas Bangre weogo pour un projet pareil. Mais on préfère lancer de faux appels d’offres ou tout est truqué et valider des copies coller qui ne ressemble à rien.
Le 21 mars 2022 à 11:17, par Un Burkinabê En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Et pourtant Nabiiga dit vrai. L’Ordre des architectes n’a rien apporté à ce compatriote. Encore moins notre pays à part le fait qu’il se réclame Burkinabè. Il faudra inverser les choses en faisant différemment maintenant. La liste est longue. Les géologues Burkinabè sont mieux connu à l’International qu’au pays malgré le fait que 95% des Mines actuelles soient découvertes par des Burkinabè. Les artistes Burkinabè sont moins connus au Faso qu’à l’International. L’idéal Thomas Samkara est mieux vécu ailleurs qu’au Burkina Faso. Sankara s’EST même invité dans la campagne présidentielle française en cours en ce sens qu’une des candidates l’a cité lors de son grand meeting ce weekend. Cette candidate a reconnu les idées révolutionnaires de Sankara pendant que nous burkinabè refusons d’être révolutionnaires.
5. Le 20 mars 2022 à 10:41, par Zaj En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
Arrêtez la récup. Ce prix ne récompense ni le Burkina ni son architecture. Mr KERE ne doit rien à personne. C’est dans l’adversité qu’il s’est réalisé. Il n’y a pas d’ "école" burkinabè d’archi. Bravo à lui et à lui seul
6. Le 21 mars 2022 à 05:13, par Burkina En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
« Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso »
Non ! Non ! Et Non !
Quand je regarde la plupart des édifices publics que l’architecture burkinabè nous offre, j’ai honte.
7. Le 21 mars 2022 à 08:00, par MIMI En réponse à : Pritzker 2022 : « Au-delà de Francis Kéré, c’est une fierté pour l’ensemble des architectes du Burkina Faso », estime Aristide Bazié, président de l’Ordre
On n est jamais prophète chez soi !!!!!!!!!!!!
M.KERE toutes mes félicitations et bon vent pour la suite !!!!!
Que DIEU vous permettre d’exceller toujours à l’international car au pays ils ont l’art de la corruption des copinages dans la médiocrité.