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Flambée des prix de céréales à Bobo-Dioulasso

Publié le vendredi 1er juillet 2005 à 06h12min

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Le prix du sac de maïs de 100 kg a franchi, il y a belle lurette, le cap de 20 000 F CFA à Bobo-Dioulasso. Les gains se font rare et les prix continuent de grimper. Cette situation laisse perplexe plus d’un Bobolais. Sidwaya a approché quelques acteurs de la filière céréales pour avoir leurs points de vue par rapport à ce qui ressemble à une crise réelle.

Mme Barro Fatoumata : Moi je suis détaillante et je vends la boîte à 425 F. Nous faisons le tour des marchés de village pour nous en approvisionner. Seulement, à l’heure actuelle, le constat est amer. Les stocks semblent être épuisés et nous arrivons difficilement à avoir quelque chose à vendre. Notre souhait est que la saison soit meilleure cette année, sinon, nous allons mourir de faim.

Aboubacar Sawadogo, vendeur de céréales au secteur 2 (Farakan) :

Le prix du maïs a grimpé parce que les cultures de rente (le coton notamment) ont été privilégiées par les producteurs au détriment des céréales. A cela se sont ajoutés le déficit pluviométrique de l’année passée et la rétention de stocks de céréales à la frontière. Si bien que nous sommes obligés de vendre le sac à 20 000 F CFA, la tine à 35 00 F CFA et la petite boîte à 400 F CFA.

De tels prix ne nous réjouissent pas du tout. En réalité, on est obligé de les pratiquer parce que depuis l’achat du maïs en brousse, le prix est élevé. Nous nous sommes ravitaillés en céréales en Côte-d’Ivoire, à des prix déjà élevés auxquels s’ajoutent des taxes douanières exorbitantes pour leur acheminement à Bobo-Dioulasso. On s’est rendu compte que c’est plus avantageux pour un commerçant de céréales d’en exporter que d’en importer en raison des taxes. Le gouvernement empêche leur entrée sur le territoire national. Nous ne comprenons pas cette manière de faire à partir du moment où l’importation augmente la quantité de céréales sur le marché national et contribue à faire chuter les prix.

Je crois qu’il faut revoir les taxes douanières. A défaut de les supprimer sur les importations de céréales qu’on les revoie à la baisse. Ainsi, nous pourrons vendre les céréales à des prix assez raisonnables aux populations. Ce sont tous ces facteurs (prix d’achat en brousse et taxes douanières) qui ont fait que le prix du maïs et des autres céréales ont atteint de tels niveaux records. On croit que c’est le commerçant qui gagne plus d’argent alors qu’il n’en est rien. Le bénéfice est insignifiant (pas plus de 500 F CFA).

Salame Somlaré, commerçant de céréales au marché du secteur 16 (Saint Etienne) : Le prix du maïs connaît une hausse parce que les producteurs s’adonnent plus à la culture du coton et ont tendance à abandonner chaque année qui passe les cultures céréalières. Subséquemment, le prix des céréales ne peut que s’envoler. En outre, il n’a pas suffisamment plu l’année passée.

Je vends la petite boîte à 400 F CFA, la tine à 3500 F CFA et le sac entre 18 000 et 20 000 F CFA. Cela s’explique par le fait que le maïs est devenu rare en brousse. J’ai dû me rendre en Côte d’Ivoire, dans la région de Duékoué pour pouvoir en acheter il y a quatre mois environ. Je suis reparti là-bas récemment, mais il n’y en avait plus assez. Avant, c’est du côté de N’Dorola (Kénédougou) qu’on s’approvisionnait en maïs, mais cette année, c’est très dur parce qu’il n’y a pratiquement plus de maïs à acheter.

Honnêtement, depuis trente (30) ans que je vends des céréales, c’est la première fois que je vois des choses de ce genre. Même en 1990, lorsque c’était dur, le sac se négociait à 16 500 F CFA. La situation est très dure pour tout le monde, pour nous les commerçants et pour les chefs de famille. D’habitude, quand les prix grimpent, ils tournent autour de 12 500 F CFA. Autrement, le sac se négocie en temps normal entre 4 000 F CFA et 7 500 F CFA.

En fait, c’est parce que le maïs est très rare, même en brousse. Même quand on en trouve, les Ouagalais l’achètent à un prix plus élevé que le nôtre. Pendant que nous, commerçants de Bobo, proposons 14 000 F CFA pour le sac, eux proposent 18 500 F CFA ou 19 000 F CFA. La différence a fait qu’ils ont emporté tous les stocks disponibles puisque beaucoup de gens leur ont vendu sans hésiter à ces prix, oubliant qu’eux-mêmes peuvent en manquer un jour pour nourrir leur propre famille même s’ils ont de l’argent. C’est cette situation que nous vivons actuellement et il est très difficile pour nous de pouvoir acheter trois (03) sacs de maïs par jour en raison de la pénurie. Vous êtes venu me trouver en train de tamiser du sable pour recueillir des grains de maïs en dépit de mon âge. Si ce n’est pas à cause de la pénurie, ce sable aurait été jeté depuis très longtemps. Et je souligne que pour le maïs, ça va encore. Pour ce qui est du petit mil, c’est pire. Il n’y en a plus du tout.

C’est malgré nous que nous pratiquons de tels prix. Mais il faut savoir que nos prix dépendent du prix d’achat en brousse. Je puis vous assurer qu’on fait à peine 500 F CFA de bénéfice sur le sac vendu. J’ai appris que ACCEDES a vendu la tine à 2 000 F CFA. Par ces temps de pénurie, ça soulage les populations. Autrement, c’est encore cher puisqu’en temps normal la tine se négocie entre 500 et 1 500 F CFA. Mais c’est nettement mieux que sur les marchés de la place.

Nous sommes désemparés. Il y a une vraie pénurie. J’ai parcouru villes et villages pour acheter du maïs, mais il n’y en a plus. Je puis leur affirmer qu’actuellement, aucun commerçant ne détient d’importants stocks de maïs qu’il garde par devers lui. Il n’y en a pas. Dites aux autorités qu’on est obligé de manger du riz qui, paradoxalement coûte moins cher que le maïs, le mil ou le sorgho. Qu’elles fassent en sorte que les cultures vivrières ne soient pas abandonnées par les producteurs sinon, on court tout droit vers la famine.

Sibiri Wango, vendeur de céréales à Bolomakoté (secteur 6) : Sincèrement cette année, le déficit céréalier se pose avec acuité. Nous vendons le sac de 100 kg à 23 500 F et la tine à 3 800 F. Cette hausse vertigineuse des prix est due à la mauvaise saison hivernale passée. Présentement nos fournisseurs en céréales des villages environnants n’ont plus une seule graine pour nous. Nous sommes obligés d’aller jusqu’à Banfora pour nous ravitailler. Et ce déplacement fait que nous avons un prix de revient du maïs très élevé quand on compte le transport et surtout que des concurrents arrivent de Ouagadougou. Ils sont toujours prêts à payer plus cher que nous. Les clients croient que nous faisons de super bénéfices alors que ce n’est pas le cas. C’est parce que nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Si nous avions le choix, nous aurions arrêté le temps que la tempête passe. Pour moi, les autorités devraient faire très attention à l’exportation des céréales. Elles doivent d’abord garantir une quantité suffisante de réserve pour la population avant de songer à en exporter. Tout le monde y gagnerait. Nous prions Dieu pour que cette année, la saison pluvieuse soit meilleure, et que la situation présente ne soit qu’un mauvais souvenir pour la population.

Propos recueillis par Clarisse Héma,
Urbain Kaboré
Sidwaya

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