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Kamou Malo, sélectionneur national des Etalons : « Nous avons atteint des résultats au-delà de nos espérances »

Publié le dimanche 19 décembre 2021 à 21h50min

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Kamou Malo, sélectionneur national des Etalons : « Nous avons atteint des résultats au-delà de nos espérances »

Après une qualification à cinq Coupes d’Afrique des nations de football d’affilée, les Etalons étaient absents à l’édition de 2019 en Egypte. Le nouveau sélectionneur des Etalons, Kamou Malo, réussit à leur faire renouer avec la phase finale de la CAN. Les Etalons seront donc au Cameroun. Dans cette interview, Kamou Malo dresse son bilan à la tête des Etalons, s’exprime sur la transition en cours au sein de l’équipe nationale et aussi sur la phase finale de la CAN en janvier 2022.

Lefaso.net : Cela fait 28 mois que vous êtes à la tête de l’encadrement technique des Etalons, quel état des lieux pouvez-vous faire aujourd’hui ?

Kamou Malo : Certains penseront que 28 mois, c’est beaucoup, mais 28 mois ce n’est rien. Pour une équipe nationale, c’est comme 28 jours. Vous savez que la vie d’une sélection est rythmée au gré des journées FIFA, où vous avez peut-être une fenêtre de dix jours pour être avec les joueurs, ce n’est pas comme un entraîneur en club qui a son joueur tout au long de la saison. Mais je pense que, dans l’ensemble, le bilan, sans tomber dans l’autosatisfaction, pour nous, il est positif. Pour un coach local comme moi qui venait d’être nommé, personne ne pensait que l’on pouvait être là où nous sommes aujourd’hui.

Il y a de quoi être relativement fier et reconnaître ce que le bon Dieu vous donne et l’apprécier à sa juste valeur, au regard des objectifs qui m’avaient été assignés au départ dans le contrat de seize mois. Dans un premier temps, on me demandait le rajeunissement et la qualification en coupe d’Afrique. Le covid-19 a un peu chamboulé nos plans, mais je pense que malgré tout, nous sommes dans les objectifs dans la mesure où nous nous sommes qualifiés pour la coupe d’Afrique.

Je pense que nous sommes en train d’atteindre le deuxième objectif qui est le rajeunissement de l’effectif des Etalons. Vous savez, une équipe en transition, ce n’est pas toujours facile à gérer, surtout que nous sommes dans le domaine du football où la passion prédomine. Vous pouvez rajeunir, mais en réalité ce que les gens attendent, ce sont des résultats. Ce que je trouve parfois contradictoire, mais c’est le lot quotidien des coaches que nous sommes. Nous devons gérer tous ces paramètres.

Depuis que nous avons hérité de cette sélection, nous n’avons pas perdu un seul match officiel(ndlr en éliminatoires de la CAN et du Mondial 12 matchs 6 victoires et 6 nuls), je pense que quand même en outre quelque chose qu’il faut noter, nous nous sommes qualifiés pour la CAN avant la fin des éliminatoires, mais cela était inimaginable il y a une décennie, si je peux m’exprimer ainsi, je pense que ce sont des motifs de satisfaction, nous pensons que nous sommes dans la bonne voie, et que nous devons insister et persister dans cette dynamique, pour avoir des lendemains meilleurs pour cette équipe nationale. Et j’ajouterai qu’il y avait un troisième objectif qu’on a greffé à ma mission qui est celle de se qualifier pour la coupe du monde.

En son temps, il y a eu une communication un peu tronquée, mais je pense que je suis un homme qui exprime sa pensée, pas la pensée des autres. Se qualifier pour la coupe du monde aurait été une très bonne chose pour nous, mais pour moi je le répète, ce n’était pas l’objectif premier. Aujourd’hui, nous avons le droit légitime d’en rêver. Aujourd’hui, la coupe du monde pour le Burkina, c’est un luxe. Nous devons aussi être regardant, nous sommes une équipe en transition, en construction, il faut être logique, il faut être objectif dans ce que nous faisons.

