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Département de Namissiguima : l’or de la discorde

Publié le mercredi 6 juillet 2005 à 07h36min

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Le samedi 02 juillet 2005 aux environs de 13 heures, le marché de Namissiguima était en ébullition. Une affaire d’or y opposait les acheteurs locaux à une société d’exploitation d’or.

Lorsque nous sommes arrivés à Namissiguima (à 30 km de Ouahigouya) à 15 h 30, l’orage, à ce qu’on dit, était déjà passé. Les habitants vaquaient à leurs occupations en ce jour de marché. Un coup de fil pour aviser notre "contact" que nous sommes arrivé. C’est un gérant de télécentre qui nous répond un peu surpris (ou qui feint de l’être) de la présence de journaliste dans le village. Cap sur le domicile du préfet. Peine perdue.

Le maître des lieux est absent. Tout est fermé. Pas âme qui vive. Décidément, le ciel nous tombait sur la tête. Convaincu que notre tuyau est percé, nous optons de regagner Ouahigouya. Sur le chemin du retour, la chance nous sourit. Notre "contact" est là : "Ça tombe bien, les habitants du village doivent se rencontrer urgemment pour décider de la conduite à tenir", nous lance-t-il, avant de s’éclipser à nouveau. Il est 17 h 30 passées. Le soleil commence à disparaître. La route n’est pas sûre. Notre motocyclette non plus. Avec l’arrivée du Tengsoaba (chef de terre), la rencontre pouvait commencer. Commencer ? Que nenni !

"La SOMIKA doit partir"

On se concerte. On murmure à l’oreille du voisin. Soudain, un porte-parole reprend à haute voix les paroles du Tengsoaba : "Rien que ce matin, avec l’autorisation du préfet, nous avons été sur le site d’or pour sacrifier quelques rites afin d’exorciser les mauvais sort". Puis de s’interroger : "Alors, nous ne comprenons pas cette course-poursuite des agents de sécurité de la société d’exploitation contre nos enfants" . Un ancien orpailleur, l’air peu commode, renchérit : "Depuis plus de 20 ans, je travaille dans des sites d’or.

Mais ce que je constate avec la société minière Kindo Adama (SOMIKA) est inacceptable et révoltant". Mouvements sur les bancs. Salves d’applaudissements. "Il faut faire partir la SOMIKA", hurlent les uns. "SOMIKA doit se soumettre aux principes du village", lancent les moins virulents. A l’origine de cette grande colère des habitants du village, un conflit d’intérêt entre la SOMIKA et les acheteurs privés locaux d’or. La SOMIKA détient le monopole d’achat de l’or sur le site. Pour cela, elle a recruté des vigiles pour veiller scrupuleusement sur les orpailleurs afin qu’aucune pépite d’or ne sorte du site.

Des traitements inhumains sur les orpailleurs

A Namissiguima se trouvent aussi des acheteurs d’or (exerçant bien avant l’arrivée de SOMIKA) munis de "cartes d’acheteur local d’or" délivrées par le Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP). "Comme c’est à la SOMIKA que l’on a accordé le monopole d’achat d’or sur le site, explique Pierre Somnoma Ouédraogo, carte d’acheteur en main, nous avons limité notre activité au marché, où nous achetons l’or avec d’autres personnes venues d’ailleurs".

Dans cette situation de quasi concurrence pour l’achat de l’or, la SOMIKA, selon Pierre S. Ouédraogo, convoque le samedi 02 juillet 2005 à 15 h une rencontre avec les acheteurs locaux pour trouver un modus vivendi : "Mais vers 13 h, lorsque j’étais dans un télécentre, un véhicule de la SOMIKA débarque cinq vigiles armés de couteaux, et un militaire pour m’amener de force sur le site", relate toujours Pierre S. Ouédraogo avant de poursuivre plus loin : "Connaissant toutes les formes de traitement inhumain que les vigiles infligent aux orpailleurs, je refuse catégoriquement de les suivre".

Il aurait eu, dit- on dans le village, la vie sauve grâce à l’intervention du propriétaire du télécentre. "J’ai pu m’enfuir grâce à l’intervention du propriétaire du télécentre, et je me suis réfugié chez des forgerons" (dans les traditions au Yatenga, la cour des forgerons est inviolable et quiconque y trouve refuge se sent en sécurité). Partout ou intervient la SOMIKA, il y a toujours des problèmes", explique un autre orpailleur. Et au lieu de se soucier de l’éboulement de la semaine dernière qui a fait plusieurs morts (des corps n’auraient pas été retrouvés), la SOMIKA cherche plutôt à chasser des acheteurs locaux.

Puis de terminer le ton martial : "Notre décision est prise, il faut que la société quitte le village sinon elle aura affaire à nous". Pour le préfet du département, M. Tall, que nous avons rencontré la nuit à Ouahigouya, la SOMIKA détiendrait le monopole d’achat de l’or sur toute l’étendue du département et non sur un seul site. Par conséquent, les acheteurs locaux exerceraient dans l’illégalité. "Pourtant, certains d’entre eux nous ont présenté des cartes d’achat délivrées par le CBMP, avons nous fait remarquer au préfet". "La SOMIKA, qui détient son autorisation de la société river ressource INC, travaille directement avec le CBMP qui ne reconnaît pas les acheteurs locaux", réplique le préfet. Difficile de lire dans cette véritable mare à café.

Affaire donc à suivre...

Alain St-Robespierre
L’Observateur

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