A deux journées de la fin des éliminatoires pour cette première phase la coupe du monde, nous étions au coude à coude avec une équipe comme l’Algérie qui est un cador du football africain, avec 10 pts chacun, mais un goal différentiel meilleur pour l’Algérie. Nous avons fait un nul contre le Niger lors de la 5e journée, puis un autre nul en territoire algérien, à Blida, laissant ainsi filer de justesse l’Algérie pour les barrages. Alors je pense que légitimement, nous devons en tirer leçon et être fiers de ce que nous faisons, je pense que nous avons atteint des résultats au-delà de nos espérances, en tout cas pour le coach local que je suis.

Pour la première fois, vous allez conduire une sélection nationale, mieux celle de votre pays en phase finale de CAN. Quels sentiments ressentez-vous ?

Naturellement, il n’y a pas quelqu’un de plus heureux que moi. C’est une légitime fierté, et je pense que tout Burkinabè à ma place serait fier de l’avoir fait. Je me vois comme un combattant au front, comme le soldat qui tombe tous les jours au front. Pour moi c’est un devoir, une obligation pour nous de défendre notre patrie. Même si les autres le font avec des armes, nous on doit le faire avec un ballon. Je pense que pour moi, la perspective de représenter mon pays en tant que sélectionneur en phase finale de coupe d’Afrique, est une légitime fierté. Mais en même temps, nous mesurons l’étendue de notre responsabilité, parce que les Burkinabè vont nous attendre. C’est une opportunité que nous aurons, en tant que footballeurs, sportifs, de redonner du baume au cœur de nombreux Burkinabè qui sont traumatisés par le terrorisme, par le covid-19. Nous, en tant que footballeurs, nous devons redonner le sourire au peuple burkinabè, parce que nous savons qu’il s’identifie à son équipe nationale. Lorsque les Etalons jouent chacun s’intéresse aux résultats, même ceux qui ne regardent pas le foot habituellement.

Depuis le tirage au sort des groupes, et au vu des éliminatoires de la coupe du monde, aujourd’hui, quelle lecture faites-vous du groupe A dans lequel les Etalons vont évoluer (Cameroun, Cap-Vert, Ethiopie) ?

Je suis un coach, sur ces aspects je n’aime pas trop communiquer, c’est comme si tu asseyais ton adversaire pour lui confier ta stratégie, lui dire : voilà comment je vais faire pour te battre. Je n’aime pas parler de tactique, je n’aime pas parler de stratégie, ni en en interview, ni en conférence de presse. Mais tout ce que je peux vous dire avec lucidité, c’est que nous sommes conscients des forces en présence dans ce groupe. Comme pays organisateur, nous sommes convaincus que le Cameroun voudra aller au bout de cette CAN. Il est légitime pour nous aussi de vouloir faire un bon parcours à cette CAN. Nous jouons le match d’ouverture le 9 janvier 2022 contre le Cameroun.

Malgré la reconstruction des Etalons, l’équipe est compétitive au regard des résultats.

C’est une date qui trotte dans ma tête. Quand vous prenez le Cap-Vert et l’Ethiopie, ce sont des pays qui sont en train de monter en termes de football. Vous savez qu’en Afrique actuellement, il y a un nivellement des valeurs, surtout dans le domaine du football, il ne faut pas se le cacher. La meilleure équipe n’est pas toujours celle qui est sur le papier. La meilleure équipe est celle du moment qui est sur le terrain, c’est la vérité du terrain. C’est pour cela que j’ai beaucoup de respect pour nos adversaires. Nous nous préparons pour ne pas être ridicules à cette CAN parce que nous avons des ambitions à faire valoir et donc nous nous préparons mentalement par rapport à cela.

L’échéance de la CAN arrive à grands pas, quel sera le programme de préparation des Etalons ?

Naturellement, même si cela fait mal à certains, je le dis, ces éliminatoires de la coupe du monde, ont servi déjà de préparation à cette CAN, qu’on le veuille ou non. Si nous étions qualifiés pour cette coupe du monde qui se joue après la CAN, les matchs de la CAN allaient servir de préparation à cette coupe du monde. Je pense déjà que nous sommes dans la préparation de cette CAN. Je ne parle pas des autres aspects de regroupement pour la phase finale. Depuis les éliminatoires de la coupe du monde, si vous avez remarqué, cette équipe des Etalons a vraiment changé de configuration.

Nous avons fait appel à beaucoup de jeunes parce que nous voulons donner cette indépendance, ce pouvoir à cette jeunesse, de pouvoir se prendre en charge et de montrer réellement ce qu’elle est capable de faire. Quand les gens font une comparaison avec la sélection des Etalons de 2013, ils oublient de relever que c’est une équipe qui a mis six longues années à se préparer. Il faut que les gens acceptent qu’aujourd’hui, on injecte du sang neuf dans cette équipe des Etalons. Je pense que les décisions que nous avons prises sont les bonnes et je pense, et sur ce plan nous sommes déjà en préparation.

Vous serez privé pour la CAN d’un de vos éléments en attaque, en l’occurrence Franck Lassina Traoré, pour blessure. Bertrand Traoré également, il y a longtemps qu’il a joué avec les Etalons. Nous avons aussi constaté les forfaits de Fessal Tapsoba, Yacouba Songnè, qui n’ont pas pris part aux 5e et 6e journées des éliminatoires du mondial, cela ne vous inquiète pas ?

Si je dis que cela ne m’inquiète pas, c’est vraiment jouer à la politique de l’autruche. J’aimerai plutôt parler de la blessure de Franck Lassina. C’est un garçon qui va nous manquer énormément. C’est l’une de nos armes offensives qui s’est blessé au moment où il était au sommet de son art. Ce sont les risques du métier en football malheureusement. C’est un sport de contacts où tout peut arriver. Vous avez vu sa blessure, c’est parti sur un contact anodin, il n’y avait même pas un ballon à se disputer. Ils s’entraînaient et puis quelqu’un est tombé avec tout son poids sur son pied, c’est ce qui lui vaut cet arrêt de pratiquement une année. Ce que nous pouvons faire, c’est de prier pour que ce garçon retrouve rapidement la santé.

C’est un véritable combattant, un garçon qui a un mental très fort, c’est tout le mal que nous lui souhaitons. Parlant de Bertrand Traoré, il y a longtemps qu’il a joué avec les Etalons. Tout cela, ce sont les aléas du football. Ce sont des garçons qui jouent le haut niveau et l’accumulation du nombre des matchs fragilise l’organisme. Nous traversons aujourd’hui une période que d’autres sélections ont connue avant nous et nous devons le prendre avec philosophie. Et je dis toujours, à quelque chose malheur est bon. Sans applaudir les blessures des uns et des autres, je me dis que ça sera une opportunité donnée à d’autres jeunes de se faire valoir. Nous sommes plus de vingt millions de Burkinabè, alors si à cause de deux ou trois Burkinabè blessés l’équipe nationale doit déclarer forfait, je pense que l’on fait injure à tout un peuple. Les jeunes qui sont là vont les remplacer valablement. Et je sais qu’il y en a qui ont des dents longues et qu’ils attendent simplement qu’on leur fasse un clin d’œil.

Un dernier mot à l’adresse du public burkinabè pour cette CAN ?

Je demande au peuple burkinabè son soutien, nous ne partons pas à cette CAN en tant qu’individus. Nous y allons pour représenter un peuple. Que ce soutien s’exprime en prières, sous toutes les formes possibles, nous sommes preneurs. Nous sommes des Africains, nous avons besoin de la bénédiction de nos parents, nos aînés. Tout ce que le peuple burkinabè peut faire pour accompagner son équipe nationale, qu’il le fasse. Nous allons défendre grandement nos chances à cette CAN et nous espérons que nous irons au bout de nos ambitions. Il est légitime aujourd’hui que le peuple burkinabè attende une consécration. Nous partons à une compétition majeure qui a lieu tous les deux ans et nous y allons avec détermination.

Pour moi, c’est l’assaut final et nous devons le réussir. Et pour le réussir, nous avons besoin de la communion de tous les Burkinabè. Quand vous êtes en sélection, vous ne pouvez pas éviter les critiques. On nous critique pas, parce que l’on nous déteste, mais on nous critique parce qu’on aime son équipe nationale. Mais je dis aussi qu’il faut que l’on apprenne à faire de la critique positive. Souvent, certaines critiques peuvent plomber un groupe. Et c’est ce que nous voulons que les uns et les autres évitent. Nous opérons des choix et parfois, nous faisons des erreurs comme tout être humain. C’est au peuple burkinabè de nous soutenir et nous comptons fermement sur son soutien pour aller au bout de nos ambitions.

Interview réalisée par Barthélemy KABORE

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